C’est grâce à l’analyse de minuscules dents de poissons qu’une équipe de scientifiques a réussi à préciser l’origine du puissant courant circumpolaire antarctique. Si l’ouverture de deux passages maritimes a bien joué un rôle comme cela était précédemment proposé, les chercheurs montrent cependant que c’est bien le climat qui aurait permis à ce courant d’acquérir sa puissance actuelle.


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    La Terre est un système complexe dans lequel toutes les « sphères » interagissent : atmosphère, hydrosphère et géosphère. Comprendre l'évolution de la planète et les grands changements qui ont, ou ont eu lieu ne peut se faire qu'en considérant l'ensemble des composantes de ce système. L'évolution climatique, notamment, ne peut être dissociée de celle des courants océaniques et des grands processus géologiques comme la tectonique des plaques. Les courants qui animent les océans du globe participent en effet à la régulation des températures, mais également de l'humidité. Ils participent au cycle du carbone et assurent la dispersion des nutrimentsnutriments. Le courant circumpolairecircumpolaire antarctique (CCA), qui entoure le grand continent blanc, joue ainsi un rôle majeur dans les échanges avec les autres bassins océaniques, impactant de fait la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique et le climatclimat global.

    Une évolution de la configuration des plaques tectoniques comme initiateur du courant circumpolaire antarctique

    L'origine de ce courant, qui est actuellement le plus vaste sur Terre, est pourtant encore mal comprise. Son initiation a longtemps été associée à une évolution de l'organisation des plaques tectoniquesplaques tectoniques : l’ouverture de deux passages maritimes, celui de DrakeDrake entre l'Amérique du Sud et l'Antarctique, et celui de Tasmanie.

    L'ouverture du passage de Drake entre l'Amérique du Sud et l'Antarctique a permis l'établissement du courant circumpolaire antarctique. © Geo Swan, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    L'ouverture du passage de Drake entre l'Amérique du Sud et l'Antarctique a permis l'établissement du courant circumpolaire antarctique. © Geo Swan, Wikimedia Commons, domaine public

    L'isolement tectonique du continent Antarctique aurait ainsi permis l'initiation de ce grand courant, qui aurait ensuite agi comme une barrière empêchant tout apport de chaleurchaleur en provenance des eaux tropicales plus chaudes, assurant son englacement durable à partir de 34 millions d’années.

    Un renforcement du courant en lien avec un refroidissement du climat

    Un scénario que vient moduler une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Geoscience. L'analyse de minuscules dents de poissonspoissons fossilesfossiles retrouvées dans les sédimentssédiments marins de l'océan Austral, ainsi que la mesure de la taille des grains de ces sédiments, ont montré que si les ouvertures des passages de Drake et de Tasmanie ont bien permis l'initiation du courant circumpolaire de l'Antarctique, celui-ci ne possédait initialement pas ses caractéristiques actuelles. L'étude montre en effet que ce n'est qu'il y a 14 millions d'années que le courant a acquis sa puissance et son extension qui le caractérisent aujourd'hui. Ce renforcement, qui serait donc intervenu quelque 20 millions d'années plus tard que ce que l'on pensait auparavant, serait lié à des changements hydrologiques et atmosphériques globaux résultant du refroidissement du climat terrestre.

    Sens de rotation du courant circumpolaire antarctique (CCA) et positions des sites d'enregistrements climatiques (278 et 744). © Evangelinos et al. 2024, <em>Nature Geoscience</em>
    Sens de rotation du courant circumpolaire antarctique (CCA) et positions des sites d'enregistrements climatiques (278 et 744). © Evangelinos et al. 2024, Nature Geoscience

    Ces résultats illustrent le fait que si les courants océaniques influencent le climat, l'inverse est aussi vrai. Ils pourraient également permettre de mieux contraindre les modèles d’évolution de ce courant face au réchauffement climatique actuel.