Les profondeurs abyssales des océans abritent une biodiversité largement supérieure à celle du plancton et des écosystèmes peu explorés abritant les archives fossiles les plus riches de la Terre. C'est ce sur quoi ont travaillé des chercheurs, lesquels alertent sur le rôle des écosystèmes marins profonds dans le processus clef de la pompe à carbone océanique. À l'heure du changement climatique, de l'exploitation pétrolière et minière en haute mer, une meilleure connaissance de ces milieux permettrait de protéger une biodiversité unique.
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Le plus grand biome de notre planète est l’océan, qui couvre 71 % de la surface du Globe avec une profondeur moyenne de 3.800 mètres. C'est un écosystème intégré et continu, aux dimensions spatio-temporelles extrêmes et difficiles d'accès. Il est pourtant nécessaire de le mesurer dans sa globalité pour comprendre son fonctionnement et son rôle dans le système Terre. Il s'agit notamment de connaître la biodiversité de l'océan, et de comprendre comment cette biodiversité se structure dans l'espace et le temps, et interagit entre les couches de surfacecouches de surface baignées de lumièrelumière et les sédiments profonds, froids et obscurs, où la matièrematière organique peut être recyclée par le vivant, ou alors séquestrée pour des millénaires.
Une étude, publiée dans Science Advances et menée par une équipe de chercheurs internationaux (Norvège, Suisse, France, UK, Allemagne, Espagne, USA), ouvre la voie à une mesure homogène et globale du vivant océanique. Les chercheurs ont séquencé massivement (metabarcoding eucaryoteeucaryote)) l'ADNADN environnemental extrait de centaines d'échantillons de sédiments profonds récoltés au cours de 15 campagnes océanographiques dans tous les grands bassins océaniques entre 2010 et 2016. Ces séquences ont été intégrées aux données similaires produites par les expéditions circum-globales Tara Oceans et Malaspina sur les couches d'eau photiques et aphotiques (épi/meso/bathy/abysso-pélagiquespélagiques) de l'Océan. Ce jeu de données complet apporte la première vision intégrale et planétaire de la biodiversité eucaryote dans l'océan global.
Le rôle de la biodiversité océanique dans le transfert et le stockage du carbone atmosphérique
Les analyses montrent d'abord que les sédiments marins abyssaux contiennent au moins trois fois plus de biodiversité que les massesmasses d'eaux océaniques ; cette diversité benthiquebenthique est très différente (taxonomiquement) de celle qui constitue le plancton, et plus structurée dans l'espace, à la fois globalement et localement. Et surtout, deux tiers des séquences ADN (barcodes) découvertes dans les sédiments profonds ne correspondent à aucune séquence connue (taxonomiquement) dans les bases de références mondiales.
La comparaison de la richesse spécifique des couches océaniques jusqu'au fond montre qu'une faible proportion des taxa planctoniques (surtout les plus abondants, mais pas nécessairement ceux que l'on pensait être importants pour la pompe biologique de carbonecarbone) atteint les sédiments. Les communautés planctoniques qui coulent vers le fond changent peu en termes de composition, et la biodiversité planctonique présente dans les sédiments et révélée par l'ADN permet de prédire les variations de flux de carbone organique annuels de la surface de l'océan jusqu'au fond. Ce dernier résultat démontre que la biodiversité est un facteur clef du transfert et du stockage du carbone atmosphérique au fond de l'Océan pour des millénaires.
Enfin, ce travail révèle l'extrême intérêt des fonds marins, en tant que réservoir de biodiversité et archive moléculaire de l'histoire de notre Planète, rappelant l'importance de les protéger alors que les législations sur l'exploitation minière en haute mer sont en cours.