Parmi les effets du réchauffement climatique, il y a la désoxygénation des océans. Un effet que des chercheurs ont tenté de quantifier. Selon eux, d'ici 2080, ce ne sont pas moins de 70 % de nos océans qui pourraient manquer d'oxygène. Et pas mal de poissons avec eux...
Depuis longtemps, les scientifiques savent qu'avec le changement climatique, les océans perdent de leur capacité à transporter de l'oxygène dissous. Un oxygène dont les animaux aquatiques ont besoin pour vivre. Mais des chercheurs de l’université de Shanghai (Chine) présentent aujourd'hui de nouveaux résultats inquiétants. Selon eux, d'ici 2080, environ 70 % des océans du monde pourraient manquer d'oxygène. Avec un impact majeur sur les pêcheries.
Climate change and nutrient pollution are driving oxygen out of the ocean and coastal waters, threatening marine life and fisheries.
— IUCN (@IUCN) January 15, 2022
Learn more about the impact of #ocean deoxygenation. https://t.co/L0cv9EAmBx#ClimateActionpic.twitter.com/nTQR5xZDn0
Pour prévoir comment et quand la désoxygénation -- comprenez, la réduction de la teneur en oxygène dissous dans les eaux -- des océans se produira, les chercheurs ont travaillé sur des modèles climatiques. Sur un scénario d'émissions élevées et un autre d'émissions faibles. Les chercheurs ont divisé les océans en trois sous-ensembles : l'océan profond, l'océan moyen et l'océan peu profond. Ils ont ensuite modélisé le moment où la perte d'oxygène dans l'eau dépasse les fluctuations naturelles des niveaux d'oxygène.
Les chercheurs notent qu'une désoxygénation « importante et potentiellement irréversible » a commencé à se produire en 2021 à des profondeurs moyennes. Quel que soit le scénario, cette zone est celle qui perd le plus rapidement son oxygène. Mais le processus commence 20 ans plus tard avec le scénario de faible émission. Une preuve que la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d'autres gaz à effet de serre pourrait contribuer à retarder la dégradation des environnements marins mondiaux. Même si les chercheurs reconnaissent qu'il est difficile, à l'heure actuelle, de savoir si l'oxygène dissous reviendrait aux niveaux préindustriels.
The loss of oxygen in the #ocean is increasingly disrupting ecosystems and threatening top predators such as tuna, marlin and sharks.
— IUCN (@IUCN) December 29, 2021
Ocean deoxygenation is a growing problem, learn about its causes, impacts and solutions https://t.co/ipT1W3G6bK@IucnOceanpic.twitter.com/peRRXxwnBH
Des conséquences pour nous
Notons que les profondeurs moyennes -- les zones dites mésopélagiques, comprises entre environ 200 et 1.000 mètres -- sont justement celles qui abritent le plus d'espèces pêchées commercialement dans le monde. Si la concentration en oxygène dans ces zones de l'océan baisse, on peut craindre à la fois des perturbations environnementales, des pénuries de produits de la mer et des difficultés économiques pour les populations qui en vivent.
L'ennui, c'est que si cette zone mésopélagique est la plus importante à nos yeux d'humains, elle est aussi la plus sensible au problème de désoxygénation. Elle n'est, en effet, pas enrichie en oxygène par l'atmosphère et la photosynthèse comme peut l'être la surface de l'océan. Elle souffre en plus d'une décomposition accélérée des algues, un processus qui consomme de l'oxygène.
Les chercheurs mettent également en avant le fait que les océans plus proches des pôles - le Pacifique ouest et nord et les océans du sud -- sont particulièrement vulnérables à la désoxygénation. Peut-être une conséquence du réchauffement accéléré de ces régions. Les zones à minimum d'oxygène, des zones des tropiques connues pour avoir de faibles niveaux d'oxygène dissous, semblent également s'étendre vers des zones de plus hautes latitudes.
Les océans étouffent à cause de nos émissions de CO2
Lorsque le taux de CO2 augmente dans l'atmosphère, la teneur en oxygène diminue dans les océans. Et des chercheurs nous préviennent aujourd'hui : nous ne sommes qu'au tout début de cette désoxygénation globale. Même si nous parvenions à stopper net nos émissions de CO2, elle se poursuivrait encore pendant plusieurs siècles.
Article de Nathalie Mayer paru le 26/04/2021
Nos émissions de CO2 font peu à peu grimper les températures sur Terre. Mais elles ont un autre effet, peut-être moins visible encore. Elles contribuent pour grande part à la désoxygénation de nos océans, en faisant diminuer la solubilité dans l'eau des gaz en général et de l'oxygène en particulier. Et en ralentissant les circulations océaniques et le brassage vertical. Ces cinquante dernières années, nos océans ont ainsi perdu environ 2 % de leur oxygène.
Aujourd'hui, des chercheurs du Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel (Allemagne) signalent que moins d'un quart de la désoxygénation des océans, qui sera finalement causée par nos émissions historiques de CO2, a déjà eu lieu. En d'autres mots, même si nous stoppions à l'instant nos émissions, les concentrations en oxygène dans nos océans continueront à baisser pendant encore des siècles. « Pour atteindre plus de quatre fois ce que nous avons enregistré jusque-là », précise Andreas Oschlies, chercheur, dans un communiqué. L'océan profond devrait ainsi perdre plus de 10 % de sa teneur en oxygène préindustrielle.
Les profondeurs plus durablement touchées
Les chercheurs notent en effet que, sur le long terme, la désoxygénation a lieu principalement -- à 80 %, avancent-ils -- dans les couches plus profondes des océans. Car une circulation plus lente augmente les temps de séjour de l'eau et l'accumulation de la demande respiratoire en oxygène. Avec un impact sur les écosystèmes pouvant aller jusqu'à une perte de 25 % de la vie, en particulier en haute mer -- soit en dessous de 2.000 mètres. Un environnement qui, jusqu'alors, était considéré par les océanographes comme particulièrement stable.
Les couches supérieures de l'océan sont, quant à elles, plus sensibles au réchauffement. Une mauvaise et une bonne nouvelle à la fois. Mauvaise parce qu'elles souffrent donc déjà d'une expansion des zones de minimum d'oxygène. Bonne parce que cette expansion peut être stoppée en quelques années si nos émissions de CO2 sont elles aussi arrêtées. Une action climatique rapide et ambitieuse pourrait donc sauver au moins les écosystèmes proches des surfaces.