Depuis longtemps, la question de l’altitude du plateau tibétain tiraille les scientifiques. S’il est clair aujourd’hui qu’elle est liée à un fort épaississement crustal en lien avec la collision himalayenne, les mécanismes précis restent mal compris. Une nouvelle étude vient cependant apporter un nouveau souffle au débat : la plaque indienne serait en train de se déchirer en deux !


au sommaire


    La chaîne himalayenne résulte de la formidable collision entre les plaques indienne et eurasiatique qui a débuté il y a environ 60 millions d'années. Toutefois, l'élévation impressionnante du plateau tibétain intrigue depuis longtemps les scientifiques. Situé au nord de la chaîne de montagnes, ce plateau dépasse en effet régulièrement les 5 000 mètres. Comment expliquer le maintien en altitude d'une si vaste étendue de croûte continentale ?   

    Comment expliquer l’épaississement crustal sous le Tibet ?

    Il y a, bien sûr, l'épaississement crustal lié à la collision et au passage de la plaque indienne sous la plaque eurasiatique. Alors qu'elle est en moyenne de 35 kilomètres d'épaisseur, la croûte sous le plateau tibétain atteindrait ainsi 75 kilomètres ! Imaginez un iceberg auquel on ajouterait de la glace par la base : cette augmentation de volumevolume de glace entraînerait une remontée de la partie émergée. C'est un peu la même chose ici. Mais les mécanismes exacts de cet épaississement restent encore mal compris.

    Évolution de la position du continent indien au fil du temps, par rapport au continent eurasiatique. Les âges sont débattus. © <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Évolution de la position du continent indien au fil du temps, par rapport au continent eurasiatique. Les âges sont débattus. © Wikimedia Commons, domaine public

    Plusieurs modèles existent. Certains mettent en avant la nature continentale de la plaque indienne et sa forte flottabilitéflottabilité. Poussée de force sous l'Eurasie, elle n'arriverait ainsi pas à plonger dans le manteaumanteau et viendrait alors se plaquer sous la croûte chevauchante, menant à un doublement de l'épaisseur crustale. D'autres modèles proposent au contraire que la plaque indienne se comprime et se déforme comme un tapis que l'on pousse contre un murmur, entraînant un épaississement crustal et permettant à la partie inférieure de la plaque de s'enfoncer dans le manteau.

    Une plaque qui se déchire en deux

    Une équipe de chercheurs vient toutefois proposer un nouveau modèle qui pourrait réconcilier ces deux visions. Les résultats, présentés lors de la conférence internationale de l'AGU, l'American Geophysical Union, et disponibles dans une version pre-print de l’article, suggèrent en effet que la plaque indienne en subduction est en train de se « déchirer » : la partie inférieure, plus dense, serait en train de couler dans le manteau, se séparant ainsi de la partie supérieure qui, elle, resterait plaquée sous l'Eurasie. Un peu à l'image d'une semelle se décollant d'une vieille chaussure.

    Une hypothèse appuyée par des données sismologiques et des modélisationsmodélisations numériquesnumériques, et qui ouvre de nouvelles perspectives dans la façon de considérer l'évolution de l'Himalaya et du plateau tibétain.