Pour lutter contre la résistance croissante aux antibiotiques, des scientifiques américains viennent de montrer pour la première fois que l’on peut combattre certaines souches parmi les plus tenaces par des bactéries prédatrices de bactéries. Et si l’on entrait dans une nouvelle ère de la prise en charge des maladies infectieuses ?

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    Une population d'Escherichia coli (en bleu) est infiltrée par la bactérie Bdellovibrio bacteriovorus, en rose. Cette dernière pourrait être utilisée pour lutter contre des souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. © Université de médecine et d'odontologie du New Jersey

    Une population d'Escherichia coli (en bleu) est infiltrée par la bactérie Bdellovibrio bacteriovorus, en rose. Cette dernière pourrait être utilisée pour lutter contre des souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. © Université de médecine et d'odontologie du New Jersey

    Est-ce un retour vers le passé ? Il n'y a pas si longtemps, de nombreuses maladies infectieuses faisaient des ravages. Mais grâce à l'essor des antibiotiques, d'innombrables vies humaines ont pu être sauvées. Malheureusement, ce très grand progrès de la médecine s'accompagne d'un gros problème : la capacité des bactéries à évoluer pour résister aux traitements qu'on leur oppose.

    Ainsi, après des années d'abus, la situation s'aggrave, au point que les autorités sanitaires se préoccupent de la question avec le plus grand sérieux. Une spécialiste britannique évoque même un scénario catastrophe. Aux États-Unis, on estime à deux millions le nombre de cas de maladies nosocomiales chaque année, principalement imputables à des souches résistantes aux antibiotiques. Certaines se montrent même insensibles à tous les antimicrobiens.

    Que faire ? Trouver de nouvelles solutions. La piste des bactériophages, ces virus destructeurs de bactéries, est de nouveau suivie après avoir été abandonnée à la moitié du XXe siècle, rendue obsolète par l'émergenceémergence des antibiotiques. Mais voilà qu'à l'université de médecine et d'odontologie du New Jersey (États-Unis), on propose une autre solution : celles des bactéries prédatrices s'attaquant à des proies de la même nature.

    Cette image prise au microscope électronique à balayage révèle <em>Micavibrio aeruginosavorus</em> (en jaune) s'en prenant à la bactérie <em>Pseudomonas aeruginosa</em> (en rose). La proie ne peut échapper aux griffes du prédateur. Cette propriété pourrait être exploitée pour soigner des infections humaines. © Université de médecine et d'odontologie du New Jersey

    Cette image prise au microscope électronique à balayage révèle Micavibrio aeruginosavorus (en jaune) s'en prenant à la bactérie Pseudomonas aeruginosa (en rose). La proie ne peut échapper aux griffes du prédateur. Cette propriété pourrait être exploitée pour soigner des infections humaines. © Université de médecine et d'odontologie du New Jersey

    Deux superbactéries pour contrer la résistance aux antibiotiques

    En soi, l'idée n'est pas nouvelle. Mais la question n'a jamais été réellement approfondie, car la perspective d'utiliser des agents biologiques contre les microbes laisse toujours dubitatif. Cependant, les solutions s'amenuisent face aux problèmes de résistancerésistance, et il devient nécessaire de proposer des alternatives. Daniel Kadouri et son équipe se lancent dans l'exploration de cette piste.

    Dans une étude précédente, ils s'étaient focalisés sur deux bactéries, dont ils avaient pu prouver les capacités de prédation sur des souches de référence d'Escherichia coliEscherichia coli ou de salmonelles, au pouvoir pathogène, mais ne présentant aucune résistance particulière aux antibiotiques. Ils avaient pu montrer que Bdellovibrio bacteriovorus s'accrochait à sa proie, avant de pénétrer à l'intérieur et de s'y développer avant de la tuer. D'autre part, Micavibrio aeruginosavorus se fixe également sur ses victimes, avant de former une enveloppe autour d'elles durant sa phase de croissance.

    Mais une question demeurait : sont-elles également efficaces contre les bactéries résistantes aux antibiotiques ? C'est l'objet de leur nouvel article, publié dans la revue Plos One.

    Une efficacité avérée, une probable innocuité

    Ainsi, les superprédateurs ont été testés contre 14 souches de bactéries résistantes, toutes Gram négatif, appartenant à quatre genres différents. Acinetobacter baumannii est responsable de nombreuses infections nosocomialesinfections nosocomiales, comme PseudomonasPseudomonas, de plus en plus courant. Quant aux pathogènes opportunistes E. coli et Klebsiella pneumoniaeKlebsiella pneumoniae, elles sont normalement retrouvées dans la flore intestinale de bon nombre de personnes.

    Il s'avère que les bactéries prédatrices ont bien fait leur travail, et les populations des formes résistantes aux antibiotiques ont très nettement régressé. Voilà potentiellement un nouveau moyen de contrôler des infections aujourd'hui délicates à traiter. Il faut encore s'assurer de l'innocuité d'une telle thérapiethérapie, mais les résultats préliminaires semblent encourageants. Des tests menés in vitroin vitro sur des cellules humaines montrent que ces bactéries tueuses de microbesmicrobes s'en prennent spécifiquement à leurs proies et épargnent les cellules eucaryoteseucaryotes. La prochaine phase consiste à tester leur efficacité chez des animaux vivants. Avant peut-être d'envisager, un jour, de passer chez l'Homme.