Le premier centre de soins intensifs pour tortues marines ouvrait ses portes l'an dernier sur l'île de Moorea. Installé au cœur de l'hôtel Intercontinental Resort and Spa Moorea, dans les chenaux qui serpentent entre les bungalows, il devrait servir de tremplin à la sauvegarde d'animaux marins officiellement protégés, mais toujours menacés.

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    <br />Ile de Moorea, Hotel Intercontinental Beachcomber. Centre de soins pour les tortues marines. 26 tortues nées la veille et amenées au centre par un particulier. Elles vont être élevées, et soignées si nécessaire, avant d'être relâchées lorsqu'elles auront atteint la taille de 40 centimètres de long. &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Ile de Moorea, Hotel Intercontinental Beachcomber. Centre de soins pour les tortues marines. 26 tortues nées la veille et amenées au centre par un particulier. Elles vont être élevées, et soignées si nécessaire, avant d'être relâchées lorsqu'elles auront atteint la taille de 40 centimètres de long. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Ces bébés tortuestortues se débattent dans un seau avant d'être examinées une par une : elles viennent d'arriver au centre. Toutes les espècesespèces de tortues marinestortues marines sont aujourd'hui inscrites dans les textes de la convention de Washington qui en interdit la capture et le commerce.

    <br />Ici une tortue verte (<em>Chelonia mydas</em>) à qui l'on fait avaler un médicament. Les tortues soignées seront ensuite relâchées. &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Ici une tortue verte (Chelonia mydas) à qui l'on fait avaler un médicament. Les tortues soignées seront ensuite relâchées. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    La Polynésie, depuis 1990, a ajouté aux lois internationales une déclaration locale qui insiste encore sur la protection totale des tortues vertestortues vertes et des tortues à écaillestortues à écailles qui peuplent ses eaux. Mais si l'intention est là, les contrôles manquent cruellement, faute de moyens, notamment dans les atollsatolls reculés. Les œufs continuent à être consommés, et la viande reste un plat de fête très recherché : un animal entier se négocie autour de 300 euros, éradiquer le braconnage s'avère une tâche difficile !

    Saisies par les autorités

     <br />L'une des 26 tortues nées la veille et amenées au centre par un particulier. Elle présente une infection de l'ombilic qui la reliait à son sac vitellin. Elle sera soignée et élevée, comme les autres, jusqu'à ce qu'elle atteigne la taille de 40 centimètres de long.  &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    L'une des 26 tortues nées la veille et amenées au centre par un particulier. Elle présente une infection de l'ombilic qui la reliait à son sac vitellin. Elle sera soignée et élevée, comme les autres, jusqu'à ce qu'elle atteigne la taille de 40 centimètres de long. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Nombre d'animaux qui arrivent au Centre, saisis par les autorités, ont été blessés par les flèches des braconniers. Plaies au cou, dans les nageoires ou le plastron sont le lot quotidien des soigneurs. Mais d'autres, non blessées, arrivent dans un état de faiblesse générale, allant jusqu'à cesser de s'alimenter, sans que l'on sache exactement pourquoi. Alors on cherche, on essaie, on échange avec d'autres centres à travers le monde comme celui d'Hawaï, pour imaginer des traitements efficaces, tenter d'établir, notamment en ce qui concerne les bilans sanguins, des références utilisables par tous.

    <br />Cliché radiographique de tortue verte (<em>Chelonia mydas</em>). Cette technique est notamment utilisée pour localiser des corps étrangers ou des poches d'air qui empêchent l'animal de plonger. &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Cliché radiographique de tortue verte (Chelonia mydas). Cette technique est notamment utilisée pour localiser des corps étrangers ou des poches d'air qui empêchent l'animal de plonger. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Les soins aux tortues relèvent encore de la médecine expérimentale, même si l'on utilise l'arsenal classique : antibiotiques, radios pour localiser notamment des poches d'airair dans les intestins qui les empêchent de plonger, ou des corps étrangers, anesthésies locales si nécessaire, prises de sang... Chaque jour, devant les pathologies mal connues, c'est pour le docteur Gaspar un défi à relever : trouver une solution, et sauver l'animal. Et comme toutes les structures pionnières, le centre de soins va également devoir prendre des décisions difficiles : que faire par exemple d'une tortue à qui il manque une nageoire, ou d'un animal très âgé ? Les relâcher, ou les garder définitivement en captivité pour leur éviter l'affrontement avec d'éventuels prédateurs ?

    Un but : retrouver le milieu naturel !

    Le retour en mer est bien le but poursuivi : ni parc d'attraction, ni zoo, le centre doit être pour la majorité des animaux un simple passage, avant de réapprendre à vivre en milieu naturel. Et c'est cette aptitude à se débrouiller seuls qu'il faut évaluer pour chaque individu, avant de prendre la décision de le relâcher, bagué, pour permettre de l'identifier s'il est à nouveau capturé, ou observé lors d'éventuelles missions de recensement. Les tortues, pour augmenter leurs chances de survie, doivent également avoir pris suffisamment de poids et mesurer au moins 40 centimètres de long. La première quittait le centre en février 2005, un an après son arrivée, suivie depuis par beaucoup d'autres.

    <br />Cette tortue verte (<em>Chelonia mydas</em>), après avoir été soignée au centre, est relâchée dans le lagon par le docteur vétérinaire Cécile Gaspar.  &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Cette tortue verte (Chelonia mydas), après avoir été soignée au centre, est relâchée dans le lagon par le docteur vétérinaire Cécile Gaspar. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Mais au-delà des soins apportés aux animaux malades ou blessés, le docteur Gaspar et son équipe souhaitent mettre en place un programme plus ambitieux. Ils viennent de créer l'association « Te Mana te Moana » afin d'augmenter les moyens du centre, en permettant de faire venir des bénévoles et de faire de la sensibilisation, de créer des supports de communication grand public, par exemple en partenariat avec le GIE, Groupement d'Intérêt Economique qui regroupe tous les acteurs du tourisme, ou en direction des écoles. Financée au départ par l'hôtel Intercontinental Resort and Spa Moorea, une subvention du Ministère de l'Environnement permet aujourd'hui à l'association de mettre en place de véritables missions de terrain, et de communication.

    La première étape d'un programme plus ambitieux

    <br />Elle fera partie des tortues bientôt relâchées dans le lagon par le docteur vétérinaire Cécile Gaspar.  &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Elle fera partie des tortues bientôt relâchées dans le lagon par le docteur vétérinaire Cécile Gaspar. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Dans un centre, explique Cécile Gaspar, en travaillant beaucoup on peut peut-être sauver 20 ou 30 tortues par an. Mais si on arrive à protéger un nid, on va peut-être en sauver 80 d'un coup. La Polynésie est une zone très importante pour les tortues vertes, qui représentent la majorité des animaux accueillis à Moorea. Mais jamais les sites de ponte n'ont été répertoriés de manière précise, ce qui est pourtant indispensable si l'on souhaite avoir un impact à grande échelle. Il faut pouvoir, sur le terrain, protéger les nids, lutter contre le braconnage. Dans certains cas, on peut même être amené à prélever des bébés à la naissance, puisqu'ils arrivent semble-t-il à apprendre à se nourrir en captivité, et peuvent ensuite être relâchés. L'expérience a été menée à la Réunion, où les jeunes tortues ont été suivies par satellite : elles ont bien entamé une migration, preuve qu'elles parvenaient à se nourrir en mer. Ce genre de méthode fonctionne également au Mexique, où un centre travaille à la fois sur la protection des plages et sur l'élevage des petites tortues, pendant environ un an et demi, âge auquel elles atteignent la limite établie à 40 centimètres si elles sont correctement nourries. « Je voudrais, explique le Docteur Gaspar, faire un marquage sur les petites, et voir sur au moins un an combien s'en sortent. Et si la proportion est bonne, on pourrait imaginer, pourquoi pas, d'en élever des milliers pour repeupler nos eaux ».

    Une structure privée

    <br />Cette tortue verte (<em>Chelonia mydas</em>), après avoir été soignée au centre, est relâchée dans le lagon par le docteur vétérinaire Cécile Gaspar. &copy; Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Cette tortue verte (Chelonia mydas), après avoir été soignée au centre, est relâchée dans le lagon par le docteur vétérinaire Cécile Gaspar. © Alexis Rosenfeld - Reproduction interdite

    Créé en février 2004, le Centre de soins intensifs de Moorea était au départ une structure entièrement privée, financée par l'hôtel Intercontinental dans le cadre de sa politique de développement durabledéveloppement durable. Il est maintenant référencé et subventionné par le Ministère de l'Environnement Polynésien, qui a appuyé sa création. Dans chacun des hôtels Intercontinental de Polynésie, des « green team », littéralement des « équipes vertes », ont par ailleurs été créées, sous l'impulsion de Richard Bailey, représentant du Conseil d'Administration du groupe. Elles rassemblent des membres du personnel désireux de mener des actions en faveur de l'environnement.

    A Moorea, bien sûr, c'est autour des tortues qu'ils sont mobilisés. Ces hôtels font tous partie d'une sorte de ligue rassemblant les établissements qui affichent une vraie volonté de préservation du milieu naturel.