Après les neurones, une équipe états-unienne vient de transformer des cellules souches humaines en cellules du poumon. Les chercheurs espèrent pouvoir utiliser cette approche pour mieux comprendre les maladies pulmonaires et pour peut-être un jour réussir à greffer des tissus pulmonaires sans aucun risque de rejet.

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    La recherche sur les cellules souches est en pleine effervescence. Ces cellules indifférenciées, capables de se multiplier indéfiniment et de se transformer en n'importe quelles autres cellules, offrent des potentialités médicales infinies. En les maîtrisant bien, les chercheurs pourraient cultiver n'importe quel type de tissus et réparer des organes endommagés ou détruits. La thérapie cellulaire pourrait par exemple permettre de soigner les maladies dégénératives et greffer des organes plus facilement.

    Malheureusement, entre la théorie et la pratique, il y a souvent un fossé. L'utilisation de cellules souches, qui proviennent majoritairement d'embryons, pose des problèmes éthiques et politiques. Les chercheurs se sont donc concentrés sur des stratégies alternatives. C'est ainsi qu'en 2006, soit moins de dix ans après la découverte des cellules souches embryonnaires chez l'Homme, Shinya Yamanaka et John Gurdon ont réussi à reprogrammer des cellules de la peau en cellules souches, qu'ils ont appelées cellules souches pluripotentes induites (CSPiCSPi). Leurs travaux, récompensés par le prix Nobel de médecine en 2012, ont révolutionné la recherche dans ce domaine. Aujourd'hui, les chercheurs savent fabriquer relativement facilement des cellules souches sans passer par les embryons et peuvent les manipuler à leur guise pour faire naître d'autres cellules.

    Les deux poumons ont pour rôle de réaliser les échanges gazeux entre le corps humain et l’air ambiant. Ces échanges ont lieu au niveau des alvéoles, où le sang est alors enrichi en oxygène et appauvri en dioxyde de carbone. © Patrick J. Lynch, medical illustrator, Wikimedia Commons, cc by 2.5

    Les deux poumons ont pour rôle de réaliser les échanges gazeux entre le corps humain et l’air ambiant. Ces échanges ont lieu au niveau des alvéoles, où le sang est alors enrichi en oxygène et appauvri en dioxyde de carbone. © Patrick J. Lynch, medical illustrator, Wikimedia Commons, cc by 2.5

    Ces dernières années, différentes équipes ont pu tour à tour transformer des cellules de peau en cellules cardiaques, pancréatiques, intestinales, hépatiques, nerveuses, etc. Mais jusqu'ici personne n'avait pu fabriquer des cellules pulmonaires à partir de cellules souches humaines. C'est maintenant chose faite. Une équipe du centre médical de l'université ColumbiaColumbia aux États-unis vient d'accomplir cet exploit. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature Biotechnology, sont un pas de plus vers l'autogreffe, c'est-à-dire la transplantation de tout ou partie d'un organe fabriqué à partir des propres cellules du patient.

    Des cellules pulmonaires qui respirent

    Pour réussir cette prouesse, les auteurs ont dû concocter le cocktail chimique miracle capable de métamorphoser les CSPi en cellules pulmonaires fonctionnelles. L'étude n'a pas été facile et a duré plusieurs années. En 2011, les auteurs ont découvert une série de facteurs pouvant transformer des CSPi humaines en cellules de l'endodermeendoderme, c'est-à-dire celles qui sont à l'origine des cellules pulmonaires. Il leur a fallu deux années de plus pour dénicher les autres composés permettant de compléter la différenciation jusqu'au bout et produire différents types de cellules de l'épithéliumépithélium pulmonaire : les cellules à mucusmucus, les cellules ciliéescellules ciliées, les cellules basalescellules basales, les cellules de Clara et les pneumocytes de type 1 et de type 2.

    Les scientifiques ont ensuite testé l'activité de leurs cellules. Leur travail a porté ses fruits. Ils ont montré que les cellules fabriquées fonctionnaient correctement. En particulier, les pneumocytespneumocytes de type 2 étaient capables de produire du surfactantsurfactant pulmonaire, un matériaumatériau complexe qui contrôle les alvéoles et coordonne la respiration pulmonaire.

    Ses découvertes pourraient aider à mieux étudier et comprendre certaines pathologiespathologies pulmonaires, comme la fibrosefibrose pulmonaire idiopathique, dans laquelle les pneumocytes de type 2 jouent un rôle clé. « C'est une maladie peu connue, explique Hans-Willem Snoeck, le directeur de l'étude. En utilisant cette technologie cellulaire, on pourrait fabriquer un modèle de la pathologie en laboratoire et l'étudier au niveau moléculaire. » Dans le futur, les chercheurs espèrent utiliser la médecine régénérative pour réaliser des autogreffes de poumonspoumons et s'affranchir des problèmes de rejets.