Des scientifiques chinois ont fait naître des porcelets avec des organes comportant des cellules de singe. Un succès en trompe l’œil puisque le taux de cellules exogènes était très faible et que tous les cochons sont morts en moins d’une semaine.


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    Des scientifiques chinois ont pour la première fois fait naître des cochons avec des cellules de singe, rapporte le New Scientist. Plusieurs essais de création d'embryons hybrideshybrides entre espècesespèces animales (chèvre-mouton, rat-souris...) ou même avec des cellules humaines ont été lancés ces dernières années, mais aucun n'avait été mené jusqu'à terme chez le cochon, pour des raisons à la fois éthiques et scientifiques. Le succès des Chinois, dont les travaux ont été publiés dans la revue Protein & Cell, a toutefois été très éphémère : aucun des porcelets chimères n'a survécu au-delà d'une semaine.
     

    Un taux d’échec colossal

    Tang Hai et ses collègues du laboratoire de biologie reproductive à Pékin ont modifié des cellules de macaque pour les rendre fluorescentes et pouvoir les suivre facilement. Ils ont ensuite cultivé des cellules souches à partir de ces cellules modifiées puis les ont injectées dans des embryons de porc cinq jours après la fécondation. Plusieurs organes (cœur, foie, raterate, poumonpoumon, peau...) de ces porcelets chimères étaient ainsi en partie constitués de cellules de singe, bien qu'en proportion très réduite : entre 1 sur 1.000 et 1 sur 10.000, d'après le New Scientist.

    Pourcentage de cellules de singe dans les différents organes des deux cochons nés hybrides. La ligne bleue correspond à une cellule de singe pour 10.000 cellules de cochon. © Rui Fu et al, Protein & Cell, 2019, adaptation C.D pour Futura
    Pourcentage de cellules de singe dans les différents organes des deux cochons nés hybrides. La ligne bleue correspond à une cellule de singe pour 10.000 cellules de cochon. © Rui Fu et al, Protein & Cell, 2019, adaptation C.D pour Futura

    Hélas, même avec ce très faible pourcentage, le taux d'échec s'avère énorme : sur près de 4.000 embryons génétiquement modifiés implantés chez des truies, à peine 10 sont arrivés à terme, dont deux seulement possédaient des cellules de singe. Au fur et à mesure de la croissance de l'embryon, le système immunitairesystème immunitaire cherche en effet à se « débarrasser » des cellules étrangères, ce qui limite leur développement. Hybride ou pas, le sort des 10 petits cochons a cependant été semblable : tous sont morts en moins d'une semaine. Pour Tang Hai, cette mortalité parmi tous les types de porcelets est paradoxalement une bonne nouvelle, car cela signifie que le chimérisme n'est pas en cause, et qu'il s'agit plutôt de décès liés au processus de fécondation in vitro, qui ne fonctionne pas aussi bien chez le cochon que chez l'Homme.

    Banques d’organes sur pattes

    L'objectif ultime de ces recherches est de cultiver des organes humains dans des cochons, qui pourraient ainsi venir remplacer les organes déficients de patients en attente de greffegreffe. Un objectif qui semble donc encore très, très lointain au vu des faibles pourcentages de cellules colonisées et du taux de mortalité alarmant, et qui soulève aussi de nombreuses questions éthiques : cultiver un foie humain dans un cochon, d'accord, mais si les cellules souches humaines colonisent le cerveaucerveau, va-t-on créer un cochon « intelligent » ?

    Ces interrogations n'ont pas freiné les expérimentations. En 2017, des chercheurs du Salk Institute à La Jolla ont obtenu des embryons de porc comportant des cellules humaines (voir l'article ci-dessous), détruits après quatre semaines de grossessegrossesse. En 2018, une autre équipe américaine avait créé des chimères homme-mouton, et en août 2019, le chercheur Juan Carlos Izpisúa avait annoncé un gestationgestation de singes avec des cellules humaines. Le Japon vient quant à lui d’autoriser la recherche sur les embryons hybrides animaux-humains. La mort des porcelets chinois vient cruellement rappeler le caractère hautement aléatoire de ce type de recherche.


    Un embryon chimère homme-cochon créé par des scientifiques

    Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray publié le 27/01/2017

    Pour la première fois, des chercheurs américains ont réussi le développement d'un embryon contenant à la fois des cellules humaines et des cellules de cochon. Le but recherché est de trouver un moyen pour créer des organes utilisables pour des greffes.

    Alors que des patients doivent attendre des années pour obtenir une greffe d'organe, des chercheurs s'activent pour trouver des alternatives. Certains tentent de mettre au point des protocolesprotocoles qui permettraient de créer des organes humains dans des animaux, afin qu'ils soient utilisables pour des transplantationstransplantations.

    Une première mondiale vient d'être réalisée dans ce domaine : dans la revue Cell, des chercheurs du Salk Institute à La Jolla décrivent comment ils ont obtenu une chimère d'embryon contenant à la fois des cellules humaines et des cellules de porc.

    Le cochon est un animal particulièrement intéressant pour cette recherche car ses organes sont de taille proche de celle des organes humains. De plus, la croissance de cet animal est bien plus rapide que celle des humains puisqu'il est possible, à partir d'une cellule fécondée, d'obtenir un cochon de 100 kgkg en seulement neuf mois. Plus rapide qu'une liste d'attente pour une greffe : en France, d'après l'agence de biomédecine, la duréedurée moyenne d'attente pour une greffe de reinrein est supérieure à deux ans.

    Des cellules souches pluripotentes induites humaines (en vert) ont contribué au développement du cœur d’un embryon de cochon de quatre semaines. © <em>Salk Institute</em>
    Des cellules souches pluripotentes induites humaines (en vert) ont contribué au développement du cœur d’un embryon de cochon de quatre semaines. © Salk Institute

    De telles chimères pourraient servir à créer des greffes ou tester de médicaments

    Pour ces travaux, les chercheurs ont testé différents types de cellules souches. Des dizaines de cellules ont été injectées dans des embryons de cochon, qui ont ensuite été implantés dans des truies, où ils se sont développés trois à quatre semaines (soit le quart de la durée de la gestation normale pour un cochon). Certaines cellules souches se sont incorporées dans l'animal en croissance.

    D'après le Washington Post, lorsque les embryons ont été retirés et analysés, les chercheurs ont trouvé qu'environ une cellule sur 100.000 était humaine. Ces cellules humaines étaient réparties en différents endroits dans la chimère : beaucoup se trouvaient dans les tissus qui allaient donner le cœur (près de 10 % du tissu), certaines étaient au niveau des reins et du foie (1 % ou moins). Quelques-unes se sont développées en précurseurs de neuronesneurones, ce qui soulève beaucoup de questions éthiques : risque-t-on de créer un animal avec une conscience humaine ? La part représentée par les cellules humaines était donc faible et le protocole de recherche devait empêcher que l'embryon hybride arrive à maturité.

    Cette chimère homme-cochon marque une avancée majeure pour créer des embryons animaux contenant des organes humains. Cette semaine, une autre équipe de chercheurs a montré dans Nature qu'il était possible d'obtenir un pancréaspancréas de souris dans un embryon de rat.

    Les chercheurs espèrent qu'ainsi un jour il sera possible de faire pousser des tissus humains dans des animaux de ferme. Les embryons chimères peuvent aussi servir de modèles pour des recherches fondamentales sur le développement embryonnaire. Ils pourraient également permettre de tester des médicaments sans prendre de risque pour la santé humaine.


    Cellules souches : la création de chimères homme-animal autorisée en Angleterre

    Article de Jean Etienne, paru le 24/05/2007

    Bien qu'assortie de sévères contraintes, l'autorisation par le gouvernement britannique, prise le 17 mai dernier d'autoriser la création in vitroin vitro d'embryons de chimères humain-animal suscite de vives réactions.

    Le but de cette culture est de répondre à la demande des groupes de recherche impliqués dans l'étude des cellules souches. En pratique, ces embryons ne doivent pas être conservés en vie bien longtemps, et les scientifiques s'accommodent très bien de la limite de 14 jours qui leur a été imposée. Ce délai se justifie par la position adoptée par de nombreux chercheurs, qui estiment qu'avant l'âge de 14 jours, l'embryon n'est pas encore un être humain à l'état d'ébauche et que toutes les manipulations de cette petite boule de cellules sont sans conséquences. En corollaire, il est bien entendu exclu de les implanterimplanter dans un utérusutérus.

    Les chimères ainsi produites, sur lesquelles des expériences ont déjà été effectuées notamment en Chine et aux États-Unis, sont obtenues par l'implantation du noyau d'une cellule humaine à l'intérieur d'un ovocyteovocyte animal. Ces essais s'inscrivent dans le cadre de la recherche sur la mise au point de méthodes de production de cellules souches à des fins thérapeutiques, notamment.

    Mais la décision du gouvernement surprend, car elle semble court-circuiter une initiative de la HFEA (Human Fertilization and Embryology Authority) qui constitue, de l'avis de tous les spécialistes, un parfait modèle de contrôle et de régulation de ce secteur, et qui avait annoncé son intention de procéder à une vaste consultation populaire en automneautomne prochain avant de se prononcer sur le sujet. Sa directrice générale, Angela McNab, déclare que « ce serait une erreur de porter un jugement immédiat sur ce problème compliqué et controversé avant d'avoir suffisamment d'éléments ».

    En France, le professeur Axel KahnAxel Kahn, généticiengénéticien à l'Inserm réagit en ces termes : « La décision anglaise était attendue depuis longtemps, précédée par la recommandation du Comité de bioéthiquebioéthique de Nuffield. Même si la loi anglaise interdisait la recherche sur l'embryon dans d'autres buts que celui d'améliorer la fertilité, elle était, depuis quelques années, tolérée dans certains laboratoires ayant d'autres visées. Dans les autres pays européens, on n'envisage pas encore le clonageclonage, thérapeutique ou reproductif. Mais, si les recherches effectuées chez les animaux ou, ailleurs, chez l'Homme sont couronnées de succès, les législateurs seront face à une tension éthique entre l'idée qu'ils se font de l'embryon et les progrès thérapeutiques promis. Il sera important d'avoir un vrai débat démocratique et de ne pas nier les difficultés de tous ordres auxquels on sera confronté. »

    Le Vatican, quant à lui, s'est fait entendre par la voix de Mgr Elio Sgreccia, président de l'Académie pontificale pour la Vie. Affirmant que cette décision va à l'encontre du droit et de la justice, il rappelle que la création d'un hybride homme-animal « représente une frontière violée dans le domaine de la nature, la plus grave, ce qui entraîne une condamnation morale totale ». Il émet aussi la crainte que l'on puisse, ultérieurement, créer des monstruosités à travers ces fécondations.