Par Quentin Mauguit, Futura
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Le Giec devrait publier en septembre 2013 son 5e rapport sur l'évolution du climat. Pour alimenter les données disponibles, plusieurs laboratoires français ont réalisé des simulations du réchauffement climatique. Dans le pire des cas, la température moyenne de la Terre augmentera de 3,5 à 5 degrés d'ici 2100. Le climatologue Jean Jouzel explique à Futura-Sciences l'évolution de ces modèles.
Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) analyse de manière méthodique l'évolution du climat en récoltant des informations scientifiques, socioéconomiques et techniques disponibles dans la littérature spécialisée. Quatre rapports ont déjà été publiés par le passé, en 1990, 1995, 2001 et 2007.
Cet organisme se divise en plusieurs groupes dont l'un d'entre eux traite de l'aspect scientifique du changement climatique. Les rapports de ce groupe s'appuient notamment sur les résultats de nombreux modèles simulant l'évolution probable du climat. La publication du prochain rapport du Giec, prévue mi-septembre 2013, crée donc une véritable dynamique poussant les chercheurs à terminer leurs travaux de modélisation au plus vite.
Les Français (CNRM-Cerfacs et IPSL) sont parmi les premiers à avoir rendu publics leurs résultats. Les nouvelles données ont été présentées au début du mois de février. Elles confirment les tendances présentées dans le 4e rapport du Giec. Dans le pire des cas, la température moyenne de la Terre devrait augmenter de 3,5 à 5 degrés d'ici 2100, sauf si une politique extrêmement sévère de restriction des émissions de gaz à effet de serre est mise en place à l'échelle planétaire. L'augmentation ne serait alors que de 2 degrés.
Avant de revenir en détail sur tous les résultats présentés, Futura-Sciences a souhaité comprendre les nouveautés qui se cachent derrière ces chiffres. Jean Jouzel, chercheur CEA au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE, CNRS/CEA/UVSQ) et membre du bureau du groupe 1 du Giec, nous éclaire.
« Les rapports du Giec sont réalisés à intervalles réguliers car beaucoup de progrès ont été faits dans la conception et la résolution spatiale des modèles. » En effet, les nouvelles simulations françaises intégreraient mieux différentes perturbations atmosphériques (comme la présence d'aérosols), les effets des nuages, ou encore le cycle du carbone. Cette liste n'est pas exhaustive.
La principale innovation repose néanmoins sur la nouvelle stratégie adoptée lors de la conception des modèles. « Les travaux du 4e rapport étaient entre autres basés sur des scénarios d'évolution de la population et des émissions de gaz à effet de serre. » Ces paramètres ont été utilisés pour déterminer l'impact des activités anthropiques sur l'évolution du forçage radiatif dans le temps. La démarche pour les nouveaux calculs est inversée.
Des évolutions probables du forçage radiatif ont été fixées arbitrairement. Quatre courbes de progression des concentrations en gaz à effet de serre dans l'atmosphère ont été encodées dans les modèles (nommées RCP, « Representative Concentration Pathways »). Leurs conséquences sur la température de la Terre ont alors été étudiées. « Les modèles ont ensuite cherché quelles étaient les conditions d'émission et les développements économiques compatibles avec ces hypothèses de départ. ». Ils ont donc déterminé les évolutions de la population et les rejets en CO2 compatibles avec les quatre hypothèses de départ.
Autre nouveauté, des économistes travaillent avec les modélisateurs. Ils sont chargés du développement de scénarios explorant les possibilités d'évolution technologiques et socioéconomiques conciliables avec les résultats des modèles, notamment pour ceux qui tiennent compte des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les nouvelles simulations pourraient donc être utilisées pour tester la vulnérabilité des pouvoirs publics. Elles incluent une approche politique et économique.
La température moyenne de la Terre a tout d'abord été simulée rétrospectivement, entre 1850 et 2005, avec deux modèles différents. Le premier tient uniquement compte de facteurs naturels (variabilité solaire et volcanisme) influençant le climat. Le second considère également les éléments d'origine humaine. Les résultats ont ensuite été comparés aux relevés météorologiques de l'époque. Conclusion : le réchauffement climatique ne peut pas uniquement être expliqué par des facteurs naturels. L'impact des activités anthropiques n'est pas négligeable, comme l'avaient montré les simulations présentées dans le 4e rapport du Giec.
Les résultats des projections faites jusqu'en 2100 ou 2300 dépendent du choix des scénarios (RCP) :
Des prévisions ont également été faites pour les premières décennies du XXIe siècle. Le réchauffement est uniforme quel que que soit le scénario étudié pour l'ensemble de la Planète, à l'exception de l'Arctique. À l'échelle d'un siècle, le réchauffement pourrait être plus intense sur les continents et amplifié sur les pôles.
« Les nouvelles simulations faites par des modèles améliorés et avec des résolutions spatiales plus fines confirment et précisent ce que l'on connaissait de façon très satisfaisante depuis la publication du 4e rapport. La continuité est plutôt garante de qualité » nous confie Jean Jouzel.
Les résultats français et ceux de nombreux autres pays et organismes se complètent. « Les travaux sont coordonnés par le programme de recherche mondiale sur le climat. Les autres groupes de simulation utilisent les mêmes quatre scénarios pour regarder l'évolution du climat dans leurs modèles. On peut donc comparer les résultats puisque les hypothèses de départ sont identiques. Il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte et c'est la variété d'approche des différents groupes qui permet de cerner les incertitudes. Ce type d'exercice souligne les failles et les convergences. »
Toutes les simulations climatiques ne sont pas réalisées dans l'unique but de fournir des données aux différents groupes du Giec. Elles sont également très utiles pour les décideurs politiques et servent avant tout à comprendre les phénomènes climatiques.