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    Nous ne visiterons que trois endroits, on ne peut pas tout faire... Il s'agit de St Valery-sur-Somme, de Rue et du château de Rambures, trois endroits où les constructionsconstructions ont quelque chose de très particulier.

    Château de Rambures, Picardie. © Peyot, <em>Wikimedia</em>, CC by-sa 4.0

    Château de Rambures, Picardie. © Peyot, Wikimedia, CC by-sa 4.0

    1 - Les murs en galets de St Valery

    Evidemment c'est une spécialité de la région ! Matière première gratuite et présente en quantité elle fut abondamment utilisée avec bonheur souvent comme vont en témoigner les quelques exemples de Valery-sur-Somme ( pas d'accent sur Valery !) que je vous présente ici.

    - Un mur de clôture en galets et en briques

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    MurMur de galets ronds - St Valery

    Les briques servent de « treillistreillis » d'ancrage, le remplissage étant de galets ; remarquez que tous les 80 cm à un mètre suivant l'épaisseur du mur, on a placé une rangée de briques : ceci permet de retrouver l'horizontale en plus de solidifier la construction. On retrouve la même technique dans la construction des châteaux forts, pour les murs de petit appareil, beaucoup moins chers et plus vite montés que les murs en pierre de taille.

    - Un « beau » mur de galets

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    Mur de la chapelle St Pierre de St Valery

    Pour des édifices un peu plus prestigieux on choisissait quelques belles pierres de grèsgrès ou de calcairecalcaire et on taillait les galets en prenant bien soin de les trier pour obtenir un mur très décoratif. La pierre était nécessaire cependant à la stabilité de l'ensemble puisqu'elle est disposée en quinconce dans l'épaisseur du mur de manière à ce que les galets remplissent des sortes de petites « niches ». Les galets eux-mêmes sont taillés, du moins dans la partie supérieure du mur ( ce n'est as toujours le cas pour les soubassementssoubassements qui doivent être plus solides) et, ici, on a pris soin de ne choisir que des galets bleus pour donner plus de force à l'aspect décoratif. Ces techniques ont toujours été utilisées et en Sardaigne par exemple on trouve des murs construits en noir et blanc avec de la lavelave et du calcaire, ce qui produit de semblables et saisissants effets !

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    Détail du mur de galets taillés

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    Décoration obtenue sur un autre mur d'église avec la même technique

    - La chapelle des marins de St Valery-sur-Somme. Elle est un peu à l'écart de la petite ville, vers le cap Hornu, sur une colline.

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    Frere, le Hornu

    Construite selon les mêmes techniques elle a une histoire bien à elle. En souvenir de St Valery qui y avait séjourné en ermite entre 611 et 622 une chapelle avait été érigée près de la source de la Fidélité. Profanée, naturellement, pendant la Révolution, elle est convertie en salpêtrière pour la fabrication de la poudre à canon (révolutionnaire mais pas pacifiste !).

    Rendue au culte au lendemain du Concordat elle fut reconstruite entre 1876 et 1880 et l'aspect décoratif de ses murs est particulièrement réussi.

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    Chapelle des marins St Valery

    Autre particularité de cette petite église le clocher était surmonté d'un goéland. La tradition veut que les marins échappés d'un naufrage y viennent, pieds nus,  accomplir le vœu formulé lors du danger. St Valery «  soulageant » nombres de maux, y compris les « pannes » sexuelles, de nombreux ex votos  représentant des phallus et des organes génitaux féminins étaient présents dans la chapelle  ce qui dut, sans doute, choquer quelques prudes bourgeois de la fin du XIXè , puisqu'ils ont été enlevés, les ex votos, pas les bourgeois...

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    St Valery- sur-Somme d'après Garneray

    - La porte Guillaume (XIIè)

    Il y a dans la ville de St Valery, toute une partie moyenâgeuse et dont certaines constructions sont évidemment militaires. On est obligé, dans ce cas, puisqu'il faut garantir la sécurité, d'avoir des murs en grand appareil mais les galets furent utilisés pour décorer les parties hautes, ainsi que les briques d'ailleurs, comme vous pouvez le constater sur l'image ci-dessous. Une plaque rappelle, ici, le passage de Jeanne d'Arc en 1430.

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    La porteporte Guillaume

    2 - Le beffroi de Rue

    Le mot beffroi vient sans doute de l'anglo-normand, quelque chose comme « bell free » = « cloches libres ». Un premier beffroi fut construit en 1214, dès l'achat au Comte de Ponthieu de la charte qui accorde les libertés communales à la population de la Ville. Endommagé au cours des conflits il fut reconstruit après la Guerre de Cent Ans. Au premier, la salle des échevins abritait le pouvoir communal exercé par les bourgeois. Au second, la salle des gardes et des guetteurs qui actionnaient les cloches en cas d'attaque, d'incendie, de sentence concernant un prisonnier important, d'arrivée d'un visiteur de marque.
     
    Accessible par cette salle, la petite prison est dans une tour latérale. Afin de garder au beffroi sa fonction d'Hôtel de Ville, deux ailes de stylestyle néogothique ont été construites au XIXème siècle. Ajoutons pour la petite histoire que le beffroi de Rue doit bien être le seul à sonner l'Angélus : il a, en effet, hérité de Marie-Louise, la grosse cloche de l'église de la ville que le nouveau clocher ne pouvait plus accueillir et cette dernière a continué sa fonction de cloche d'église. Parfois la tolérance existe par la force des choses entre le pouvoir temporel et religieux !

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    Beffroi de Rue

    L'association « Beffrois et Patrimoine » (Une partie des informations de ce paragraphe proviennent de ce site) a été créée en 2002 pour obtenir le classement collectif des beffrois du Nord de la France. Vingt-et-une villes du Nord, du Pas-de Calais et de la Somme adhèrent au Réseau. Pour la Somme on a les beffrois d'Amiens, d'Abbeville, de St Riquier, de Lucheux et de Doullens en plus de celui de Rue dont nous parlons ici.
     
    L'érection des beffrois correspond au mouvement communal du XIe siècle. L'essor économique donne naissance à des bourgs commerciaux administrés par des marchands qui revendiquent une autonomieautonomie administrative, juridique et économique avec une charte de privilèges. Afin de matérialiser leur commune, ils souhaitent posséder leur propre tour, le beffroi, à même de rivaliser avec les donjons des châteaux des nobles régionaux et avec les clochers marque du deuxième pouvoir.

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    Baie de Somme

    L'érection de beffrois était concentrée les Pays-Bas d'alors, espace différent de celui d'aujourd'hui, qui s'étendaient du Nord de la France au sud du Zeeland (incluant Belgique et Luxembourg) : soit la contrée délimitée au sud par la Somme, au nord-est par la Meuse et la Moselle et au nord par l'embouchure du Rhin. Ce n'était pas un état.

    La construction des beffrois débute après les raids normands du IXè et Xè . Un redémarrage de l'économie s'accompagne d'une explosion démographique, et les défrichements se multiplient. Les marchands seront les protagonistes de ce nouveau mouvement communal, pour des questions de sécurité indispensable, chacun le sait, au bon fonctionnement des affaires. La préoccupation majeure des marchands est d' organiser et d'administrer eux-mêmes leur cité. Ils se constituent donc en associations, qui portent de nombreux noms : guilde ou hanse et revendiquent droits et privilèges auprès de leur suzerain, lesquels sont détaillés dans une charte de franchise  communale. Ce document est garant de leur autonomie administrative, judiciaire et commerciale.

    Les bourgeois élisent des magistrats appelés échevins avec à leur tête le mayeur, ancêtre de notre maire actuel, l'étymologie comme la fonction le laissent, en effet, penser. Ces communes cherchent à posséder les apparences de leur statut. L'autonomie se doit d'être perçue par tous : un beffroi permet de marquer le paysage et de rivaliser avec le donjon ou le clocher. Il y a le droit de beffroi, le droit d'autonomie et le droit de cloches, qui sont indépendants les uns des autres.
     
    Le beffroi devient le lieu de toutes les marques de l'indépendance communale : salle de réunion échevinale ou est également rendue la justice, cachots, salle du trésor (charte, trésor et sceau de la ville), salle de garde, balconbalcon pour s'adresser à la population, salle des cloches et chemin de ronde...

    Petite histoire de la ville de Rue

    Le site de la ville était, à l'origine une petite île de la baie au bord de la Maye, fleuve côtier dont l'embouchure se trouve maintenant au nord de Crotoy, d'un côté et d'un chenal de la baie de l'autre. Rue était un port de mer du XIIè au XIVè ! l'ensablement de la baie l'a relégué dans les terres et on pezut imaginer que le Crotoy, aujourd'hui occupe la même situation quelques 5 kilomètres plus au sud que Rue !

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    Bastion St jean, fondations des fortifications

    Rue était une ville de pèlerinage et de commerce (vin avec l'Espagne et d'exportation du sel régional). En 1184 le comte Jean accorde des droits communaux, qui engendrent la construction d'un beffroi en boisbois détruit pendant la guerre de 100 ans, mais les bourgeois ne font pas confiance à son successeur Guillaume, et exigent une charte écrite qu'ils obtiennent en 1210.

    L'ensablement, en partie dû à l'homme déjà à l'époque ( digues) , était donc un problème et Rue dut déplacer son port de mer vers l'ouest, et, moyennant une rupture de charge, amener les marchandises au «  petit port » situé au nord de la ville, derrière le beffroi. Ces problèmes récurrents amènent la ville à se tourner vers le drap dès 1440 et aussi vers l'accueil de garnisons. Elle se situe, en effet, à l'époque, à 16 km seulement de la frontière du royaume. Après la modification de la frontière due à l'acquisition de l'Artois la ville obtient de Colbert l'autorisation de démolir ses fortifications qui coûtaient fort cher à l'entretien.

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    Anciennes fortifications de Rue

    3 - Le château de Rambures

    Il est particulier à plus d'un titre et c'est la raison pour laquelle il figure dans ce dossier bien que ne situant pas strictement au abords de la baie.

    • Ce château est tout en briques, qui résistent mieux que la pierre aux boulets de pierre....il n' y en a que cinq dont  trois seulement en France qui ont été construits de cette manière. En revanche les briques ne résistent pas aux boulets d'acier des 1475 et le château perdra son intérêt.
    • Il n'a jamais vraiment servi comme château fort, la frontière s'étant déplacée plus au nord.
    • Il a été construit selon un plan unique, en une seule fois et en vingt ans d'où une unité architecturale de base très rare.
    • Il n'a jamais été vendu, il est resté pratiquement 600 ans dans la même famille par legs successifs !

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    Rambures vue aérienne

    Au XIVe les seigneurs de Rambures jouent un rôle au service du roi : Jean, chevalier, Seigneur de Rambures, gouverneur de Guise, est envoyé en Prusse par le roi Charles V, lors d'une croisade en faveur de l'Ordre Teutonique. On retrouve David membre du Conseil du Roi en 1402.

    En 1411, il est nommé Grand-Maître des Arbalétriers de France, et le Dauphin le retient auprès de lui. On le retrouve en 1414, chargé de l'exécution de la paix d'Arras. David de Rambures est tué à Azincourt en 1415 avec trois de ses fils, mais il avait fait les plans du château.

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    Croquis 1 du château

    En 1430, André de Rambures fut prisonnier en Angleterre, où il demeura six ans. En 1431, Desmarets, un homme de la troupe d'André de Rambures, s'empare du château par surprise et l'utilise comme base des opérations à travers le Vimeu. En 1434, Desmarets prend Saint-Valery, en 1435, il s'empare de Rue puis parvient à prendre Dieppe, tenue par les Anglais.

    André de Rambures revenu d'Angleterre est cité en 1440 au siège d'Harfleur, puis en 1449, à Pont-Audemer, où il fait partie du contingent bourguignon de Charles VII qui reconquiert la Normandie. Louis XI prend à son service son fils Jacques, armé chevalier, et le charge d'importantes missions diplomatiques auprès du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire.

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    Croquis 2 du château

    La guerre éclate de nouveau entre la France et la Bourgogne. Charles le Téméraire ravage la Picardie, mais les places fortes de Saint-Valery et de Rambures ne seront ni brûlées, ni démolies...mais Jacques de Rambures devra attendre 1475 pour rentrer en possession de son château, sous réserve de neutralité. Le château demeurera dans la famille jusqu'en 1930. A cette date, Charles de La Roche-Fontenilles le laisse à son petit-neveu, le comte de Blanchard, dont le fils est l'actuel propriétaire.

    C'est probablement grâce aux états de service des  Rambures qu'il n'a pas subi le démantèlement des forteresses ordonné par Richelieu.
    (Informations recueillies lors de la visite du château)