Une nouvelle étude du CNRS effectuée sur des fleurs près de Paris montre une évolution d'adaptation surprenante : pour faire face au manque d'insectes, les plantes sauvages commencent à s'auto-polliniser.


au sommaire


    Lorsqu'un maillon de la chaîne vient à disparaître, il semblerait que la nature s'adapte. Et pourtant, le maillon en question est indispensable au cycle de la vie, et par conséquent, considéré comme irremplaçable. C'est un exemple d'adaptation surprenant qui a été découvert par des chercheurs français du CNRS. Publiée dans New Phytologist, l'étude explique que les pensées des champs (Viola arvensis) qui poussent près de Paris produisent 20 % de nectar en moins qu'il y a 20 ans. Elles sont également 10 % plus petites qu'au début des années 2000 au même endroit.

    Ces changements sont directement liés à la disparition fulgurante des insectes en Ile-de-France. Mais l'espèce semble décider à se battre pour sa survie : face au manque d'insectes, les pensées ont commencé à s'auto-polliniser. En clair, la plante se reproduit avec elle-même, ce qui avait très peu été observé avant dans cette espèce. Le nombre d'auto-pollinisations a bondi de +27 % en l'espace de 20 ans.

    Des milliers d'années d'évolution balayées en 50 ans

    De nombreux exemples passés ont déjà montré que les plantes étaient capables de se transformer pour répondre à de nouveaux besoins : des espèces végétales introduites dans des pays où les insectes n'étaient pas les mêmes que dans leur zone native ont effectué des transformations en quelques années, pour pouvoir être pollinisées par d'autres types d'insectes, ou même des colibriscolibris et des chauves-sourischauves-souris. Cette nouvelle étude confirme le fait qu'une plante est capable de transformer des milliers d'années d'évolution en l'espace de 50 ans ou moins, pas seulement pour s'adapter à une nouvelle pollinisation, mais pour s'adapter à un manque de pollinisation. Ce type de recherche a uniquement été effectué dans quelques zones spécifiques en Europe et en Amérique du Nord, mais le processus d'adaptation pourrait en fait être beaucoup plus répandu que ce que l'on croit.

    Les pensées de champs, photographiées ici, ont su transformer leur mécanisme de pollinisation en quelques dizaines d'années seulement pour continuer à se reproduire sans insectes. © Nadezda Verbenko, Adobe Stock
    Les pensées de champs, photographiées ici, ont su transformer leur mécanisme de pollinisation en quelques dizaines d'années seulement pour continuer à se reproduire sans insectes. © Nadezda Verbenko, Adobe Stock

    Un processus efficace sur le court terme uniquement

    Les auteurs de l'étude précisent que cette stratégie d'adaptation fonctionne sur le court terme, mais pas sur le long terme. Le processus affaiblit et fragilise la plante plus rapidement qu'avec une pollinisation classique. De plus, en devenant de plus en plus petites, et en produisant moins de nectar, les plantes offrent moins de nourriture aux insectes restants. Il se produit alors un cercle vicieux : la disparition des insectes entraîne moins de nectar, et le fait qu'il y ait moins de nectar attire moins les insectes. Les insectes disposent de moins de nourriture, eux aussi deviennent alors de plus en plus petits, et les populations disparaissent encore plus rapidement.