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    Le seigle, céréalecéréale finalement peu connue, regorge d'anecdotes. Historique de cette céréale.

    Soleil d'hiver. © SandraLina, Pixabay, DP
    Soleil d'hiver. © SandraLina, Pixabay, DP

    L'ancêtre sauvage du seigle n'a pas été identifié avec certitude, mais c'est l'une des graminéesgraminées croissant à l'état sauvage dans l'est et le centre de la Turquie, lieu probable des premiers Néolithiques : Can Hasan III. Il n'y a pas de témoins archéologiques jusqu'à l'âge de bronze en Europe centrale. Pline l'AncienPline l'Ancien le décrit comme « une nourriture très pauvre, utile seulement pour éviter la famine » et indiquant qu'on le mélange avec du bléblé.

    Ramassage du seigle au XIV<sup>e</sup> siècle. © Tacuin  
    Ramassage du seigle au XIVe siècle. © Tacuin  

    Le seigle, une céréale rustique

    Depuis le Moyen Âge, le seigle a été cultivé en Europe centrale et orientale. Il a été la céréale panifiable dans la plupart des régions à l'est de la frontière franco-allemande et au nord de la Hongrie. La famine n'a pas toujours épargné la France, voici un extrait éloquent (Disette de l'année 17O9 - S éditions en Anjou - Bulletin historique et monumental de l'Anjou, 1860 - Par Aimé de Soland, Angers (France) Conseil général), qui relate une famine du petit âge glaciaire :

    « L'année 1709 fut une des plus mauvaises que l'on ait vue en Europe depuis plusieurs siècles. L'Anjou fut réduit à une affreuse misère. Le froid commença le 6 janvier, et sévit avec une rigueur extrême jusqu'au 24 du même mois. La plupart des poules, oiesoies et canards mouraient de froid, les poules qui résistaient à la température avaient toutes perdu leurs crêtes. Lehoreau nous apprend que depuis St-Mathurin jusqu'à Sorges il périt 1.500 oies ; un grand nombre de bestiaux succombèrent. Il n'était pas rare de trouver dans les chemins des lièvres, perdrix, lapins, merles, etc., morts de froid. Les chênes étaient fendus par la gelée.

    L'intensité du froid avait cessé le 24 janvier ; les populations de l'Anjou espéraient sauver le peu de céréales échappéeséchappées à l'inclémence du temps, lorsque le 3 février un froid des plus vifs se fit sentir pendant six jours, et réduisit à néant toutes semences confiées à la terre. [...]

    L'année 1708 avait été pour l'Anjou d'une extrême abondance en céréales de toutes sortes. Dans cette même année le blé n'avait qu'une valeur très minime, aussi les marchands l'enlevaient-ils pour la Hollande, et le roi tirait des greniers de l'Anjou les blés nécessaires pour alimenter les provinces où la disette s'était fait sentir.

    Lorsqu'on prévit le triste résultat de la récolte de 1709, immédiatement le prix des céréales augmenta ; le seigle monta à 55 sols, le froment à 4 livres et l'orgeorge à 55 sols. Dans les villes et bourgs de la province, le peuple résolut de ne laisser sortir aucune céréale. Six bateaux chargés de blé, passant aux Ponts-de-Cé furent arrêtés, la populace furieuse voulait massacrer les mariniers ; Michel Poncet de la Rivière, évêque d'Angers, accompagné des principaux magistrats de cette ville, partit en poste pour arrêter l'effervescence. Les mutins ne se calmèrent qu'à condition que le blé soit vendu aux Ponts-de-Cé et distribué aux pauvres.

    Peu de temps après cette révolte, une seconde éclata à Angers les 18 et 19 du mois de mars. Des bateaux chargés de grains, destinés pour Laval, furent arrêtés et les mariniers allaient êtres noyés, sans les juges de police qui vinrent en robes apaiser la sédition. Le blé fut vendu sur place, devant le port de l'Hôtel-Dieu. Cette concession n'arrêta cependant pas la fureur populaire. Des troupes de séditieux parcoururent la ville pillant les magasins des marchands grainetiers et des boulangers ; plusieurs personnes furent tuées par les furieux. Le peuple s'empara des portesportes de ville et les garda pendant plus d'un mois. On ne laissait entrer et sortir aucun grain ni farine, pas même du son ; cette prohibition fit beaucoup souffrir la ville qui ne put recevoir d'approvisionnements, et le pain valut jusqu'à 40 sols la livre.

    L'intendant de la généralité de Tours, M. de Turgot, vint à Montjean et enjoignit à M. André Gontard, sénéchal de Montjean et avocatavocat au présidial, de marcher à la tête d'une compagnie de dragons contre les rebelles. M. André Gontard monta tout de suite à cheval, parla aux émeutiers, et le samedi 5 août l'émeute était entièrement finie. [...] On enleva du château de Montjean 500 septiers de blé, et 200 furent laissés pour les besoins du pays. On conduisit une partie des insurgés, tant hommes que femmes, dans les prisons, et ils y restèrent six mois environ.

    Dans toutes les villes et bourgades de l'Anjou où on cherchait à exporter des céréales, on était sûr de voir immédiatement une révolte éclater. [...] L'évêque Michel Poncet de la Rivière montra dans ces circonstances un zèle digne des plus grands éloges. Il fit ramasser dans le Craonnais, dans les boisbois des environs d'Angers et particulièrement aux Perray-aux-Nonains, toutes les racines d'asphodèles qu'il put trouver ; on les fit bouillir, et lorsqu'elles furent réduites en pâte on y mêla de la farine d'orge, puis le tout pétri, mis au four, fit de bon pain blanc que les pauvres mangèrent avec avidité. (Nota bene : Les racines de l'asphodèle ont une âcreté qu'elles perdent dans l'eau bouillante. Dans les temps de disette on en a quelquefois extrait une farine avec laquelle on a fait du pain.)

    Il y eut dans cette misérable année qui ruina l'Anjou, et une grande partie des provinces de France, des pluies continuelles qui durèrent plus de cinq mois. Le 9 de juin, la Loire grossit tellement que la levée de Saumur, depuis la Daguenière jusqu'aux Rosiers, fut couverte par plus d'un pied d'eau, les moissons par conséquent furent perdues et ce qui échappa ne fournit qu'une faible récolte et de très mauvaise qualité ; les froments produisirent un pain noir et qui occasionna la mort d'un grand nombre de personnes. Louis XIV désolé des maux qui affligeaient son peuple, et en particulier la province d'Anjou qui était plus accablée que toutes les autres, publia une ordonnance par laquelle il permit de faire des Contrats d'orge et de blé, pour faciliter les pauvres agriculteurs qui purent se procurer des semences, et ne furent tenus de les rendre qu'à la Cueillette et avec intérêt ; et chaque habitant fut obligé, dans un délai fixé, de se rendre chez le greffier de la ville ou du bourg qu'il habitait, faire la déclaration des céréales qu'il avait dans sa maison ; celui qui contrevenait à la présente ordonnance était puni des galères. Ces mesures firent le plus grand bien et rassurèrent un peu les populations désolées... »