En simulant le climat du monde des Hobbits de Tolkien, des climatologues britanniques veulent démontrer que les modèles utilisés actuellement peuvent aussi servir à reconstituer les climats du passé, et même ceux d'autres planètes. Un exercice ludique.

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    C'est une publication à l'allure sérieuse, titrée The Climate of Middle Earth (Le climat de la Terre du Milieu)) et signée Radagast the Brown (Radagast le Brun). Cet auteur, mage de son état, est bien connu des lecteurs de l'œuvre de Tolkien, dont Le Seigneur des anneaux. Les références de l'article indiquent d'ailleurs qu'il travaille à Rhosgobel, dans la forêt de Mirkwood. Radagast a également un poste à l'université de Bristol, au sein du très réel institut Cabot. Pour les plus doués en idiomes occultes, le rapport est également disponible en elfique et en écriture runique.

    Le texte décrit en effet un vrai travail, réalisé par l'équipe de Richard Pancost, directeur de cet institut. À l'occasion de la sortie du film Le Hobbit : La Désolation de Smaug, ces climatologuesclimatologues ont confronté les modèles climatiques à la Terre du Milieu, utilisant les -- nombreuses -- descriptions connues pour comparer cette planète à la nôtre. Le climat de la Terre du Milieu a pu être en quelque sorte reconstitué. Et l'on découvre que la Comté, là où s'ébattent les Hobbits, ressemble, avec son caractère tempéré, au Leicestershire, c'est-à-dire le centre de l'Angleterre. En revanche, le Mordor, pays du maléfique Sauron, est aride comme le Texas. Par les vents dominants qu'il découvre, l'auteur explique également le point de départpoint de départ de la migration des Elfes voulant mettre le cap à l'ouest.

    Altimétrie et bathymétrie de la Terre du Milieu, le monde des Hobbits. La carte a servi de point de départ à une étude de son climat. © Institut Cabot, université de Bristol

    Altimétrie et bathymétrie de la Terre du Milieu, le monde des Hobbits. La carte a servi de point de départ à une étude de son climat. © Institut Cabot, université de Bristol

    Faire travailler les modèles sur d'autres planètes

    Tout cela prête à sourire et Richard Pancost, pour ne pas effrayer le contribuable britannique, précise que ce travail a été réalisé sur le temps libre des participants. Le but était toutefois concret. L'équipe de l'institut Cabot voulait tester un modèle climatique connu (HadCM3L, Hadley Centre Coupled Model, version 3) en le faisant travailler sur d'autres environnements que notre monde actuel, en guise de test des études des modélisations du Giec et aussi pour montrer la possibilité de simuler des climats passés.

    Outre le pays de Tolkien, le modèle a en effet travaillé sur la Terre d'avant l'industrialisation (vers 1800-1850 pour la situation de départ de cette « Terre moderne », le nom que lui a donné l'auteur), et sur celle des derniers dinosaures, il y a 65 millions d'années. En prenant en compte la topographie (étendue des continents, couverture végétale, profondeur des océans, etc.), les chercheurs ont évalué un albédo et les échanges thermiques possibles entre le sol et l'atmosphèreatmosphère.

    On peut retrouver l'évolution des climats du passé

    Avec ces trois planètes, le modèle a calculé l'évolution du climat (température moyenne, vents, précipitationsprécipitations), qui a été comparée à la réalité connue (sauf pour la Terre du Milieu). Pour la Terre moderne, le modèle fait un travail correct (« a good job »), mais donne de moins bons résultats que les modèles les plus récents du Giec. Pour la Terre des dinosaures, Radagast le Brun ne discute pas le détail des résultats, mais souligne que cette simulation s'inscrit dans une longue série réalisée par l'université de Bristol sur la reconstitution des climats passés, ayant déjà permis de retrouver le réchauffement de l'Éocène, lors de la sortie du dernier âge glaciaire, il y a 50 millions d'années. Et plaide pour le projet du Natural Environment Research Council (NERC), piloté par l'université de Bristol, pour évaluer les modèles climatiques. Le paramètre clé, explique Radagast, est l'évolution de la sensibilité climatique de la Terre, qui relie une variation de la teneur en gaz à effet de serregaz à effet de serre à celle de la température moyenne.

    Quelle conclusion à cet exercice ludique ? « Parce que les modèles climatiques sont fondés sur des principes scientifiques fondamentaux, ils ne sont pas seulement capables de simuler le climat de la Terre actuelle, explique Radagast. Ils peuvent être également adaptés à n'importe quelle planète, réelle ou imaginaire, dès que sont connues les positions des continents et les profondeurs des océans. »