Considéré comme un vestige sans fonction, qui ne se manifeste que pour provoquer une appendicite, ce petit organe servirait en fait d’abri pour une flore bactérienne nous aidant à digérer les aliments. Mais, dans les pays industrialisés, effectivement, cet hébergement serait plus nuisible qu’utile.

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    Dans les manuels d'anatomie humaine, l'appendice vermiforme, ou appendice, est décrit comme un diverticule du caecum, à l'entrée du gros intestingros intestin, de 5 à 12 centimètres, sans plus de précision. Il est ensuite immédiatement associé à son inflammation, appelée appendicite. En somme, la seule fonction de cet appendice serait de faire peser sur l'individu un risque mortel. D'un point de vue évolutif, ce serait là une curiosité. La compréhension de son rôle n'est pas facilitée par sa rareté chez les mammifèresmammifères. L'anatomie du caecum varie beaucoup d'une espèceespèce à l'autre et cette partie de l'intestin est surtout développée chez les herbivoresherbivores.

    On sait que l'appendice fabrique des immunoglobulinesimmunoglobulines, et doit donc intervenir, d'une manière ou d'une autre, dans le système immunitairesystème immunitaire. Mais d'autres parties du corps fabriquent aussi des immunoglobulines et l'ablationablation de l'appendice, commune dans de nombreux pays, ne semble pas générer de complications. La cause est entendue : l'appendice serait un organe vestigial, qualificatif donné à une structure anatomique atrophiée qui n'est que le souvenir d'un organe présent chez de lointains ancêtres.

    Réserve protégée pour bactéries amies

    D'après William Parker, du Centre médical de l'université Duke (Durham, Caroline du Nord, Etats-Unis), cette conclusion serait un peu simpliste. Lui et Randal Bollinger ont étudié de plus près la structure de ce petit organe méprisé, en s'appuyant sur de précédents travaux. Depuis dix ans, Parker travaille sur le biofilm qui tapisse le tube digestiftube digestif. Ce biofilm est une couche de mucusmucus où prospèrent de nombreuses bactériesbactéries et dans lequel on trouve aussi des moléculesmolécules issues du système immunitaire. Depuis plusieurs années, l'importance de ces biofilms bactériens, présents dans de nombreux milieux et pas seulement à l'intérieur des organismes, est régulièrement revue à la hausse.

    William Parker pense que l’appendice n’est pas un vestige inutile de l’évolution.<br />© <em>Duke University Medical Center</em>

    William Parker pense que l’appendice n’est pas un vestige inutile de l’évolution.
    © Duke University Medical Center

    D'après Parker et Bollinger, les biofilms du tube digestif hébergent des bactéries qui sont utiles à la digestiondigestion et, recouvrant la paroi interne de l'intestin, empêchent des bactéries nuisibles de s'installer. « Nos études ont montré que le système immunitaire protège et nourrit les micro-organismesmicro-organismes présents dans le biofilm » explique William Parker. Or, ajoute-t-il, « nous avons observé que ce biofilm est plus dense [pronounced dans la citation de l'auteur, NDLRNDLR] dans l'appendice et que sa présence s'affaiblit à mesure que l'on s'en éloigne. »

    Ces deux scientifiques en déduisent un rôle clé pour ce diverticule. Il abriterait une flore bactérienneflore bactérienne pour la tenir en réserve au cas où une grave indigestion et la diarrhéediarrhée qu'elle provoque évacueraient le biofilm. Les bactéries bénéfiques étant parties, les nuisibles auraient alors le champ libre pour s'installer. Mais, sortant de leur cache, les bactéries amies stockées dans l'appendice pourraient rapidement réinvestir l'intestin. Dans de nombreux pays, les diarrhées sont un mal fréquent et ce petit diverticule du caecum aurait donc une précieuse utilité.

    Réaction surdimensionnée

    Dans les sociétés industrialisées, avec une alimentation saine et une hygiène de tous les instants, ce genre d'indigestion est rarissime. Voilà pourquoi l'ablation de l'appendice n'a pas d'effets sur la santé. En revanche, ce rôle de l'appendice pourrait expliquer la fréquence de l'appendicite. Le raisonnement fait appel à ce que l'on appelle parfois la thèse hygiéniste. Parce que nos sociétés modernes nous exposent peu à des bactéries pathogènespathogènes, nos organismes sont mal préparés à lutter contre elles quand nous croisons leur route. La rencontre peut alors plus facilement conduire à une réaction disproportionnée, cause d'allergiesallergies dans les cas bénins, ou d'inflammations contre des attaques plus graves. C'est ce qui arriverait après l'intrusion d'une bactérie ennemie dans cette réserve protégée que serait l'appendice, provoquant une réaction violente et une appendicite.