« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, prenons la route du Sud. De l’Afrique du Sud et partons à la rencontre du roi des animaux : Sa Majesté le lion.


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    Bâiller, c'est contagieuxcontagieux. Enfin, si l'on accepte de piétiner légèrement la définition du mot « contagieux ». Parce que nous le savons, il n'est pas question ici de transmettre un virus ou un autre microbemicrobe. C'est la simple « réplicationréplication » d'un comportement qui se produit, en réalité, lorsque l'on bâille en réponse à un bâillementbâillement. Une réplication totalement involontaire, généralement stimulée par la vue, que les éthologues ont pu observer chez les Hommes. En cause, très probablement, les neurones miroirsneurones miroirs.

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    Pourquoi le bâillement est-il contagieux ?

    Mais les Hommes ne sont pas les seuls à avoir le plaisir de bâiller. Le bâillement est un comportement commun. Les animaux bâillent aussi. Les poules, les chimpanzés ou même les cobras. Les lionslions, également. Ces gros matous paresseux qui passent leur temps à se prélasser au soleilsoleil. Pendant que ces dames, les lionnes, élèvent les petits et partent à la chasse. Et, ce qui a surpris une équipe de chercheurs qui les observaient, c'est que, sur de courtes périodes de temps, les bâillements des lions peuvent être fréquents. Notamment lorsque les fauves sont détendus. Peut-on, pour eux aussi, parler de « réplication » ?

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    Le lion n’est pas si fainéant, il chasse aussi bien que la lionne

    Les chercheurs ont longtemps pensé que la réplication du bâillement était l'apanage des Hommes. Une manifestation de notre empathieempathie pour nos proches. Des émotions que nous partageons avec ceux que nous côtoyons. Mais des études ont déjà montré que le bâillement pouvait également se transmettre d'humain... à chien. Comme pour faciliter les interactions que nous pouvons avoir avec notre meilleur ami.

    Pour revenir à la question de la possible « réplication » du bâillement entre félins, les chercheurs ont épié pendant plusieurs mois une vingtaine de lions dans une réserve privée d'Afrique du Sud, la réserve Makalali. Leur conclusion : un lion qui voit l'un de ses congénères bâiller est 139 fois plus susceptible de bâiller à son tour dans les trois minutes qui suivent ! Intéressant, non ? Et la suite de l'histoire l'est sans doute encore un peu plus.

    Bâiller est un comportement très répandu dans la nature. Mais il reste mystérieux car il semblerait qu’il ait des fonctions différentes selon les espèces. © Monique Pouzet, Adobe Stock
    Bâiller est un comportement très répandu dans la nature. Mais il reste mystérieux car il semblerait qu’il ait des fonctions différentes selon les espèces. © Monique Pouzet, Adobe Stock

    Bailler pour maintenant la cohésion de la troupe

    Car les chercheurs rapportent aussi que les lions qui répliquent le bâillement d'un autre apparaissent onze fois plus susceptibles de répliquer ses mouvementsmouvements. En d'autres mots, imaginez un lion qui bâille, puis se lève pour faire quelques pas et se recouche. Eh bien, il se trouve qu'un autre lion « contaminé » par son bâillement va également avoir tendance à se lever, faire quelques pas et se recoucher. C'est en tout cas ce que les chercheurs ont observé. Une sorte de « synchronisation motrice » stimulée par le bâillement initial.

    Voilà pourquoi les éthologues envisagent maintenant que le bâillement puisse jouer un véritable rôle social dans une troupe de lions. Voire chez d'autres espèces très sociales. Le bâillement pourrait aider à mettre et à garder les individus sur une même longueur d'ondelongueur d'onde. Et c'est important pour un animal qui chasse et qui élève ses petits en troupe. Certains estiment d'ailleurs que c'est l'organisation sociale des lions qui est à l'origine de leur domination sur leur environnement.

    Les chercheurs suggèrent aussi que la réplication du bâillement pourrait servir à renforcer la vigilance collective. Qu'il pourrait aider à communiquer à la troupe, un changement d'état physiologique ou émotionnel. Alors, la prochaine fois qu'on vous reprochera de bâiller, expliquez simplement que vous le faites pour maintenir la cohésion sociale ! Pas si bête... le lion.