Une étude menée par Francis Lévi et son équipe Inserm en chronothérapeutique des cancers (Villejuif), en collaboration avec Paolo Sassone-Corsi de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (Strasbourg), a établi qu'il existait une interaction étroite entre le système circadien, qui règle les activités quotidiennes de l'organisme, et le cycle cellulaire – qui régule la vie, la division, et la mort des cellules.

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    Embryon à un stade précoce de développement

    Embryon à un stade précoce de développement

    Chaque organisme possède des horloges biologiqueshorloges biologiques qui rythment ses activités sur 24 heures. Ainsi, la température, la tension artérielle, le rythme cardiaque présentent des variations régulières au cours d'un cycle de 24 heures appelées "rythmes circadiensrythmes circadiens". Les cellules d'un organisme connaissent également un rythme cellulaire qui programme leur division et leur mort. L'apoptose, ou mort cellulaire programmée, joue un rôle important et salvateur dans l'organisme : ainsi disparaissent les cellules malades dont l'ADN est endommagé ou muté. On suspecte l'apoptose d'être "déréglée" dans les cellules tumorales qui, au lieu de mourir, prolifèrent.

    Grâce à l'étude de l'horloge biologique, on sait déjà que l'efficacité et la toxicité des traitements par chimiothérapie des cancerscancers varient en fonction du moment auquel ils sont administrés. Plusieurs médicaments anticancéreuxanticancéreux exercent leur activité en déclenchant un mécanisme de mort programmée dans les cellules exposées. Mais cette apoptose, utile pour éliminer les cellules cancéreuses, peut aussi éliminer les cellules saines. La chronothérapiechronothérapie permet d'évaluer à quel moment un médicament doit être administré pour être le plus efficace (il freine la prolifération des cellules cancéreuses ) et le moins toxique pour le patient (il détruit le moins possible de cellules saines).

    L'étude publiée dans The Faseb Journal visait à établir un lien entre l'horloge circadienne, l'apoptose et le cycle cellulaire des cellules aussi bien saines que tumorales.Pour cela, l'équipe de Francis Lévi a mesuré, chez des souris, les concentrations de deux protéinesprotéines qui jouent un rôle important dans ces processus : BCL-2 qui protège la cellule de l'apoptose, et BAX qui la favorise. Ces mesures ont été réalisées sur deux types de souris différentes : des souris saines et des souris atteintes de cancer mammaire. Ces protéines ont été recherchées dans la moelle osseusemoelle osseuse et dans les tumeurstumeurs.

    L'équipe a constaté que les cellules saines de la moelle osseuse se multipliaient de façon plus importante quand la souris était en phase d'activité (soit la nuit), confirmant ainsi que le cycle cellulaire (division, mort programmée) était contrôlé par l'horloge biologique. Au contraire, dans les cellules tumorales, la régulation du cycle cellulaire par l'horloge biologique était inopérante : la protéine BCL-2 s'y accumulait 3 à 4 fois plus que dans les cellules saines, empêchant ainsi les cellules tumorales d'entrer en apoptose et ceci tout au long des 24 heures. Paradoxalement, la prolifération des cellules tumorales restait sous le contrôle de l'horloge : les cellules se multipliaient davantage au début de la phase de repos de la souris.

    L'équipe en conclut que la régulation circadienne (sur 24h) des mécanismes du cycle cellulaire et de l'apoptose est profondément perturbée dans les cellules cancéreuses. Néanmoins, l'apoptose est un mécanisme cellulaire complexe qui met en jeu d'autres protéines que BCL-2 et BAX et auxquelles il conviendrait d'élargir l'étude. Les mécanismes par lesquels l'horloge biologique contrôle le cycle cellulaire et l'apoptose sont encore peu connus. Le dysfonctionnement de l'horloge circadienne constaté dans certains cancers contribue-t-il à empêcher l'apoptose des cellules tumorales ? Ce dysfonctionnement de l'horloge rend-il impossible le déclenchement de l'autodestruction cellulaire ? Ou bien la cellule cancéreuse est-elle incapable de comprendre l'injonction de mort cellulaire que l'horloge lui transmet rythmiquement ?

    Cette étude doit maintenant être confortée par des études cliniquesétudes cliniques sur l'homme. L'approfondissement de nos connaissances sur le fonctionnement de l'horloge biologique et sur les mécanismes d'interaction avec l'apoptose et le cycle cellulaire, devrait permettre d'appréhender les processus cancéreux dans leur dimension temporelle et dynamique et d'améliorer ainsi les traitements de cette maladie.