Les êtres vivants sont généralement programmés pour vivre jusqu’à leur âge de maturité sexuelle maximum puis s’éteindre une fois qu’ils ne sont plus fertiles. Or, les humains vivent bien au-delà de cet âge théorique. Dans les années 1960, les chercheurs ont donc avancé « l’hypothèse de la grand-mère », qui explique que l'aide des grands-mères permet aux mères d'avoir plus d'enfants, et font ainsi passer leurs gènes de longévité. Une hypothèse renforcée aujourd’hui par l’explication de l’activité physique des séniors.


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    Les êtres vivants sont généralement programmés génétiquement pour une duréedurée de vie correspondant à la fin de leur âge de reproduction. Car au-delà de cet âge, les sujets âgés sont considérés comme « inutiles » et n'apportent plus aucun bénéfice pour la survie de l'espèceespèce. Or, on observe chez l'humain qu'un tiers de la durée de vie moyenne des femmes est postménopause. En dehors de certaines espèces de cétacés ou de requins, cette longévité est exceptionnelle dans le règne animal.

    L’hypothèse de la grand-mère, une idée qui a émergé dans les années 1960

    Dans les années 1960 a émergé « l'hypothèse de la grand-mère », postulant que la longévité féminine s'explique par le gain en terme reproductif d'une plus grande durée de vie chez les femmes. Les premières preuves de cette théorie ont été recueillies par Kristen Hawkes, anthropologue à l'université de l'Utah qui étudiait le peuple Hadza, un groupe de chasseurs-cueilleurschasseurs-cueilleurs du nord de la Tanzanie. Hawkes avait été frappée par la « productivité » de ces vieilles dames qui partaient à la recherche de nourriture, et a plus tard documenté comment leur aide permettait aux mères d'avoir plus d'enfants. De nombreuses études ont ensuite appuyé cet « effet grand-mère » à partir de données ethnographiques, historiques et sociologiques. En 2019, une étude portant sur les populations au Québec et en Finlande dans les années préindustrielles montre par exemple les effets bénéfiques des grands-mères, avec une baisse de mortalité infantile et un âge plus précoce de reproduction chez les femmes habitant à proximité de leur propre mère.

    Le maintien d’une activité physique chez les plus âgés aurait un effet protecteur contre la sénescence des cellules. © Syda Productions, Adobe Stock
    Le maintien d’une activité physique chez les plus âgés aurait un effet protecteur contre la sénescence des cellules. © Syda Productions, Adobe Stock

    L’activité physique des grand-mères les protègerait de la sénescence

    Une nouvelle étude publiée en décembre 2021 dans la revue PNAS et dirigée par Daniel Lieberman, professeur à l'université de Harvard, avance un argument supplémentaire en faveur de l'hypothèse de la grand-mère. Selon le chercheur, le maintien d’une activité physique aux dernières étapes de la vie ralentit le processus de sénescence, ce qui protège contre les troubles chroniques et le vieillissement. « Il existe ainsi une sélection évolutive favorisée par l'activité physiquephysique », atteste Daniel Lieberman dans une interview au magazine Scientific American. L'activité physique réduit le stockage des graisses et produit des moléculesmolécules anti-oxydatives permettant de freiner la sénescence naturelle des cellules.

    Mais si cette hypothèse est vraie, alors pourquoi les femmes ne vivent pas encore plus longtemps, afin d'aider leurs arrière-petits-enfants ? Selon Simon Chapam, qui a mené l'étude de 2019, l'aide de la grand-mère diminue à mesure que les petits-enfants vieillissent, et sa « valeur reproductive » décline donc en conséquence. Le chercheur a constaté que les taux de mortalité des grands-mères augmentent juste au moment où les capacités de ces dernières diminuent. Au bout d'un moment, cela fait tout simplement trop de bouches à nourrir, estime Simon Chapam.

    Une hypothèse qui ne fait pas l’unanimité

    Cette hypothèse de la grand-mère est toutefois encore discutée. En 2019, des chercheurs avaient calculé que la longévité « naturelle » de l'humain était de 38 ans, en se basant sur le taux de sénescence de l’ADN. Mais, selon les chercheurs, la durée de vie anormalement longue que nous connaissons serait plutôt liée aux progrès de la médecine. D'ailleurs, notre mode de vie plus sédentaire que celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs aurait dû nous conduire à une réduction de notre espérance de vie selon le principe de Lieberman. Enfin, l'hypothèse de la grand-mère n'apporte aucune explication au fait que la spermatogenèse chez les hommes continue bien au-delà de l’âge de ménopause des femmes.