Entre les élevages d'animaux, la transmission des pathogènes se fait essentiellement par la route. Mais comment ? Une équipe franco-italienne propose une simulation numérique plus pertinente, qui tient compte de ses modifications dans le temps. Si l'on sait mieux prévoir ou comprendre la propagation de maladies, on pourra mettre en place des moyens de lutte plus efficaces ou identifier plus rapidement l'origine d'une épidémie. 

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    Répartition géographique des groupes de fermes dans le réseau italien de  transport de bovins. Chaque couleur souligne un groupe de fermes, montrant que les fermes  d’un même groupe peuvent être soit regroupées géographiquement soit  assez dispersées. Les réseaux représentés en haut correspondent aux  chemins de propagation des épidémies pour chacun des groupes représentés  sur la carte : chaque groupe à un chemin de propagation différent. © P. Bajardi, A. Barrat, L. Savini et V. Colizza

    Répartition géographique des groupes de fermes dans le réseau italien de transport de bovins. Chaque couleur souligne un groupe de fermes, montrant que les fermes d’un même groupe peuvent être soit regroupées géographiquement soit assez dispersées. Les réseaux représentés en haut correspondent aux chemins de propagation des épidémies pour chacun des groupes représentés sur la carte : chaque groupe à un chemin de propagation différent. © P. Bajardi, A. Barrat, L. Savini et V. Colizza

    Le transport routier est l'un des principaux vecteurs de propagation des épidémies animales. Il est donc crucial de comprendre comment des animaux potentiellement infectés sont échangés et transportés dans un pays. Une équipe franco-italienne incluant des chercheurs du Centre de physiquephysique théorique (CNRS/Aix-Marseille Université/Université du Sud Toulon Var) et de l'unité Épidémiologie, systèmes d'information, modélisationmodélisation (Inserm/UPMC) vient de présenter des simulations numériquessimulations numériques à grande échelle permettant de recréer des scénarios de propagation d'une épidémie potentielle touchant les bovins en Italie.

    Ce modèle, le premier à prendre en compte les variations journalières du réseau italien de transport d'animaux, pourrait permettre de développer des stratégies de préventionprévention et de surveillance plus efficaces. Ces travaux sont publiés en ligne sur le site du Journal of the Royal Society Interface.

    La possibilité de transporter des animaux de ferme sur de grandes distances est vitale pour l'élevage et l'industrie agroalimentaire. Cependant, ces voyages fournissent aux pathogènes des moyens de se répandre. On peut citer comme exemples l'épidémie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni en 2001, qui a eu un coût estimé à 10 milliards d'euros, ou l'épidémie de peste porcine en Allemagne en 2006, qui a eu des coûts indirects estimés à 60 millions d'euros. De plus, sujet d'inquiétude grandissant, les maladies animales peuvent représenter une menace pour la santé humaine, comme l'ont montré récemment la grippe H1N1 ou la grippe aviaire.

    On voit ici les chemins de propagation d’épidémies en Italie, où chaque point blanc de la carte centrale est une ferme et où les liens représentent le transport d’animaux. La simulation met en évidence des groupes de fermes, qui peuvent être géographiquement concentrés ou pas. On constate que les épidémies naissant au sein d'un même groupe se propagent selon le même scénario. On voit ici deux groupes, représentés par des zones bleue et rouge, et les cartes latérales montrent plusieurs chemins de propagation d’épidémies dont l’origine est dans le groupe rouge (à gauche) ou bleu (à droite) : pour différentes origines dans le même groupe, les chemins de propagation sont très similaires. © P. Bajardi, A. Barrat, L. Savini et V. Colizza

    On voit ici les chemins de propagation d’épidémies en Italie, où chaque point blanc de la carte centrale est une ferme et où les liens représentent le transport d’animaux. La simulation met en évidence des groupes de fermes, qui peuvent être géographiquement concentrés ou pas. On constate que les épidémies naissant au sein d'un même groupe se propagent selon le même scénario. On voit ici deux groupes, représentés par des zones bleue et rouge, et les cartes latérales montrent plusieurs chemins de propagation d’épidémies dont l’origine est dans le groupe rouge (à gauche) ou bleu (à droite) : pour différentes origines dans le même groupe, les chemins de propagation sont très similaires. © P. Bajardi, A. Barrat, L. Savini et V. Colizza

    Le but : prédire comment une maladie va se propager

    Afin de mieux comprendre comment des animaux potentiellement infectés sont échangés et transportés dans un pays, et comment cela peut jouer sur la propagation d'une épidémie, les chercheurs ont utilisé le registre de déplacement de 5 millions de bovins au long de l'année 2007. Ils ont créé un modèle à partir d'outils venus de l'analyse des réseaux complexes. En mathématiques, un réseau est une série de points reliés par des liens. Dans le cas présent, les points représentaient les fermes et les liens, le transport d'animaux de l'une à l'autre. L'originalité principale de ce modèle est de prendre en compte les modifications d'une semaine sur l'autre, ou même d'un jour sur l'autre, du réseau italien de transport d'animaux. Les modèles traditionnels prennent comme base un réseau figé, ce qui peut conduire à des mesures de prévention et de contrôle inadéquates.

    Les simulations numériques construites par les chercheurs permettraient de prédire comment une maladie survenue dans n'importe quelle ferme italienne se propagerait par la route à travers tout le pays. Il pourrait surtout aider à identifier les fermes à surveiller en priorité lorsqu'une épidémie se déclenche, ou lorsque l'on soupçonne qu'une épidémie est en cours. Il permettrait enfin, lors d'une crise, de retracer le chemin parcouru par l'infection et d'en découvrir la ferme d'origine. Ces travaux montrent aussi que les fermes les plus intéressantes à surveiller ne sont pas seulement celles où le trafic d'animaux est le plus intense, comme le prévoiraient des modèles plus simples ne tenant pas compte de la dynamique du réseau. Cependant, ces fermes à surveiller prioritairement sont difficiles à identifier par des caractéristiques standard, et les chercheurs développent actuellement les méthodes mathématiques pour y parvenir.

    Ce travail, fondamental dans le sens où son but était de développer de nouveaux outils mathématiques, pourrait facilement servir comme base à la création d'un outil performant et simple d'utilisation destiné aux autorités sanitaires. En outre, les chercheurs veulent à présent étendre leur étude au reste de l'Europe.