Certains rats-taupes montrent une résistance à différents types de douleurs. Cette caractéristique héritée de l'évolution leur aurait permis de s’adapter à de nouveaux habitats. Elle pourrait aussi servir à mettre au point des médicaments antidouleurs.


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    Le rat-taupe nu est un animal fouisseur originaire d'Afrique particulièrement résistant à la douleur. Il intéresse aussi les chercheurs en raison de sa longévité et de sa résistancerésistance au cancer. Un article de 2008 montrait qu'il n'éprouvait pas de douleur s'il était exposé à de l'acideacide ou à de la capsaïcine, le composé piquant du piment.

    Dans cette nouvelle étude parue dans Science, des scientifiques ont étudié le rat-taupe nurat-taupe nu ainsi que huit autres espècesespèces proches pour savoir comment ils réagissaient à trois moléculesmolécules censées provoquer une sensation de brûlure sur la peau : de l'acide chlorhydriqueacide chlorhydrique dilué, de la capsaïcine et de l'isothiocyanate d'allyle, une molécule présente dans le wasabi et la moutarde. Ces molécules, ou des substances proches, peuvent se retrouver dans l'environnement des rats-taupes.

    Résultats, trois espèces de rats-taupes étaient insensibles à l'acide, et deux espèces étaient insensibles à une injection de capsaïcine au niveau de la patte. Les autres animaux soulevaient leur patte, ou la léchaient, ce qui signifiait qu'ils ressentaient une douleur. Mais ce qui a surtout intéressé les chercheurs est qu'une seule espèce était insensible à la molécule du wasabi. Il ne s'agissait pas du rat-taupe nu mais du rat-taupe highveld.

    Le rat-taupe <em>highveld</em> a été identifié dans une région d’Afrique du Sud. © Jane Reznick, MDC
    Le rat-taupe highveld a été identifié dans une région d’Afrique du Sud. © Jane Reznick, MDC

    Pour mieux comprendre les raisons de cette insensibilité à la douleur, les chercheurs ont récupéré des tissus au niveau de la moelle épinière et des ganglions rachidiens des neuf espèces. Les ganglions rachidiens contiennent des neuronesneurones qui transmettent le signal de la douleur à la moelle épinière. Les chercheurs ont étudié l'activité des gènesgènes dans ces tissus.

    L’insensibilité est liée à un canal ionique

    L'équipe s'est aperçue que l'activité de deux gènes était altérée en cas d'insensibilité à la douleur. Ces gènes codaient pour les canaux ioniquescanaux ioniques TRPA1 et NaV1.7, des molécules impliquées dans la perception de la douleur. La molécule du wasabi et d'autres substances irritantes présentes dans des racines activent le canal TRPA1 : c'est pourquoi certaines espèces réduisent l'expression de ce gène, pour limiter la douleur due à ces molécules.

    Mais chez le rat-taupe highveld un autre gène était activé : il codait également pour une protéineprotéine canal, NALCN, aussi appelée en anglais sodiumsodium leak channel. Lorsque les chercheurs ont bloqué ce canal avec un médicament, le rat-taupe highveld est devenu sensible à la molécule du wasabi !

    Une forte expression du canal NALCN semble être un moyen très efficace de soulager la douleur

    Dans la nature, le rat-taupe highveld peut vivre à proximité de fourmisfourmis venimeusesvenimeuses, Myrmicaria natalensis, dont la piqûre est douloureuse. Les chercheurs ont injecté le venin de cette fourmi au niveau de la patte des animaux. Tous les rats-taupes ont éprouvé une douleur sauf le rat-taupe highveld. Et si le canal NALCN était bloqué, le rat-taupe highveld devenait sensible à cette douleur. L'insensibilité du rat-taupe highveld serait donc une adaptation à son environnement.

    D'après Gary Lewin, un des auteurs de l'étude, qui s'exprime dans un communiqué, « Les connaissances fournies par nos études sur ces animaux devraient, entre autres, aider au développement de nouveaux médicaments antalgiquesantalgiques. Il précise que Le rat-taupe highveld nous a montré qu'une forte expression du canal NALCN semble être un moyen très efficace de soulager la douleur ».