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Les lois de la chimiechimie expliquent facilement pourquoi le CO2 (gazgaz carbonique ou dioxyde de carbonedioxyde de carbone) présent dans l'atmosphèreatmosphère influe sur l'acidité ou l'alcalinité (on dit le pH) de l'eau de mer. Lorsqu'il se dissout, le CO2 peut réagir avec elle et donner des carbonates, HCO3- et CO32-, et des ionsions H+, c'est-à-dire des acidesacides. On s'attend donc à ce que l'augmentation de la teneur atmosphérique en gaz carbonique se traduise par une baisse du pH (acidification) de l'ensemble des océans, la moyenne étant un peu supérieure à 8 (l'eau de mer est donc légèrement alcalinealcaline).
On sait aussi que les organismes qui se protègent dans des structures calcairescalcaires peinent à les fabriquer dans des eaux plus acides (ou moins alcalines). C'est le cas des coraux, des mollusquesmollusques à coquillescoquilles et de nombreux organismes de petite taille.
Dans la pratique et sur le plan quantitatif, la question est nettement moins claire. On estime que le pH de l'océan mondial a diminué de près de 0,1 depuis l'ère pré-industrielle, passant de 8,16 à 8,01 et, surtout, que l'augmentation continue de la teneur atmosphérique en gaz carbonique va le faire descendre encore. Présentée lors du onzième inter-congrès des sciences du Pacifique qui vient de se tenir à Papeete (Tahiti), les résultats actuels conduisent à penser que le pH océanique moyen pourrait descendre à 7,9 voire 7,8 à la fin de ce siècle.
L'acidification des océans est aujourd'hui sous surveillance. Récemment, quatre cents chercheurs travaillant pour l'Icri (International Coral Reef Initiative) ont établi un bilan assez inquiétant de la santé des coraux de la planète et indiquaient l'acidification de l'eau de mer comme l'un des facteurs d'une régression importante (19% des coraux auraient déjà disparu). En janvier dernier, 150 chercheurs du monde entier ont signé texte baptisé Déclaration de Monaco et destiné aux décideurs politiques pour les alerter sur le problème de l'acidification des eaux océaniques et de son évolution rapide.
50.000 ans d'archives
La nouvelle étude australienne vient apporter sa contribution à ce débat dont l'ampleur va croissante. William Howard, Andrew Moy et leurs collègues de l'université de Tasmanie (Antarctic Climate and Ecosystems Cooperative Research Centre, ACE CRC) viennent de publier un article dans Nature Geoscience montrant les résultats de mesures du poids des minuscules coquilles (on dit tests, comme pour les oursinsoursins) de petits organismes planctoniques, les globigérines. Comme tous les foraminifèresforaminifères, ces organismes unicellulaires se protègent en effet dans un test calcaire percé de trous (ou foramensforamens, d'où le nom du groupe). On les trouve un peu partout dans les océans de la planète où ils représentent une énorme biomassebiomasse et jouent un grand rôle dans la fixation du carbone dans l'océan. On estime qu'ils représentent entre le quart et la moitié du flux de carbonates. Les foraminifères en général et les globigérines en particulier sont là depuis très longtemps et les paléontologuespaléontologues les apprécient beaucoup car ils peuvent en suivre les populations sur de longues périodes.
L'équipe de l'université de Tasmanie a pesé les tests de globigérines (Globigerina bulloides) d'aujourd'hui et d'hier, retrouvées dans les sédimentssédiments marins au fond de l'océan AntarctiqueAntarctique. Les tests des globigérines actuelles sont selon eux 30 à 35% plus légers que ceux de leurs ancêtres ! L'équipe a été plus loin et - cela semble être une première - a démontré un lien sur 50.000 ans entre la teneur atmosphérique en gaz carbonique et l'épaisseur des tests.
Quelle conclusion en tirer ? Sur le plan biologique, les auteurs ignorent les conséquences de cet amincissement sur la survie de cette espèceespèce et celle d'autres foraminifères. Pour l'instant, les globigérine ont l'airair de bien se porter. En revanche, à l'échelle de l'océan mondial, une diminution des populations de foraminifères pourrait affecter les écosystèmesécosystèmes et réduire la capacité d'absorptionabsorption du gaz carbonique de l'atmosphère.