Aller dans les restaurants ou les bars augmente le risque d’attraper la Covid-19, et les repas en général jouent un rôle central dans les contaminations, selon une étude très attendue qui vient d’être rendue publique et sur laquelle s’appuie le gouvernement pour justifier les fermetures.


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    « On voit dans cette étude une augmentation du risque associé à la fréquentation des barsbars et restaurants », indique Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, membre du Conseil scientifique et principal auteur de l’article scientifique. Mais « il faut être prudent » dans l'interprétation de ces résultats « sur un sujet éminemment sensible », insiste-t-il.

    Cette étude, baptisée ComCor, a été menée en octobre-novembre, pendant le couvre-feufeu puis le confinement, quand les établissements étaient partiellement voire complètement fermés. Il est donc difficile de savoir « quelle est la part réelle des restaurants et des bars dans la transmission » du virus, puisque cette période ne correspondait pas à leur fonctionnement normal.

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    Le professeur Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et principal auteur de l'étude publiée. © Wikimédia, CC BY-SA 4.0

    Beaucoup de recherches sur les lieux à risques de propagation

    Selon l'étude, le risque augmente même davantage pendant le confinement que pendant le couvre-feu, ce qui semble paradoxal puisque les établissements étaient alors censés être totalement fermés. « Cela laisse entendre qu'il y a eu des bars et restaurants ouverts de façon clandestine pendant le confinement » et que les personnes qui s'y sont rendues, même moins nombreuses, « s'y sont beaucoup exposées », avance le professeur Fontanet.

    Ces dernières semaines, les restaurateurs ont protesté contre les fermetures, en estimant qu'elles n'étaient pas justifiées scientifiquement. Des accusations rejetées par le Premier ministre Jean Castex : « On dispose d'études internationales », a-t-il déclaré mardi sur Europe 1, en assurant que pour le côté français, l'étude ComCor allait « confirmer » que la fermeture des restaurants et des bars était « nécessaire ».

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    Deux études américaines pointaient récemment le rôle des restaurants dans les contaminations. L'une a été publiée en septembre par les Centres de contrôle et de préventionprévention des maladies (CDC) d'Atlanta, l'autre en novembre dans la prestigieuse revue Nature (voir article plus bas).

    « Il y a un faisceau d'arguments », relève le Pr Fontanet, en citant ces deux travaux, sa propre étude ainsi que « de nombreuses descriptions de transmission dans des restaurants » à travers le monde. « L'ensemble montre que c'est un lieu à risques, en revanche, l'ampleur du risque doit être réévaluée dans des conditions d'ouverture beaucoup plus classiques » que celles de son étude, juge-t-il.

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    Aller dans les restaurants ou les bars augmente le risque d'attraper le Covid-19, et les repas en général jouent un rôle central dans les contaminations. © Ludovic Marin, AFP

    5.000 participants à l’étude sur les contaminations dans les bars et restaurants

    Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs de ComCor ont interrogé 3.400 volontaires infectés par le Covid-19 et 1.700 autres qui n'ont pas été contaminés. Le but : définir des facteurs de risques (profession, mode de déplacement, endroits visités...) en comparant infectés et non infectés.

    C'est ainsi qu'ils ont déterminé que la fréquentation des restaurants, bars ou salles de sport était associée à une augmentation du risque, contrairement aux transports en commun ou aux commerces (alimentaire, habillement...).

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    Quand les restaurants et les bars pourront-ils rouvrir ? La décision du gouvernement dépend des recommandations du conseil scientifique et des récentes études sur les lieux de contamination. © Natalia, Adobe Stock

    Les réunions privées

    En plus de ce volet sur les facteurs de risques, l'étude ComCor comprend une autre partie, sur les circonstances de contamination. Elle porteporte sur 25.600 personnes infectées tirées des fichiers de l'assurance-maladie (Cnam), interrogées par questionnaire.

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    Elle montre que « les repas jouent un rôle central dans ces contaminations, que ce soit en milieu familial, amical ou à moindre degré professionnel », puisqu'on y est proche les uns des autres, et sans masque.

    « Les réunions privées -- familles, amis -- constituent la principale source d'infection, rappelle le Pr Fontanet. Si les gens organisent des dîners amicaux chez eux plutôt que d'aller au restaurant, ça ne change rien ». 44 % des personnes infectées savaient comment elles l'avaient été. En outre, un très grand nombre (97 %) s'est isolé, mais souvent trop tard, par exemple en attendant d'être testé.

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    Là encore, il faut toutefois prendre en compte le fait que la période particulière de l'étude ComCor ne permet pas de tirer de conclusion définitive. Elle sera poursuivie ces prochains mois pour affiner ces premiers résultats et en savoir plus sur la transmission du virus dans d'autres endroits, comme les lieux de culture. « Ce n'est pas un outil de censure pour dire "Attention, c'est chez vous que ça se passe", mais au contraire un outil qui accompagnera les réouvertures pour voir si on détecte un sur-risque », conclut le Pr Fontanet.


    Covid-19 : restaurants, hôtels et salles de sport seraient les principaux vecteurs de transmission du virus

    Une nouvelle étude parue dans Nature a modélisé la propagation de la Covid-19 en utilisant les données de géolocalisation de 98 millions d'individus.

    Article de Julien Hernandez publié le 12 novembre 2020

    Répondre à la question suivante « Quels sont les lieux où le SARS-CoV-2SARS-CoV-2 se propage le plus ? » est d'une importance cruciale tant d'un point de vue sanitaire pour accroître les mesures de précaution à ces endroits, que d'un point de vue économique pour permettre aux différents commerces moins à risque de réouvrir plus rapidement. Une récente étude parue dans la revue Nature indique que les lieux à haut risque sont les restaurants, les hôtels, les salles de sport et les établissements religieux.

    98 millions de données de géolocalisation utilisées

    Les chercheurs ont reconstruit les déplacements d'une partie de la population américaine en utilisant 98 millions de données de géolocalisation anonymes collectées entre mars et mai 2020. Ils ont couplé ce réseau d'interactions reconstruit à un modèle épidémiologique compartimental nommé Seir (pour Susceptible-Exposed-Infectious-Removed ou Sensible-exposé-infectieux-éliminé) afin d'évaluer la dynamique de l'épidémieépidémie au sein des lieux de rassemblement. Les résultats suggèrent que les restaurants, les salles de sport, les cafés, les hôtels et les établissements religieux sont les lieux qui contribuent le plus fortement à la dynamique de l'épidémie.

    Ces espaces devront donc être sous surveillance accrue lorsque le deuxième confinement prendra fin afin d'éviter une recrudescence de l'épidémie. Idéalement, leur capacité maximum d'occupation devrait être fortement diminuée. 

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    Les restaurants, les salles de sport, les cafés, les hôtels et les établissements religieux sont les lieux qui contribuent le plus fortement à la dynamique de la pandémie. © petovarga, Adobe Stock

    Les limites de l'étude 

    Les scientifiques rappellent que leur modèle comporte des limites notamment car il ne prend pas en compte tous les types de population ni tous les lieux que l'on pourrait penser à risque. Aussi, ce type de modèle épidémiologique ne retranscrit pas parfaitement la réalité complexe de la transmission de la maladie. Néanmoins, il se base sur le taux de reproduction du virus. Dès lors, il est en capacité d'indiquer les lieux qui contribuent le plus à son augmentation.

    Grâce à des données démographiques supplémentaires, on constate également que les personnes avec un niveau socio-économique plus faible ont un taux d'infection plus élevé. Leur fréquentation des endroits à risque était plus élevée et leurs déplacements moins limités, certainement parce qu'ils ne pouvaient pas travailler depuis chez eux. Les auteurs appellent les décideurs politiques à se servir de leurs résultats pour les guider dans la gestion du déconfinement.