Peut-être vous a-t-on déjà dit que ce n'est pas votre chat qui habite chez vous, mais vous qui habitez chez votre chat. Une plaisanterie pas très éloignée de la vérité, tant le petit félin a réussi sa campagne de séduction auprès des humains, sans changer - ou presque - au fil des millénaires. Mais comment Diable s'y est-il pris pour nous domestiquer ?

 


au sommaire


    Aujourd'hui, plus de 12 millions de chats peuplent les foyers de France et de Navarre. Une (omni)présence passée dans les mœurs, au point qu'il semble difficile d'imaginer que les humains ont pu, par le passé, vivre sans le compagnonnage de ces boules de poils. Et pourtant : si cette relation est multi-millénaire, elle n'est pas innée pour autant. Alors, comment avons-nous domestiqué les chats ? Ou plutôt : comment les chats nous ont-ils domestiqué ? 

    Apprenez-en plus sur le chat et son évolution aux côtés des humains dans notre podcast Bêtes de Science. © Futura

    Le chat est arrivé en même temps que l'agriculture

    Tout commence il y a plus de 11 000 ans. Nous sommes à Chypre, petite île à l'est de la Méditerranée, près du Proche-Orient. Dans un silence de mort, le corps d'un homme est enterré avec, auprès de lui, son chat. Une première ? Peut-être. En tout cas, la tombe, mise au jour en 2004 sur le site archéologique de Shillourokambos, est le plus ancien témoignage de la proximité entre les deux espèces, et balaye la théorie selon laquelle les premières cohabitations auraient eu lieu en Egypte, il y a 6 000 ans. Les raisons de ce rapprochement ne sont pas sentimentales, mais ont tout à voir avec un accord marchand entre l'Homme et le chat. 

    A cette époque, les humains entament un processus de sédentarisation, et avec lui le développement de l'agriculture. L'activité attire l'attention des rongeurs, qui dévastent les récoltes... et ne manquent pas d'intéresser les chats, ravis de pouvoir se nourrir à moindre effort. Les petits félins se rapprochent donc ostensiblement des humains, qui voient plutôt d'un bon œilœil ce discret animal qui protège les récoltes sans commettre de dommages annexes. Une tolérance assise par le physiquephysique harmonieux de l'animal, au point que certains se feront une place parmi les humains... et ne les quitteront plus : et si c'était une auto-domestication ?

    Dans l'Egypte Antique, le chat - associé à Bastet, déesse du foyer, des femmes et de l'accouchement - est considéré comme un animal sacré. © Mountains Hunter, Adobe Stock
    Dans l'Egypte Antique, le chat - associé à Bastet, déesse du foyer, des femmes et de l'accouchement - est considéré comme un animal sacré. © Mountains Hunter, Adobe Stock

    Le chat est resté quasiment inchangé en 11 000 ans

    Pour autant, d'après une étude publiée en 2017 dans la revue nature ecology & evolution, et contrairement aux chiens, cette longue proximité à nos côtés n'altère pas - ou très peu - le génomegénome du chat. D'ailleurs, un seul élément permet de distinguer le chat domestique du chat sauvage : un pelage tigré avec des tâches et des tourbillonstourbillons probablement apparu au cours du Moyen Âge, quand celui du chat sauvage présente des rayures. Mis à part cette subtilité qui ne touche que certains individus, l'animal que nous voyons tous les jours est quasiment similaire à ce qu'il était il y a 11 000 ans, et descend des populations de Felis silvestris lybica du Proche-Orient et de l'Égypte. Ces deux groupes ont probablement séduit les populations grâce à leur caractère sociable. Mais c'est à partir de l'époque classique qu'ils conquièrent véritablement le monde, grâce notamment à l'essor des routes commerciales terrestres et maritimes empruntées par les humains, le long desquelles les chats domestiques se répartissent. 

    Le chat, membre à part entière de nos foyers

    Si sa réputation ne change pas au Moyen-Orient, elle essuie cependant un sérieux revers durant la majeure partie du Moyen-Âge, qui voit le chat comme une créature du diable, avant de revenir dans les bonnes grâces à partir de la Renaissance. Certains spécimens sont sélectionnés pour leur beauté ou leur caractère, et les premiers « chats de race » sont créés - ce qui n'empêche pas les autres de continuer à prospérer. C'est ainsi que Richelieu chouchoute ses quatorze matous, et que Louis XV fait siéger Brillant et Le Général - un angoraangora blanc et un persan - à son conseil des ministres. La relation « donnant-donnant » disparaît peu à peu parmi les sphères les plus riches, et le chat glisse doucement du statut de chasseur vers celui de pacha, nourri et logé sans aucune contrepartie. 

    Aujourd'hui membre à part entière de la famille, le chat n'en finit pas de séduire et d'intriguer. Héritier du caractère indépendant et débrouillard de ses ancêtres orientaux, il souffre cependant de la comparaison avec le chien, réputé plus fidèle et affectueux. C'est mal connaître le petit félin, capable du plus grand attachement pour les humains dans la plus grande discrétion.