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Les éoliennes flottantes, comme celle du projet français Winflo, présentent plusieurs avantages. Elles pourront notamment être installées sur des zones profondes de plus de 50 m, donc loin du littoral. Ainsi, elles profiteront de vents plus stables, tout en ne constituant pas une pollution visuelle pour les populations côtières. Par ailleurs, leur impact sur l’environnement sera faible, puisqu'il ne faudra pas construire de plateforme sous-marine bétonnée pour les accueillir, mais bien quelques points d'ancrage de taille réduite.
Cependant, cette nouvelle filière n'est pas dénuée d'inconvénients. Comme l'éolien classique ou le solaire photovoltaïque, sa production électrique sera intermittente et donc peu prévisible. Comment faire, alors, pour ne pas devoir jeter l'énergieénergie produite durant les heures creuses, par exemple pendant la nuit ? Plusieurs solutions de stockage sont actuellement à l'étude ou en test, un peu partout dans le monde (utilisation de batteries, conversion en hydrogènehydrogène, etc.)).
Le Precision Engineering Research Group (PERG) du MIT, dirigé par Alexander Slocum, pourrait avoir trouvé une solution bien adaptée à l'éolien flottant.
Des scientifiques du MIT ont imaginé des points d'ancrage, pour que les éoliennes flottantes puissent stocker l'électricité produite en excès. Ces sphères en béton creuses devraient peser plusieurs milliers de tonnes, et mesurer jusqu'à 35 m de diamètre. © Alexander Slocum, PERG, MIT
Une solution pour stocker l’électricité en eau profonde : Ores
Cette équipe a imaginé le concept Ores (Offshore Renewable Energy Storage). L'idée de base est assez simple : pourquoi ne pas associer une sphère creuse, qui servirait à la fois de point d'ancrage et de système de stockage, à chaque éolienne flottante ?
Cette structure devrait mesurer entre 15 et 35 m de diamètre, être creuse et avoir des parois de 3 m d'épaisseur. Elles permettront à la sphère de résister à la pressionpression hydrostatique qui règne, par exemple, à 750 m de profondeur (condition optimale de production), mais pas seulement. La structure doit également être suffisamment lourde afin d'éviter qu'elle ne remonte lorsqu'elle est vide. Grâce à ses parois épaisses, elle devrait peser plusieurs milliers de tonnes, et assurer ainsi un ancrage sûr pour les éoliennes.
La clé pour stocker l’énergie : une pompe-générateur
Le courant produit en excès par l'éolienne flottante servira à actionner une pompe qui videra de son eau l'intérieur de la sphère Ores. En revanche, lorsque la demande en électricité sera forte, l'ouverture d'une vanne permettra de remplir la cuve. L'eau pénétrant dans la structure actionnera au passage une turbine couplée à un générateur (ils exploitent les mêmes mécanismes que la pompe) : elle générera donc un courant électriquecourant électrique. L'efficacité du dispositif est intimement liée à la pression hydrostatique, et donc à la profondeur, puisqu'elle conditionne la force exercée par le flux d'eau sur les pales de la turbine.
Une sphère de 25 m de diamètre et placée à 400 m de profondeur pourrait, selon l'article paru dans les Proceedings of the IEEE, stocker jusqu'à 6 MWh d'électricité. Ainsi, une installation composée de 1.000 éoliennes serait théoriquement capable de concurrencer certaines centrales nucléaires, mais pour quelques heures seulement. Ce système possède un dernier avantage particulièrement intéressant : la production d'électricité peut être lancée, ou arrêtée, en seulement quelques minutes, de quoi lisser facilement les pics de consommation.
Le principe de fonctionnement de l'Offshore Renewable Energy Storage (Ores). Lorsqu'il se charge (consommation d’un courant, à gauche), le dôme jaune joue le rôle d’une pompe électrique (Acting as a motor). L'eau est chassée (Water level goes down) et la pression à d'air à l'intérieur de la sphère descend jusqu'à 0,05 atmosphère (1/20 atm). Lorsque l'Ores se décharge (production d'un courant, à droite), le moteur tourne dans l'autre sens et devient un générateur de courant (Acting as a generator) et l'eau monte (Water level goes up) et la pression remonte à 1 atm. © Alexander Slocum, PERG, MIT
Respect de l’environnement : l’utilisation de cendres dans le béton
Les sphères seront construites en béton, un matériaumatériau partiellement fait de cimentciment. Or, la production de ce dernier émet d'importantes quantités de CO2 dans l’atmosphère. De prime abord, la constructionconstruction des Ores risque donc de ne pas être très écologique. Les chercheurs ont heureusement trouvé une solution pour remédier à ce problème.
Ils proposent de remplacer partiellement le ciment par des cendres issues des centrales à charbon. Cette approche valoriserait donc des déchets, tout en réduisant de manière significative les émissionsémissions de gaz à effet de serre liées au développement des dispositifs Ores. Notons que les sphères seront produites sur terreterre, avant d'être acheminées et installées sur site, par un navire ou une barge qui restent à concevoir.
Que penser du projet Ores ?
La solution proposée est alléchante, d'autant plus que le coût de stockage s'élèverait à seulement 0,046 euro par kilowattheure : la construction et l'installation d'une sphère Ores sont estimées à environ 9,25 millions d'euros. Une fois raccordé à un réseau électriqueréseau électrique, il est évident que ce système pourra également servir à stocker de l'électricité produite par d'autres sources d'énergie renouvelable, une centrale solairecentrale solaire par exemple.
Cependant, de nombreuses interrogations relatives à la construction et l'exploitation des sphères de stockage demeurent sans réponse, tant le travail restant à accomplir paraît titanesque. N'oublions pas qu'il faut encore construire un navire de transport adapté. On peut également s'interroger sur le devenir de ces sphères de bétonbéton lorsqu'elles rencontreront des soucis techniques à plusieurs centaines de mètres de profondeur, ou tout simplement lorsqu'elles arriveront en fin de vie. Vont-elles devenir des récifs artificiels ?
Ces interrogations trouveront peut-être des réponses lorsqu'un dispositif Ores pilote aura été testé dans des conditions réelles. Mais pour parvenir à ce stade, l'équipe devra d'abord récolter les fonds nécessaires.
Chronique : Greentech
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L’avenir fera la part belle aux technologies vertes, ce que de nombreux ingénieurs et chercheurs ont bien compris. Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique Greentech dévoile et décrypte les projets innovants, visant à réduire l’impact de l’Homme sur son environnement, tout exploitant au mieux les ressources naturelles renouvelables.