Plusieurs études mettent en avant le rôle de deux protéines différentes pour limiter la croissance, voire détruire certaines tumeurs. Leurs noms : AMH et Hsp90. La première ciblerait les cancers ovariens tandis que l’inhibition de la seconde aurait un champ d'action plus large. Mais il reste encore quelques problèmes à régler avant d’espérer un jour les utiliser dans des thérapies.

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    Le cancer a été diagnostiqué en France pour plus de 350.000 personnes en 2010 et a fait près de 150.000 victimes. Le cancer du poumon, dont on voit des cellules tumorales, est le plus meurtrier (responsable de 21.000 morts). © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le cancer a été diagnostiqué en France pour plus de 350.000 personnes en 2010 et a fait près de 150.000 victimes. Le cancer du poumon, dont on voit des cellules tumorales, est le plus meurtrier (responsable de 21.000 morts). © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

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    Le cancer, première cause de mortalité en France devant les maladies cardiovasculaires, fait encore des ravages, même si les thérapies sont de plus en plus efficaces et que les taux de survie grimpent.

    S'il y a de quoi se réjouir de quelques bonnes nouvelles, d'autres, cependant, peuvent interpeller. Une étude à paraître dans Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas) par des chercheurs de l'hôpital général du Massachusetts montre tout de même qu'un traitement assez couramment utilisé en chimiothérapie, à base de doxorubicine, pourrait favoriser (modestement) la croissance des tumeurs ovariennes, alors que la moléculemolécule est censée lutter contre.

    Un paradoxe qui aussitôt posé pourrait bien trouver une réponse. Car cette même étude apporte une piste de réflexion pour améliorer l'efficacité du traitement en évitant de fournir à la tumeur les moyens de croître.

    AMH, des petits garçons au cancer des ovaires

    En effet, les chercheurs ont constaté qu'une hormone glycoprotéique (composée d'un sucre et d'une protéineprotéine) que l'on trouve surtout chez le fœtusfœtus mâle et le jeune garçon peut arrêter la croissance tumorale. Cette molécule, nommée AMH (anti-müllerian hormone), sert à différencier les sexes durant la gestationgestation.

    Lors des premières semaines du développement embryonnaire, il est impossible de reconnaître visuellement les petits garçons des petites filles. Tous deux sont dotés des mêmes organes génitaux et possèdent notamment deux canaux : celui dit de Wolff et celui de Müller. Cependant, chez les mâles des mammifèresmammifères, la testostéronetestostérone et l'AMH provoquent la régression du canal de Müller. Chez les femelles (qui n'ont donc pas de AMH), cet organe va évoluer pour former l'utérusutérus, les ovairesovaires et le vaginvagin.

    De ce fait, par son action inhibitrice sur les voies sexuelles féminines, l'AMH s'attaquerait aussi aux tumeurstumeurs ovariennes. Les auteurs de l'étude pensent pouvoir l'utiliser en combinaison d'une chimiothérapie, qui détruit la majeure partie des cellules cancéreuses, pour renforcer l'efficacité. Il reste malgré tout un problème à résoudre : sa production. Pour l'heure, les auteurs ont seulement de quoi faire pour leurs tests expérimentaux...

    La protéine Hsp90, représentée ici dans une structure tridimensionnelle, est fondamentale dans la bonne santé des cellules cancéreuses. Mais elle l'est aussi pour les cellules saines. L'inhibition de cette molécule pourrait soigner du cancer, mais quid des effets secondaires ? © <em>Jawahar Swaminathan and MSD staff at the European Bioinformatics Institute</em>, Wikipédia, DP

    La protéine Hsp90, représentée ici dans une structure tridimensionnelle, est fondamentale dans la bonne santé des cellules cancéreuses. Mais elle l'est aussi pour les cellules saines. L'inhibition de cette molécule pourrait soigner du cancer, mais quid des effets secondaires ? © Jawahar Swaminathan and MSD staff at the European Bioinformatics Institute, Wikipédia, DP

    Hsp90, une protéine clé… peut-être même trop

    Une autre protéine pourrait faire encore mieux, et deux études parues le 23 janvier dans The Journal of Experimental Medicine évoquent son potentiel. Nommée Hsp90 (pour heat-shock protein ou protéine de choc thermiqueprotéine de choc thermique, 90 correspondant à son poids moléculaire), elle est dite chaperonne. Cela signifie qu'elle permet aux autres protéines d'adopter une bonne conformationconformation tridimensionnelle lors de leur élaboration, ce qui leur confère leur activité.

    Dans un premier travail, des chercheurs de l'université de Göttingen (Allemagne) se sont intéressés à la protéine MIF (MacrophageMacrophage migration Inhibitory Factor). Cette molécule peut promouvoir la croissance tumorale, et une augmentation de sa concentration est souvent liée à l'agressivité d'une tumeur. En inhibant Hsp90 dans une lignée de cellules cancéreuses humaines, les chercheurs ont empêché la prolifération et enclenché l'apoptoseapoptose, un mécanisme d'autodestruction cellulaire.

    Dans une seconde recherche, leurs collègues américains de l'institut du cancer Dana-Farber ont quant à eux étudié l'effet de l'inhibitioninhibition de Hsp90 sur l'activité d'enzymesenzymes impliquées dans des leucémiesleucémies, appelées JAK2. Ces dernières résistent aux médicaments, mais pas à l'absence de Hsp90. Les tumeurs ne sont pas détruites, mais leur croissance est largement ralentie.

    Prises ensemble donc, ces deux études suggèrent que Hsp90 pourrait un jour être utilisée comme traitement contre le cancer. Avant cela, il reste de nombreux pas à franchir. Car si la protéine est indispensable à la croissance tumorale, elle l'est également pour les cellules saines de l'organisme qui ont elles aussi besoin de protéines fiables et stables. Il faudra donc trouver le moyen de ne cibler que la Hsp90 des cellules cancéreuses. Ce qui n'est pas chose aisée.