Pour résister aux antibiotiques, les bactéries redoublent d'imagination. Une étude récente vient de mettre en évidence un mécanisme par lequel certaines bactéries résistantes aident et protègent leur cousines plus vulnérables.

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    Cette étude montre comment les bactéries peuvent s'entraider dans la résistance contre les antibiotiques. © Pixabay, DP

    Cette étude montre comment les bactéries peuvent s'entraider dans la résistance contre les antibiotiques. © Pixabay, DP

    Les bactéries n'ont pas fini de nous étonner et de nous donner du fil à retordre. Il y a moins d'un siècle, les antibiotiques semblaient être le remède miracle contre de nombreuses infections. C'était sans compter l'étonnante capacité d'adaptation des microbesmicrobes qui communiquent, mutent et s'échangent des gènes de résistance à tout va. Une étude récente, parue dans la revue Plos One, en témoigne à nouveau.

    Des chercheurs canadiens de l'University of Western Ontario ont mis en évidence un nouveau mécanisme par lequel les bactéries résistantes partagent leurs équipements de défense avec certains microbes sensibles. Pour parvenir à cette découverte, ils se sont intéressés à Burkholderia cenocepacia (B. cenocepacia), une espèceespèce bactérienne pouvant entraîner des infections sévères chez les personnes atteintes de mucoviscidose et chez les immunodéprimés.

    <em>Pseudomonas aeruginosa</em> peut infecter les poumons des personnes souffrant de mucoviscidose. © CDC, DP

    Pseudomonas aeruginosa peut infecter les poumons des personnes souffrant de mucoviscidose. © CDC, DP

    La bactérie B. cenocepacia est hétéro-résistante à l'antibiotique polymyxine B, ce qui signifie que lors d'un traitement par ce médicament, la majorité des B. cenocepacia est tuée, excepté une sous-population de germesgermes résistants. Un peu comme le petit village d'Astérix qui reste le seul en Gaule capable de résister aux troupes de Jules César...

    Les bactéries résistantes protègent les plus sensibles

    Les auteurs ont réussi à isoler certaines des B. cenocepacia résistantes et les ont cultivées en présence de bactéries sensibles aux antibiotiques. Ces dernières se sont alors mieux défendues contre la polymyxine B. Les B. cenocepacia peuvent aussi secourir d'autres espèces bactériennes sensibles aux antibiotiques, telles que Escherichia coli ou Pseudomonas aeruginosa, impliquée dans l'infection des malades de la mucoviscidose. Ce phénomène est valable pour d'autres antibiotiques comme la gentamicine ou la rifampicine.

    Pour comprendre comment la population résistante protégeait les bactéries sensibles, les scientifiques ont analysé les protéines sécrétées par les germes résistants. Ils ont montré que deux d'entre elles, la putrescine et Ycel, étaient synthétisées en excès et pourraient participer au mécanisme d'hétéro-résistancerésistance. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont alors construit des bactéries mutantes incapables de produire ces deux protéines : elles sont alors devenues plus sensibles à la polymyxine B et n'ont plus protégé leurs camarades.

    Ces résultats montrent comment des bactéries appartenant à la même espèce ou à des espèces différentes coopèrent pour combattre les antibiotiques. Cette découverte pourrait avoir un impact médical important dans le traitement de certaines maladies infectieuses où plusieurs bactéries cohabitent. À terme, les chercheurs aimeraient comprendre comment ces protéines agissent pour défendre les bactéries sensibles aux antibiotiques. Ces travaux permettraient la mise en place de moyens supplémentaires de lutte contre le problème de la résistance aux antibiotiques.