au sommaire


    Il n'existe aucune raison qui puisse empêcher l'Homme de mettre au point la culture de quelque espèceespèce aquatique que ce soit. Reste qu'au-delà de la possibilité technique de faire, il faut inévitablement en passer par la contrainte de la rentabilité économique.

    Orque. © Schmid-Reportagen, CCO

    Orque. © Schmid-Reportagen, CCO

    Dans ce domaine, certaines espèces vont se montrer difficiles à aborder parce qu'elles sont soit particulièrement grosses et difficiles à domestiquer (baleines, orquesorques, etc.), soit particulièrement cannibales (bouquet, homard, etc.), soit particulièrement fragiles à la manipulation (rouget-barbet, etc.). En pratique, pour qu'une espèce puisse être élevée, il faut lever les verrousverrous techniques existants, ce qui implique de les identifier précisément.

    Une sole commune. Son élevage est difficile, car elle refuse l’alimentation granulée. © Hans Hillewaert, cc by sa 3.0

    Une sole commune. Son élevage est difficile, car elle refuse l’alimentation granulée. © Hans Hillewaert, cc by sa 3.0

    Un cas de verrou bien identifié est celui de la sole. C'est une espèce dont la ponte et la fécondationfécondation naturelles en captivité sont faciles à obtenir avec un bon régime alimentaire, et dont l'élevage larvaire ne pose pas de difficulté. Mais elle se refuse obstinément à passer d'une alimentation humide intégrant des composants coûteux (chair d'annélidesannélides, de coquillages ou de crustacéscrustacés) à la consommation de granulés. Dans son bassin, la jeune sole s'approche de l'aliment, soulève la tête, pose sa bouche dessus et semble goûter. Le granulé est alors ignoré ou pris dans la bouche et recraché. Les individus ont une aptitude étonnante à refuser obstinément, pendant des mois, un aliment qui leur déplaît, mangeant juste le nécessaire pour survivre, avec une croissance presque nulle. Les nutritionnistesnutritionnistes n'ont pas encore trouvé la formulation alimentaire qui satisferait l'animal, tout en ayant une cohésion suffisante pour ne pas se déliter et pourrir l'eau des bassins. Le jour où quelqu'un trouvera la solution à ce problème précis, la sole pourra devenir un produit aquacole.

    Certaines espèces de poissons, comme ces rougets-barbets <em>Mullus surmuletus</em>, n’ont pas encore de filière d’élevage développée, à cause de verrous techniques. © Philippe Guillaume, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Certaines espèces de poissons, comme ces rougets-barbets Mullus surmuletus, n’ont pas encore de filière d’élevage développée, à cause de verrous techniques. © Philippe Guillaume, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Un cas de problème dont la nature n'est pas clairement connue est celui du rouget-barbet. La ponte et la fécondation en captivité de ce poissonpoisson sont faciles à obtenir, mais l'œuf est très petit (moins d'un millimètre de diamètre) et la larvelarve qui en sort, transparente, semble incapable d'avaler un rotifèrerotifère ou est peu attirée par cette nourriture. J'ai réussi, dans une expérience, à faire consommer des rotifères puis des nauplii d’Artemia à quelques dizaines de larves et à en porter une jusqu'à l'âge de 51 jours, avec un certain niveau de croissance, mais sans obtenir sa métamorphosemétamorphose en juvénile. Je suis incapable de dire dans quel sens il faudrait aller pour trouver une solution. FiltrationFiltration des rotifères les premiers jours pour ne mettre dans le bac d'élevage que les plus petits ? Recherche d'une nourriture vivante de substitution ? Conditions d'élevage différentes ? La liste des questions est largement ouverte pour qui tentera de s'attaquer à l'élevage de ce poisson. Une fois le dernier verrou technique levé, c'est le marché qui va décider si l'élevage est viable ou non : soit le prix de vente pourra couvrir le coût de production plus une marge satisfaisante, soit il faudra attendre que le prix de vente monte par l'effet d'une raréfaction des stocks et que le prix de revient baisse grâce à un progrès technique, jusqu'à se retrouver sur un point d'équilibre.

    Chaque espèce, à partir du moment où le progrès de la technique permet d'en assurer l'élevage, présente un coût de production qu'il est facile de calculer, en fonction de ses performances de croissance, de ses paramètres d'élevage, des coûts spécifiques au lieu de son élevage, de la taille de l'exploitation en cause, des contraintes administratives locales et des financements accessibles. Ce coût de production évolue constamment en fonction des progrès de la technique d'élevage et des frais spécifiques au lieu de production.

    Un élevage peut être rentable aujourd'hui dans un pays et non rentable dans un autre. Un progrès technique peut le rendre demain rentable des deux côtés. Une nouvelle contrainte peut le rendre déficitaire partout.