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« L'habit ne fait pas le moine. » Ce dicton pourrait très bien convenir au rat-taupe nu, un petit rongeurrongeur d'Afrique de l'ouest. Avec sa peau dépourvue de poils et ses dents qui dépassent, on lui décernerait bien volontiers la palme du mammifère le plus laid de la création. Mais l'apparence est parfois trompeuse, car cet être étrange est en réalité plein de ressources et passionne la communauté scientifique au plus haut point.
Le rat-taupe nurat-taupe nu est unique en son genre. Pas plus grand qu'une souris, il vit en moyenne 35 ans, soit 10 fois plus longtemps que ses cousines. Il possède des particularités exceptionnelles : il semble insensible à la douleur et surtout il ne développe jamais de cancer ! Depuis cette découverte, les chercheurs travaillent d'arrache-pied pour découvrir le secret de la longévité de ce petit rongeur. Des scientifiques de l'université de Rochester dans l'État de New York ont récemment montré qu'il produisait une moléculemolécule particulière, l'acide hyaluronique, qui encercle les cellules et empêche la formation de tumeurs.
Le rat-taupe nu est vraiment un mammifère particulier. Comme les termites ou les fourmis, il vit dans des communautés souterraines dirigées par une reine. © Brandon Vick, université de Rochester
Mais le rongeur a plus d'un tour dans son sac. Une équipe du même laboratoire vient de découvrir une autre raison expliquant sa bonne santé. Les auteurs ont montré que le rat-taupe nu possédait une usine cellulaire de production de protéines presque parfaite, ne laissant pas le droit à l'erreur, ou très peu. Ces résultats sont publiés dans la revue Pnas.
Une usine protéique très efficace chez le rat-taupe nu
L'étude a démarré alors que les chercheurs s'intéressaient aux ribosomes (complexes ribonucléoprotéiques où a lieu la fabrication des protéines dans les cellules animales), et plus particulièrement aux ARN ribosomiques (ARNr), leurs constituants principaux. En analysant des échantillons d'ARNr déposés sur un gelgel d'agarose, ils se sont rendu compte que le rat-taupe nu possédait trois bandes d'ARNr, au lieu de deux comme c'est le cas chez les autres animaux. En d'autres termes, un de ses ARNr est fragmenté en deux parties. Ils se sont alors demandé quel impact cela pouvait avoir sur la fabrication des protéines chez ce rongeur, et si cette particularité était liée à sa duréedurée de vie exceptionnelle.
Ils avaient vu juste. Dans les cellules, lorsque les ribosomes associent les acides aminés pour former des protéines, des erreurs occasionnelles peuvent survenir. Mais chez le rat-taupe nu elles sont très limitées : ses protéines contenaient 40 fois moins de fautes que celles des souris ! « Des protéines sans altérations sont plus efficaces et permettent à l'organisme de mieux fonctionner », indique Andrei Seluanov, le directeur de cette étude. Pour confirmer ce résultat, les auteurs veulent maintenant casser l'ARNr chez les souris et étudier l'effet sur la synthèse des protéines de ces animaux.
Les chercheurs espèrent que leur découverte pourra un jour conduire à un traitement pour améliorer la synthèse des protéines chez l'Homme. Mais une chose est certaine : il ne sera pas disponible avant de longues années.