Depuis l’interdiction par la Chine de l’importation de déchets plastique recyclables, les pays riches ne savent plus quoi en faire. D’autant plus que le volume de plastique utilisé a atteint des niveaux inégalés et que personne ne s’est véritablement soucié de développer des solutions adaptées pour gérer tous ces déchets.

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    Elle était devenue la poubelle plastiqueplastique mondiale : entre 1992 et 2017, la Chine a importé 72,4 % de tous les déchets plastique destinés au recyclage, soit 170,5 millions de tonnes cumulées, rapporte une étude publiée dans Science Advances. Les pays producteurs, États-Unis, Japon et Allemagne en tête, avaient trouvé là une solution bien pratique pour se débarrasser de ces déchets encombrants. Car, depuis plusieurs décennies, le volumevolume de plastique généré dans le monde a crû de façon exponentielle.

    De deux millions de tonnes par an en 1950, nous sommes arrivés à 322 millions de tonnes en 2015. Au total, 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites sur Terre. Pas cher, facile à fabriquer, plébiscité par les consommateurs, ce matériaumatériau a envahi la planète. Hélas, à peine 9 % du plastique étant recyclé, des montagnes de déchets finissent dans la nature et empoisonnent l’environnement.

    Au rythme actuel, l'océan contiendra plus de plastique que de poisson d'ici 2050, alertent les experts. En effet, recycler le plastique n'est pas si facile. Bien souvent, il contient des additifs toxiques ou est mélangé à d'autres matériaux impossibles à séparer. D'autre part, le recyclage n'est, de loin, pas la solution la plus rentable. Pour certains plastiques, la quantité d'énergieénergie obtenue en les brûlant dépasse largement celle qui serait nécessaire pour alimenter les processus de récolte, de tri et de recyclage.

    Bien souvent, le plastique contient des additifs toxiques ou est mélangé à d’autres matériaux impossibles à séparer. Il n'est alors pas simple de le recycler. © Andrea Izzotti, Fotolia

    Bien souvent, le plastique contient des additifs toxiques ou est mélangé à d’autres matériaux impossibles à séparer. Il n'est alors pas simple de le recycler. © Andrea Izzotti, Fotolia

    111 millions de tonnes de déchets plastique vont nous rester sur les bras

    Bref, se débarrasser du problème en expédiant les déchets en Chine était jusqu'ici la solution la plus simple et la moins coûteuse. Mais, en 2017, le pays a dit stop : depuis le 31 décembre dernier, l'importation de déchets plastique non industriels y est interdite. En effet, le gouvernement chinois a fait de la lutte contre la pollution une de ses priorités et les usines de recyclage contribuent fortement aux émissionsémissions toxiques.

    La Chine doit aussi faire face à ses propres déchets, dont le volume ne cesse d'augmenter au fur et à mesure que les habitudes de consommation occidentales se développent. Le problème, c'est qu'après des années passées à négliger les filières de recyclage, les pays exportateurs se retrouvent tout d'un coup avec des montagnes de déchets à traiter dont ils ne savent pas quoi faire. En 2030, ce sont 111 millions de tonnes qui vont ainsi se retrouver en déshérence dans les pays développés si la tendance se poursuit, alerte l'étude de Science Advances.  

    111 millions de tonnes de déchets destinés à être envoyés vers la Chine vont devoir être traités par les pays exportateurs. © Amy L. Brooks <em>et al., Science Advances</em>

    111 millions de tonnes de déchets destinés à être envoyés vers la Chine vont devoir être traités par les pays exportateurs. © Amy L. Brooks et al., Science Advances

    La Thaïlande et l'Afrique, nouvelles poubelles mondiales ?

    En l'absence d'infrastructures adéquates, la plupart de ces déchets risquent d'être tout bonnement enterrés ou brûlés. Aux États-Unis, plusieurs États ont assoupli en catastrophe leurs restrictions concernant l'enfouissement, et certaines municipalités débordées ont fait savoir qu'elles ne collecteraient plus certains types de déchets.

    Les pays voisins de la Chine pourraient aussi devenir les nouvelles poubelles mondiales. La Thaïlande est ainsi envahie depuis janvier par les téléviseurs hors d'usage, montagnes de claviersclaviers d'ordinateursordinateurs et autres photocopieusesphotocopieuses. Sur les cinq premiers mois de l'année, les importations de Déchets d'équipements électriques et électroniquesDéchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) ont augmenté de 37.000 tonnes par rapport à l'an dernier dans ce pays.

    La Thaïlande n'est pas la seule concernée : le Cambodge, le Laos et plusieurs pays africains voient également leurs importations exploser. Or, ces pays mal équipés ont recours à des méthodes extrêmement dangereuses pour extraire les métauxmétaux précieux des produits électroniques, le plastique étant, lui, brûlé dans des incinérateurs, exposant l'eau, l'airair et les sols à des polluants toxiques.

    La Chine absorbe presque les trois quarts des exportations de déchets plastique mondiaux. © Amy L. Brooks <em>et al., Science Advances</em>

    La Chine absorbe presque les trois quarts des exportations de déchets plastique mondiaux. © Amy L. Brooks et al., Science Advances

    Encourager l'économie circulaire

    Pour éviter le désastre, les auteurs de l'étude en appellent à la responsabilité des pays riches. Ils suggèrent notamment de construire davantage d'usines de recyclage, de revoir en amont la conception des produits et de réduire l'utilisation de matériaux non recyclables. Bien gérés, nos déchets plastique constituent une nouvelle source de matièrematière première à valoriser, insistent-ils. La Commission européenne, qui ambitionne 100 % de déchets plastique recyclés d'ici 2030, vient d'ailleurs d'annoncer plusieurs mesures pour encourager l'économie circulaire, comme la standardisation des produits (par exemple les couleurscouleurs des bouteilles en plastique).

    Fin mai, elle a également proposé d'interdire cotons-tiges, couverts, assiettes, pailles, ou mélangeurs à cocktail en plastique à usage unique. La mise en décharge sera en outre prohibée d'ici 2025. Pour les pays importateurs qui voudraient continuer à importer les déchets, les auteurs de l'étude préconisent une taxe spéciale permettant de financier une véritable filière de recyclage. Sans mesures ambitieuses, « le casse-tête du recyclage deviendra insurmontable », concluent-ils.