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Le corail corne d'élan (Acropora palmata) est l'un des coraux les plus importants dans les récifs en mer des Caraïbes. Il peut abriter des homards, des poissons perroquets ou encore bien d'autres espèces. Actuellement, cette espèce est classée en danger critique d'extinction selon l'UICN. © Wikipédia, DP
En mer des Caraïbes, 80 % des récifs coralliens ont disparu ces 40 dernières années. Deux espèces particulières, le corail corne de cerf (Acropora cervicornis)) et le corail corne d'élan (Acropora palmata), sont en danger critique d'extinction selon l'UICNUICN. Le problème est majeur car ce sont des coraux édificateurs. Leur disparition modifie les systèmes récifaux et impacte des milliers d'espèces marines. Les facteurs de ce déclin sont multiples, et il est difficile d'attribuer la contribution de chacun. Un vaste suivi sur le long terme prouve cependant que les nutrimentsnutriments déversés en massemasse dans l'océan représentent un facteur dominant. Plus étonnant, en arrêtant cet afflux, les coraux se rétablissent rapidement, et le blanchiment diminue.
Les cnidaires sont particulièrement sensibles à l'acidification et à l'augmentation de température des océans mais la pollution est depuis longtemps suspectée comme un facteur dominant dans l'accroissement du blanchiment et de maladies des coraux. Les eaux uséeseaux usées ou les engrais issus de l'agricultureagriculture seraient en effet un facteur de stressstress majeur pour les coraux. C'est ce que démontre une équipe américaine dans un article publié dans la revue Global Change Biology.
Ce corail fait partie de l'étude. Son blanchiment a été provoqué par une importante exposition à l'azote et au phosphore. © Oregon State University
Les nutriments favorisent-ils le développement de pathogènes ?
L'équipe, menée par la biologiste Rebecca Vega Thurber, a exposé de façon très contrôlée quelque 1.200 coraux à des niveaux élevés d'azoteazote et phosphorephosphore, éléments principaux des fertilisants utilisés en agriculture. L'étude, qui a duré trois ans, révèle que la prévalenceprévalence à contracter des maladies a plus que doublé et que le blanchiment des coraux a triplé. La maladie dite « syndromesyndrome de tache sombre » était dominante, elle se retrouvait dans plus de 50 % des coraux malades.
Dans l'archipelarchipel des Keys, situé dans le détroit de Floride, différents sites coralliens ont reçu des injections d'azote et phosphore de façon régulière. Les chercheurs se sont au préalable affranchis des autres facteurs pouvant favoriser le développement des maladies ou du blanchiment, comme la profondeur de l'eau, la salinitésalinité du milieu ou sa variation de température. Un excès de nutriments dans l'océan favorise clairement l'apparition de maladies chez les coraux, toutefois le mécanisme exact demeure inconnu. Dans l'article, l'équipe émet l'hypothèse que les nutriments apporteraient les ressources nécessaires aux pathogènespathogènes pour se développer, mais il se pourrait tout aussi bien que l'azote et le phosphore soient toxiques pour les coraux, ce qui diminuerait leur résistancerésistance aux pathogènes environnants.
Stopper le déversement de fertilisants dans l'océan protège les récifs
Étonnamment, lorsque l'équipe a cessé les injections nutritives, les coraux ont rapidement retrouvé leur état de santé initial. En dix mois, ils avaient guéri de leurs diverses maladies, le syndrome de la tache sombre était éradiqué. Il est probable que la santé des coraux résulte de la combinaison de l'augmentation des stress et des pathogènes. Si les stress liés au changement climatiquechangement climatique sont difficiles à contenir, le contrôle du rejet d'effluents dans l'océan est à la portée de l'Homme.
Le déversement d'engrais, d'eaux usées ou d'autres produits est déjà associé à bon nombre de problèmes. Les fertilisants favorisent les efflorescencesefflorescences algales. En Chine, on en observe de plus en plus en mer Jaune. En Floride, ces « marées vertesmarées vertes » seraient la première cause du déclin des lamantins et nul besoin de rappeler les effets qu'elles ont en Bretagne. Cette étude montre pour la première fois un lien de cause à effet entre l'excès d'éléments nutritifs et l'altération de santé des coraux. La bonne nouvelle est qu'en arrêtant l'apport anthropique de nutriments, les coraux sont capables de retrouver leur état de santé initial. Le blanchiment et les maladies ne seraient donc pas une fatalité. Si on peut difficilement ralentir le changement climatique, clairement on peut, au moins à l'échelle locale, réduire le déversement de polluants dans l'océan.