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Masseur-kinésithérapeutekinésithérapeute, Xavier Dufour est membre de l'École du dosdos de Paris. Il revient sur les gestes qui accentuent, provoquent des douleursdouleurs et explique comment, au contraire, préserver son dos. Selon lui, « il faut que le dos soit aussi musclé que les abdominaux ».
Les conseils d'un kinésithérapeute. © Vadim Ivanov - Shutterstock
Xavier Dufour, masseur kinésithérapeute de l’École du dos de Paris, répond aux questions de Futura-Sciences. © Xavier Dufour
Futura-Sciences : Pourquoi le dos semble-t-il une partie de notre anatomie si sensible ?
Sensible, oui et non. Il est vrai que 80 % des gens auront un jour mal au dos. Mais si on raisonne comme ça, 100 % des gens auront un jour mal à la tête ! Tout est donc relatif...
Le problème, ce n'est pas tant d'avoir mal au dos une fois de temps en temps. Cela n'est pas vraiment problématique. C'est gênant lorsque la douleur s'installe et devient chronique. On ne peut pas vraiment prédire, lorsque la douleur apparaît, si elle va revenir régulièrement ou pas. C'est généralement à postériori que l'on réalise qu'effectivement, il y avait un risque.
Quant à expliquer la fréquence des lombalgieslombalgies, je dirais tout d'abord qu'elle est inhérente à notre condition de bipèdes. En effet, chez les vertébrésvertébrés qui se déplacent à quatre pattes, la pression de la pesanteur ne s'applique pas de la même façon sur les disques intervertébraux : elle s'exerce sur la tranche. Les hernies discaleshernies discales sont extrêmement rares. Chez l'Homme en revanche, la pesanteur applique une pression importante sur les disques, sur toute leur surface et alors que des os pèsent dessus : ils s'usent beaucoup plus facilement.
L'ennui, c'est qu'on ne s'en aperçoit généralement que sur le tard. Ces disques ne sont pas ou peu innervés : ils se détruisent donc peu à peu, en silence, sans qu'une quelconque douleur ne vienne nous avertir qu'il y a un problème. Quand on commence à avoir mal, parce que le disque est pratiquement détruit, il est déjà tard.
Et les courbures de la colonne vertébrale, ne sont-elles pas génératrices de douleurs ?
Non, au contraire : contrairement à ce que l'on a longtemps cru, elles sont nécessaires à notre équilibre lors de la marche. Nous en avons eu confirmation notamment en observant des enfants qui ne pouvaient pas marcher : leur colonne vertébralecolonne vertébrale était moins incurvée. À l'inverse, les membres des populations nomades d'Afrique, par exemple, qui marchent beaucoup, sont plus cambrées que la moyenne. Il semble donc que les incurvations de la colonne soient nécessaires à une marche confortable.
À quel point une mauvaise posture peut-elle créer des douleurs ?
C'est l'une des principales causes de douleurs. On ne dispose pas de données scientifiques précises, mais on estime que plus de la moitié des lombalgies chroniques viennent d'une posture légèrement décalée vers l'avant : le buste est penché de façon imperceptible. La plupart du temps, on remarque que les personnes qui ont mal au dos sont très légèrement penchées en avant. C'est très discret alors le problème ne se repère pas facilement. Cela fait souffrir les muscles paravertébraux, le long de la colonne vertébrale, qui sont en tension prolongée.
D'une manière générale, la bonne posture consiste à être le plus vertical possible.
Quelle est la cause de cette posture vers l’avant qui provoque des douleurs ?
Le plus souvent, ce sont les muscles du devant qui sont « trop courts », ils tirent donc un peu trop par rapport aux muscles du dos. Paradoxalement, contrairement à une idée reçue, le fait d'avoir des muscles abdominaux très forts peut justement entraîner ce type de problème. En fait, le problème n'est pas tant d'avoir des muscles abdominaux puissants, c'est que les muscles du dos sont beaucoup moins puissants, cela crée donc un déséquilibre.
Des expériences ont montré que le ratio normal entre la force des abdominaux et celle des dorsaux est de 0,8. Chez les lombalgiques, ce ratio est de 1,4 ! La technique consiste alors non pas à perdre des abdos mais bien à renforcer sa musculature dorsale. Petit à petit, la position va se redresser pour revenir à la verticale.
Y a-t-il des sports qui sont particulièrement recommandés ?
Non, le sport recommandé est celui que l'on a envie de pratiquer. C'est au thérapeute de montrer au patient des exercices pour renforcer les muscles trop faibles. En dehors de ça, il n'y a pas de sport idéal ni de sport proscrit.
On a longtemps dit que la natation était le sport par excellence. D'abord, cela dépend du type de natation. Mais surtout, il faut en avoir envie. Si l'on préfère le jogging ou même l'équitation, il n'y a aucune contrindication : le plus important est d'avoir une activité physique pour faire travailler les muscles.
Un bémol évidemment pour les sports à risque comme la motomoto trial ou le saut en parachuteparachute répété, mais c'est une question de bon sens.
Quel est le rôle du kinésithérapeute dans le processus de soins du mal de dos ?
Son travail se déroule en trois temps.
Il va d'abord travailler à libérer : à 80 % il s'agit de libérer de la raideur mécanique, à 20 % de la douleur. Pour ce faire, il va faire pratiquer au patient des étirements musculaires et des mobilisations spécifiques.
Dans un second temps, son rôle sera de maintenir : il faut rééquilibrer la musculature, en particulier les spinaux.
Et enfin, il faut entretenir, c'est-à-dire donner au patient les moyens de s'entretenir en lui donnant des conseils, parfois en adaptant son poste de travail pour une meilleure ergonomie, etc.
Les ostéopathes et les chiropraticiens ont-ils un rôle à jouer dans ce processus ?
Bien sûr et je trouverais idiot d'opposer nos professions. D'ailleurs, je suis à la fois kinésithérapeute et ostéopathe. Le travail de l'ostéopathe consiste plutôt en des manipulations, pour gagner en mobilité. Il est très utile dans la première étape, celle de la libération. Le kiné, lui, va travailler au renforcement musculaire et à la proprioceptionproprioception.
Les deux approches sont complémentaires et c'est tout l'intérêt du patient que de mutualiser nos compétences.