Avec deux électrodes, l'une clouée dans un arbre et l'autre enfichée dans le sol, il est possible de récupérer un petit courant électrique. Le fait est déjà connu, l'explication scientifique a beaucoup progressé et une application a déjà été trouvée : alimenter des capteurs de température pour lancer une alerte radio en cas d'incendie.

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    Planté sur une racine, relié à un émetteur radio, ce petit appareil tire son énergie de l'arbre et peut envoyer une alerte quand il détecte une forte chaleur. © Rebecca Macri/MIT

    Planté sur une racine, relié à un émetteur radio, ce petit appareil tire son énergie de l'arbre et peut envoyer une alerte quand il détecte une forte chaleur. © Rebecca Macri/MIT

    Un arbre peut produire de l'électricité... Peu, certes, mais suffisamment pour alimenter un appareil électrique de faible puissance. MagCap Engineering, une entreprise américaine, avait déjà, en 2006, annoncé un procédé de production d'électricité à partir d'arbres. Trois chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), Christopher Love, Shuguang Zhang et Andreas Mershin, ont étudié de près ce phénomène et deux d'entre eux veulent même en tirer profit. Love et Mershin se sont associés à d'anciens dirigeants de MagCap Engineering pour fonder Voltree Power. La première applicationapplication envisagée est d'installer des capteurs de températurecapteurs de température et un émetteur radio dans quelques arbres pour émettre un signal d'alerte en cas d'incendie.

    Cet été, les trois chercheurs ont publié dans la revue scientifique PlosOne les résultats d'expériences effectuées sur le Ficus benjamina, le figuier pleureur, une plante d'appartement bien connue. Une électrodeélectrode est plantée dans la tige de manière à pénétrer dans le xylème, cet ensemble de fibres dont les canaux font monter vers les feuilles la sève brute aspirée depuis le sol. L'autre est enfichée dans le sol ou plongée dans diverses solutions.

    Les chercheurs observent entre les deux une différence de potentiel (ou tension électrique) de 50 à 200 millivolts. En poussant plus loin l'investigation, ces biologistes ont prouvé que cette tension n'était pas due à des réactions d'oxydoréductionoxydoréduction, comme on le pensait. On les met facilement en évidence dans cette expérience classique des cours de sciences au collège, consistant à planter dans un fruit (orange, citron...) ou une pomme de terre deux objets composés de métauxmétaux différents. Faisant office d'électrodes, ils produisent une petite tension, grâce à laquelle on peut obtenir un courant de faible intensité. C'est l'acidité de la phase liquideliquide à l'intérieur du végétal qui entretient le phénomène. Des électronsélectrons sont arrachés à l'une des électrodes (l'anodeanode), ce qui correspond à une oxydationoxydation, tandis que ces particules s'accumulent vers l'autre électrode (la cathodecathode), y entraînant une réaction que les chimistes appellent une réduction.

    A: schéma général des expériences réalisées sur <em>Ficus benjamina</em>. La plante est placée dans un pot et enfermée dans une cage de Faraday (pour éviter les champs électromagnétiques éventuels qui fausseraient les mesures d'aussi faibles tensions). Une électrode est plantée jusque dans le xylème, l'autre placée dans une boîte de Pétri emplie d'une solution à pH variable. Ce liquide est électriquement en contact avec le sol par un pont en gel d'agar-agar contenant du chlorure de potassium (KCl). B: la tension mesurée ne dépend pas de la hauteur à laquelle est plantée l'électrode (<em>bark</em>, écorce; <em>phloem</em>, phloème; <em>xylem</em>, xylème) mais elle disparaît lorsqu'un lame de rasoir coupe le xylème au-dessus ou au-dessous de l'électrode. C : le potentiel mesuré varie avec le potentiel zêta (électrostatique) entre le centre du vaisseau capillaire et ses parois, avec la variation de pression (delta-P) et avec la vitesse de la sève (<em>V<sub>sapstream</sub></em>). (Cliquez pour agrandir.) © C. J. Love, S. Zhang et A. Mershin/<em>PlosOne</em>

    A: schéma général des expériences réalisées sur Ficus benjamina. La plante est placée dans un pot et enfermée dans une cage de Faraday (pour éviter les champs électromagnétiques éventuels qui fausseraient les mesures d'aussi faibles tensions). Une électrode est plantée jusque dans le xylème, l'autre placée dans une boîte de Pétri emplie d'une solution à pH variable. Ce liquide est électriquement en contact avec le sol par un pont en gel d'agar-agar contenant du chlorure de potassium (KCl). B: la tension mesurée ne dépend pas de la hauteur à laquelle est plantée l'électrode (bark, écorce; phloem, phloème; xylem, xylème) mais elle disparaît lorsqu'un lame de rasoir coupe le xylème au-dessus ou au-dessous de l'électrode. C : le potentiel mesuré varie avec le potentiel zêta (électrostatique) entre le centre du vaisseau capillaire et ses parois, avec la variation de pression (delta-P) et avec la vitesse de la sève (Vsapstream). (Cliquez pour agrandir.) © C. J. Love, S. Zhang et A. Mershin/PlosOne

    Des capteurs dans la forêt

    Les chercheurs du MIT n'observent aucune corrélation avec l'heure de la journée ni avec la transpirationtranspiration de la plante. C'est la différence d'acidité (le pH) entre le xylème et le sol qui semble jouer le plus grand rôle. Selon eux, la tension mesurée indique la concentration en ionsions dans les tissus du xylème et serait donc reliée au métabolismemétabolisme de la plante. Les biologistes y voient d'abord un moyen facile, rapide et peu traumatisant de mesurer l'acidité interne d'une plante pour surveiller son métabolisme.

    D'autres applications leur semblent envisageables. Il serait possible, pensent-ils, d'obtenir entre 1 et 10 millivolts à partir de n'importe quel arbre d'une forêt et donc d'alimenter des capteurs capables de mesurer en permanence différents paramètres de l'environnement. La société Voltree Power a le projet plus précis de capteurs anti-feux, couplés à des émetteurs radio, qu'il suffirait d'installer sur un certain nombre d'arbres dans une forêt à protéger. Des essais en milieu naturel sont programmés pour le prochain printemps. Dans son communiqué de presse, le MIT imagine de son côté une autre application : la détection de substances nocives ou radioactives « aux frontières du pays ».

    Quoiqu'il en soit, ce travail montre encore une fois l'intérêt actuel des scientifiques pour des sources d'électricité nouvelles capables d'alimenter des appareils à très basse consommation. Depuis la chaleurchaleur ambiante jusqu'aux mouvements du corps en passant par le bruit, les idées innovantes ne manquent pas dans ce domaine...