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Depuis les travaux des pionniers qu'étaient Emil Wiechert, Richard Dixon Oldham et Harold Jeffreys au début du XXe siècle, la sismologie continue à faire des progrès. Cette science s'est avérée précieuse pour l'établissement de la théorie de la tectonique des plaques, conjointement à la découverte des inversions magnétiques. Elle peut être utilisée pour mieux comprendre la structure des volcans, avec l'espoir de mieux évaluer les risques d'éruption.
On aimerait bien notamment pouvoir prédire à l'avance l'occurrence d'éruptions cataclysmiques comme celle du Santorin il y a 3.600 ans environ ou celles survenues il y a respectivement 640.000 et 39.000 ans à Yellowstone (États-Unis) et dans les Campei Flegrei (en Italie, près de Naples) et que l'on associe à ce qu'on appelle des supervolcans. S'il s'en produisait de semblables aujourd'hui, les conséquences seraient dramatiques pour notre civilisation. De telles éruptions, au cours desquelles plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres cubes de matériaux sont brutalement éjectés en quelques heures, sont heureusement rarissimes mais nous ne savons pas quels en sont les signes précurseurs.
Un supervolcan qui aurait pu faire disparaître l'Homme
On étudie en particulier l'éruption qui s'est produite Il y a environ 74.000 ans dans l'île de Toba en Indonésie. Elle aurait mené l'humanité au bord de l'extinction si l'on en croit les horloges moléculaireshorloges moléculaires indiquant que la population humaine sur la planète s'est alors brutalement réduite à un groupe de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d'individus tout au plus. On estime en effet aujourd'hui que l'éruption du supervolcan de Toba a projeté dans l'atmosphère pas loin de 2.800 km3 de cendres et autres produits volcaniques. Quand on sait que les 10 km3 de cendres crachés par le Pinatubo au début des années 1990 ont suffi, en modifiant l'albédo de la TerreTerre, à faire baisser sa température moyenne de 0,6°C pendant deux à trois ans, on imagine aisément qu'un changement climatiquechangement climatique majeur a dû se produire avec le Toba. De nos jours, la caldeiracaldeira qui s'est formée suite à l'expulsion des matièresmatières volcaniques est occupée par un lac de 80 km de long.
Interprétation de la structure sismique sous la caldeira de Toba. De la surface jusqu'à 7 km de profondeur, une zone de faible vitesse (en rouge sur la figure) a été formée par les dépôts de la dernière éruption. En dessous de cette profondeur, on trouve dans la croûte (crust) des couches de roches magmatiques horizontales (sills), dont certaines sont encore partiellement fondues, surplombant le manteau (mantle). © Ivan Koulakov, CNRS-Insu
Une équipe internationale composée de chercheurs de l'institut de physiquephysique du globe de Paris (Sorbonne Paris-Cité, université Paris Diderot, CNRS), du Trofimuk Institute of Petroleum Geology and Geophysics de l'Académie des sciences de Russie et de l'université de Novosibirsk, ainsi que du German Research Centre for Geosciences à Potsdam a réussi à en savoir plus sur le supervolcan de Toba en utilisant une nouvelle technique en sismologie. Ils viennent de publier les résultats de leurs travaux dans un article du journal Science.
Des supervolcans en sommeil pendant des millions d'années ?
Les géophysiciens ont réussi en quelque sorte à faire une échographieéchographie de la croûtecroûte sous la caldeira du Toba. Les ondes sismiquesondes sismiques se propagent en effet à différentes vitessesvitesses et dans différentes directions en réponse à la composition des roches et à leur répartition. En mesurant les caractéristiques de ces ondes, on peut donc faire de l'imagerie sismique renseignant sur la structure d'un édifice volcanique. Mais au lieu d'utiliser les ondes sismiques produites par d'importants séismesséismes (n'oublions pas que la région de Toba fait partie de la ceinture de feuceinture de feu volcaniquement et sismiquement très active), les chercheurs ont mis a profit le bruit de fond permanent résultant des vaguesvagues, des maréesmarées et du ventvent de l'océan. Quarante sismomètressismomètres l'ont enregistré en continu pendant six mois. C'est un peu comme si on réalisait une photographiephotographie avec un très faible éclairage avec un long temps de pose.
Sous les 7 km de dépôts laissés par la formation de la caldeira il y a environ 74.000 ans, cette technique a révélé la présence de sillssills, c'est-à-dire des intrusions de roches magmatiquesroches magmatiques quasi horizontales qui se sont mises en place dans la croûte lors de la naissance du volcanvolcan. Ce sont ces sills qui forment la chambre magmatique du volcan, qui n'est donc pas sous la forme d'une seule structure compacte. Cela n'a pas complètement surpris les volcanologuesvolcanologues qui en avaient inféré la présence par de précédentes observations. Selon eux, une telle structure impliquerait qu'il faillefaille des millions d'années pour que le magmamagma s'accumule en quantité suffisante avant qu'un supervolcan n'entre en éruption.