Les baleines bleues se reproduisent avec d’autres espèces de rorquals plus souvent qu’on ne le pense, et notamment les rorquals communs. L'étude de leur génome a révélé qu'il contenait des niveaux inattendus d'ADN de rorqual commun, ce qui indiquerait des accouplements fréquents entre les deux espèces, ainsi qu’avec leur progéniture hybride.


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    « La taille ne fait pas tout » disait le chroniqueur américain Bill Vaughan au sujet de la baleine bleue (Balaenoptera musculusBalaenoptera musculus). En effet, elle a beau être le plus grand mammifère existant sur Terre actuellement, son statut est en danger critique d'extinction, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)

    Un des facteurs susceptibles d'entraver le rétablissement de la population est la consanguinitéconsanguinité, étudiée sur une population de baleines bleues de l'Atlantique par des scientifiques de la revue Conservation Genetics. Les résultats sont pour le moins inattendus : 100 % des 31 individus échantillonnés possédaient de l'ADN de rorqual commun (Balaenoptera physalusBalaenoptera physalus), représentant en moyenne 3,5 % de l'ensemble du génomegénome

    De l’ADN hybride en quantité inattendue

    On sait depuis quelques années que ces deux espèces peuvent s'hybrider, une étude de 2018 a même démontré la fertilité de leur descendance hybride. Cette dernière est notamment capable de se reproduire avec des baleines bleues, et ce processus génétiquegénétique porteporte un nom : c'est l’introgression. Elle donne naissance à des individus dits « rétrocroisés », c'est-à-dire issus d'un transfert de gènesgènes d'une espèce vers une autre à la suite d'hybridationshybridations répétées. Ce qui en revanche a surpris les scientifiques, c'est la quantité d'ADNADN hybride retrouvée dans les génomes séquencés. « Le degré d'introgressionintrogression entre les espèces que nous avons trouvé était inattendu et bien plus élevé que celui signalé précédemment », note le co-auteur de l'étude Mark Engstrom, généticiengénéticien et écologue à l'université de Toronto.

    3,5 % du génome des baleines bleues provient d'ADN de rorqual commun. © Qimono, Pixabay, CC0 Creative Commons
    3,5 % du génome des baleines bleues provient d'ADN de rorqual commun. © Qimono, Pixabay, CC0 Creative Commons

    Un phénomène unidirectionnel et localisé

    En revanche, les scientifiques n'ont identifié aucune preuve que les rorquals communs ont hérité de l'ADN de la baleine bleue par introgression. Il semblerait que « seules les baleines bleues soient capables, ou peut-être désireuses, de se reproduire avec ces hybrides, d'après Mark Engstrom. Cela pourrait être dû au fait qu'il y a beaucoup plus de rorquals communs que de baleines bleues. » De plus, l'introgression entre les rorquals communs et les baleines bleues semble être un phénomène concernant uniquement l'Atlantique Nord, sans raison explicite.

    Les hybridations récurrentes affectent la résilience des populations. © Jay S, Adobe Stock
    Les hybridations récurrentes affectent la résilience des populations. © Jay S, Adobe Stock

    Et la consanguinité alors ?

    S'il n'y a aucune preuve d'un impact négatif sur la baleine bleue, le chercheur craint que cette introgression réduise la quantité d'ADN spécifique de ces baleines dans la population sur le long terme, au risque de les rendre moins résilientes face aux changements de leur environnement, induits notamment par l'Homme. La bonne nouvelle, c'est que les taux de consanguinité initialement recherchés sont bien plus bas qu'imaginé, avec un flux génétique les connectant à d'autres populations ailleurs dans le monde, favorisé par les courants océaniques. Ce serait le signe d'une meilleure diversité génétique, et donc d'une plus grande résiliencerésilience face aux obstacles qui entravent le rétablissement de cette population. Les dynamiques génétiques découvertes sont des informations qui pourraient façonner l'avenir des stratégies de conservation des espèces marines emblématiques.