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Un éléphant de mer portant une sonde CTD. De petite taille, elle ne le gênera pas et tombera d'elle-même au bout de quelques mois. Durant cette période, elle aura enregistré des centaines de « profils », des mesures de températures et de salinité entre la surface et les profondeurs atteintes par ces animaux, pouvant dépasser les mille mètres. © SMRU
Ils étaient une soixantaine dans les premières années de l'expérience, débutée en 2004 et qui se poursuit toujours. Une décennie plus tard, le décompte cumulé dénombre environ un millier de plongeurs bénévoles pour une des plus grandes campagnes océanographiques des temps modernes. Ces plongeurs, ce sont des éléphants de mer que des océanographes écossais du SMRU (Sea Mammal Research Unit, à l'université de St Andrews) ont équipés d'une petite sonde CTD collée sur le haut de la tête. Protégé par de la résine, ce triple instrument mesure la pressionpression, donc la profondeur (depth, D), la température (TT) et la conductivitéconductivité électrique (C).
Ces trois paramètres permettent de déterminer la salinité. C'est elle qui, avec la température, donne sa densité à l'eau de mer, laquelle conditionne l'équilibre dans la colonne d'eau, avec, en principe, les eaux les plus légères en haut et les plus lourdes en bas. Ces deux caractéristiques constituent aussi une sorte de carte d'identité de la masse d’eau, ce qui permet ensuite de suivre son écoulement sur des milliers de kilomètres. On retrouve ainsi, dans les profondeurs de la région antarctique, de l'eau qui, longtemps auparavant, avait plongé quelque part dans l'Atlantique nord.
La sonde CTD-SRDL (Conductivity Temperature Depth-Satellite-Relayed Data Loggers) est destinée à être collée sur le crâne d'un éléphant de mer. Elle mesure la température, la conductivité et la pression (pressure) le long de la descente de l'animal, lorsqu'il plonge pour chasser. Les données sont traitées et compressées par un circuit électronique puis émises sur les fréquences du système Argos. La légende rappelle que la salinité peut être déduite de la température, de la conductivité et de la pression (Salinity = f(T, C, P)). © SMRU
L'expérience Seaos, pour réaliser des mesures sous la glace
Ces mesures restent cependant difficiles à réaliser sous les glaces des régions polaires, au nord comme au sud, et la mécanique océanique y est bien mal comprise. Depuis un navire, avec des sondes tractées ou portées par des engins submersibles, ce travail est possible mais coûteux et laborieux. Les éléphants de mer et autres pinnipèdes, eux, nagent parfois sur des milliers de kilomètres et plongent fréquemment pour se nourrir.
D'où l'idée d'équiper des éléphants de mer (du genre Mirounga)) d'enregistreurs, collés sur leur tête pendant qu'ils sont à terre. L'océanographe Christophe Guinet a détaillé dans un dossier de Futura-Sciences cette expérience internationale hors normes, baptisée Seaos (SouthernSouthern Elephant Seals as Oceanographic Samplers) et menée par quatre pays (Australie, États-Unis, France et Royaume-Uni). Les lecteurs océanographes, ou les étudiants dans cette discipline (et anglophones), pourront en découvrir les détails dans un article des Pnas de 2008.
Les séries des 284.434 profils de températures et de salinités ont été rendues publiques sur le portail MEOP (Marine Mammals Exploring the Oceans Pole-to-pole). © SMRU
Une campagne océanographique exceptionnelle dans les régions polaires
Durant la plongée de l'animal, automatiquement, l'appareil miniaturisé déclenche les mesures (entre 10 et 25 à chaque fois) et les données sont d'abord traitées sur place. L'électronique de bord ne retient que les descentes les plus profondes sur une période de six heures, les compresse (informatiquement parlant) et les confie à la balise Argos quand l'éléphant de mer sort la tête de l'eau pour les transmettre aux satellites de cette constellationconstellation. Les données finissent leur voyage au SMRU, à l'université de St Andrews.
Le positionnement du système ArgosArgos assure une précision d'environ 5 km. Celle-ci est ici affinée par un traitement ultérieur qui prend en compte, pour chaque « profil » (c'est-à-dire les mesures d'une plongée), les deux positions précédentes et les deux suivantes. Si la rapiditérapidité du déplacement entre ces points semble incompatible avec la vitesse de ces pinnipèdes, alors une extrapolation va les recaler. La balise de petite taille ne gêne pas ces grands animaux et, après plusieurs mois, ce qui correspond à l'autonomieautonomie de la batterie, elle tombe au moment de la mue.
Avec actuellement plus de 300.000 profils dans ces régions où les données étaient jusque-là très rares, cette campagne océanographique de grande ampleur fournit des résultats uniques sur les circulations d'eau autour des régions polaires. Depuis cette semaine, ils sont disponibles pour tous les scientifiques, et même pour tout le monde, sur un portail, MEOP (Marine Mammals Exploring the Oceans Pole-to-pole, soit « Les mammifères marins explorant les océans d'un pôle à l'autre »). Il suffit de remplir un questionnaire justifiant la demande d'accès puis de télécharger le - gros - fichier Zip sur un espace GoogleGoogle Drive. Bien sûr, ces graphiques et ces tableaux seront indigestes pour les non-océanographes mais les spécialistes de l'océan, quel que soit leur domaine, pourront analyser ces données uniques.