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    Nous allons voir maintenant les différents types de capteurscapteurs, leurs technologies et leur évolution.

    Quels sont les types de capteurs ? © Welcomia, Shutterstock

    Quels sont les types de capteurs ? © Welcomia, Shutterstock

    Les capteurs classiques et la matrice de Bayer

    Les capteurs les plus connus sont les CCDCCD (Charge Coupled Device). C'est le type initial, qui a trouvé sa consécration dans les usages scientifiques comme la photographiephotographie astronomique par exemple.

    Il existe aussi des capteurs CMOS (Complementary Metal Oxide Semi-conductor), plus récents. Ces derniers sont plus complexes mais, paradoxalement, ils reviennent moins cher à la fabrication car ils utilisent les techniques classiques de la micro-électronique. Ces deux types de capteurs sont constitués d'un quadrillage d'éléments sensibles, les photosites qui sont des photodiodes.

    Initialement, les capteurs CMOS étaient considérés de moins bonne qualité en ce qui concerne la sensibilité, la linéarité de la réponse ou le bruit4, ce qui les cantonnait à des usages bon marché. Toutefois, Canon a démontré il y a plus de quinze ans que ses capteurs CMOS supportaient largement la comparaison avec les capteurs CCD (souvent fournis par Sony) des autres fabricants tout en ayant des temps de réponse plus rapides. En effet, la sensibilité globale d'un capteur dépend de multiples facteurs qui peuvent être optimisés.

    Vue au microscope électronique à balayage d'un capteur CMOS. © Semiconductor

    Vue au microscope électronique à balayage d'un capteur CMOS. © Semiconductor

    Comme les photosites ne peuvent pas être strictement contigus pour des raisons techniques (il faut laisser la place pour les circuits récupérant le signal), chacun d'eux est chapeauté par une lentillelentille microscopique qui recueille la lumière sur toute la surface disponible et la concentre sur le photosite.

    © DR

    © DR

    Le schéma ci-dessus illustre de façon simple la nécessité des lentilles collectrices. En effet, par constructionconstruction, les photodiodes sont situées en profondeur dans le capteur, au fond d'une sorte de puits.

    Ce quadrillage est à son tour associé à une matrice de micro-filtres colorés à raison d'un micro-filtre par photosite. Ce quadrillage filtrant est appelé filtre de Bayer du nom de son inventeur, ingénieur chez Kodak. À chaque photosite est associé un filtres rouge, vert ou bleu, et, pour s'approcher au mieux de la sensibilité de l'œilœil, il y a un filtre rouge, deux verts et un bleu.

    Filtre de Bayer. © DP

    Filtre de Bayer. © DP

    Le filtre passe-bas

    Devant le capteur est disposé un filtre passe-bas (parfois appelé « filtre anti-aliasingaliasing »). C'est une lame transparente dont la structure est conçue pour ne pas laisser passer des détails approximativement inférieurs à la taille des photosites. Imaginons en effet un point blanc de taille égale ou inférieure à un seul photosite : il pourrait tomber au hasard sur un photosite rouge, vert ou bleu et ne pourrait en aucun cas être interprété par l'appareil comme un point blanc. Imaginons maintenant une ligne blanche très fine et plus ou moins oblique : certaines zones de la ligne vont coïncider avec des photosites d'une couleur, d'autres avec ceux d'autres couleurs. Cette ligne blanche pourrait donc être vue comme une ligne avec une succession de franges de couleurs. De plus, si ces détails de petite taille sont disposés de manière périodique, ils peuvent entraîner un effet de moiré. Le rôle du filtre passe-bas est d'étaler légèrement l'image de ces petits détails pour qu'elle couvre plusieurs photosites afin que leur couleur puisse être interprétée correctement. Bien entendu, ce filtre entraîne une légère baisse de la définition, mais il est indispensable et le léger flou introduit est ensuite corrigé par le traitement numériquenumérique de l'image. Toutefois, les appareils ayant des définitions extrêmement élevées n'ont maintenant plus besoin de filtre passe-bas tellement les pixelspixels sont resserrés.

    Les infrarouges

    Enfin, les photosites étant assez sensibles aux infrarouges, un filtre arrêtant les infrarouges devra flanquer le filtre passe-bas, à moins que ces deux fonctions soient rassemblées sur le même filtre. Si les infrarouges arrivaient sur les photosites, ils les impressionneraient et provoqueraient une dérive des couleurs notable. En effet, selon leur longueur d'onde, ils peuvent être détectés soit par les photosites rouges et/ou verts, les filtres de Bayer étant peu sélectifs à ces longueurs d'onde. En outre, ils apporteraient du flou à l'image parce qu'ils ne sont pas focalisés exactement dans le même plan que la lumière visible. Les essais montrent que les appareils anciens laissent passer une petite quantité d'infrarouges. Il était même possible, en utilisant des temps de pose longs, de faire avec eux des photographies dans l'infrarouge en mettant un filtre adapté sur l'objectif. Les appareils récents ont un filtre nettement plus efficace mais il n'est pas total. On peut s'en rendre compte en visant la diode d'une télécommande de téléviseur. Le plus simple est de faire l'expérience avec un smartphone. En appuyant sur une touche on verra nettement la diode s'éclairer. Avec un reflex récent, le filtrage est plus efficace mais le phénomène reste malgré tout visible (il faut être en mode live view). Pour tempérer cette observation, il faut savoir que les diodes infrarouges des télécommandes sont extrêmement plus émettrices que les sujets qu'on photographie, même en plein soleil.

    Dans cette technologie, on considère que 1 photosite = 1 pixel. Ceci est très différent de la convention utilisée par les écrans où un pixel est constitué de trois « pastilles » : une rouge, une verte et une bleue. Chaque « pixel » du capteur ainsi défini ne contient donc l'information que pour une seule couleur primairecouleur primaire. Le processeur de l'appareil calcule les valeurs des deux autres couleurs par interpolation avec les valeurs des pixels voisins. Ce n'est guère un inconvénient pour les zones, qui sont les plus fréquentes, où les couleurs varient de façon progressive, mais cela entraîne une perte de précision dans les zones de transition brusque (les bords des objets par exemple). Le nombre de pixels annoncé est donc un nombre calculé virtuel.

    Des capteurs plus exotiques

    Fujifilm/Panasonic a créé un capteur où les photosites sont hexagonaux, ce qui permet un pavage différent plus serré. Il a ensuite ajouté dans les espaces disponibles de petits photosites supplémentaires qui permettent d'augmenter la dynamique de la réponse (c'est-à-dire l'intervalle entre les plages les plus lumineuses et les plus sombres fidèlement traduites). Comme toutes les images numériques ont des pixels disposés en rangées et colonnes selon une matrice carrée, ce qui n'est pas le cas pour ce type de capteur, le traitement du signal doit reconstruire une image plus classique dans laquelle le nombre de pixels sera finalement supérieur au nombre de photosites. Certains ont donc critiqué la valeur annoncée par Fuji pour la définition de ses capteurs en argumentant sur le fait qu'il s'agissait de pixels interpolés. Cette critique ne semble toutefois pas vraiment fondée puisque les pixels recalculés utilisent des informations qui ont été réellement captées, mais d'une autre manière. Finalement, on parle là encore de pixels virtuels comme dans le cas des capteurs classiques.

    © Fujifilm

    © Fujifilm
    Comparaison entre un capteur classique et diverses versions de capteurs Fuji. © Arachanox, DP

    Comparaison entre un capteur classique et diverses versions de capteurs Fuji. © Arachanox, DP

    Mais cette marque ne cesse d'innover dans le domaine des capteurs et la solution commercialisée aujourd'hui sous la désignation X-Trans est encore plus innovante. La matrice de Bayer a été abandonnée au profit d'une matrice semi-aléatoire formée de groupes de 6x6 photosites. Cette répartition aléatoire permet de s'affranchir du filtre passe-bas. Elle permet donc d'améliorer la netteté et d'éviter les effets de moiré qui apparaissent parfois avec les capteurs classiques sur des images comportant des détails périodiques.

    Ce capteur intègre également des pixels de détection de phase qui servent à la mise au point automatique mais qui peuvent aussi assister l'utilisateur en mode de mise au point manuelle. Cette technique permet à l'automatisme d'avoir une vitessevitesse de réaction bien supérieure à celle des boîtiers compacts dont la mise au point traditionnelle est basée sur la détection du contrastecontraste.

    1 : micro-lentilles ; 2 : filtres colorés X-Trans ; 3 : filtres d’interception gauche-droit de la lumière ; 4 : capteur de détection de phase / pixel filtre vert ; 5 : photodiode. © Fujifilm

    1 : micro-lentilles ; 2 : filtres colorés X-Trans ; 3 : filtres d’interception gauche-droit de la lumière ; 4 : capteur de détection de phase / pixel filtre vert ; 5 : photodiode. © Fujifilm

    Ces capteurs sont utilisés par les appareils Fuji de type compact et hybridehybride. Ils sont associés à des processeurs de traitement de l'image évolués qui peuvent corriger en temps réel les défauts spécifiques de chaque type d'objectif.

    En 2007, Kodak a annoncé qu'il allait produire un capteur deux à quatre fois plus sensible que ses concurrents. Le filtre de Bayer serait remplacé par une matrice différence : le capteur comporterait pour moitié des photosites sensibles aux trois couleurs primaires et pour moitié des photosites « panchromatiques », c'est-à-dire sensibles à toutes les longueurs d'onde, donc sans filtre coloré. Sur le plan des principes cette idée est judicieuse. D'une part la lumière arrivant sur les capteurs panchromatiques n'étant pas filtrée, ceux-ci seront bien plus sensibles. D'autre part cela permet, dans le traitement de l'information, de séparer l'information de luminanceluminance (fournie par les photosites panchromatiques) et l'information de chrominancechrominance fournie par les autres photosites. On sait en effet depuis longtemps que l'essentiel des détails d'une image est fourni par la composante de luminance et très peu par la composante de chrominance. Du moment que les couleurs sont correctes, la définition du signal de chrominance n'a pas besoin d'être très élevée. Cependant, je n'ai pas d'information sur l'utilisation de ce type de capteur dans des appareils grand public.

    En blanc : les photosites panchromatiques. © Kodak

    En blanc : les photosites panchromatiques. © Kodak

    On constate que Kodak a retenu le principe existant dans le filtre de Bayer d'un nombre de photosites verts double de celui des bleus ou des rouges. Dans le schéma ci-dessus, on voit que le motif de base se reproduit à l'identique toutes les 4 lignes. On y compte 32 photosites panchromatiques, 16 verts, 8 bleus et 8 rouges.

    On retrouve l'idée de photosites panchromatiques dans un projet de Fujifilm/Panasonic pas encore finalisé semble-t-il.

    Le capteur Foveon est basé sur un principe totalement différent : il utilise le fait que les différentes longueurs d'onde pénètrent plus ou moins profondément à l'intérieur du siliciumsilicium du capteur. Les photosites sont donc disposés sur trois couches, structure qui rappelle celle des pellicules photographiques couleur. La couche superficielle reçoit toute la lumière, donc est sensible au blanc, la deuxième au vert (ou plus exactement reçoit un mélange de vert et de rouge) ; enfin, la plus profonde est sensible au rouge. Le processeur de l'appareil reconstitue les trois couleurs primaires par soustraction (par exemple, il soustrait l'information sur le vert et le rouge au signal des photosites superficiels qui reçoivent la lumière blanche pour extraire les informations correspondant au bleu).

    Ce capteur présente quelques avantages théoriques. D'une part on utilise la totalité de la lumière et non une partie comme avec un filtre de Bayer, d'autre part on n'a pas besoin de filtre passe-bas.

    Foveon, considérant que les trois photosites sont superposés annonce donc un nombre de pixels égal à trois fois le « pavage » réel. En réalité cette évaluation est critiquable : lorsqu'un nombre de pixels de 14 millions est annoncé il n'y a en réalité que 2.652 lignes x 1.768 rangées, soit à peu près 4,69 millions de pixels élémentaires constituant l'image. À en juger par l'aspect des photographies, certains spécialistes estiment en fait que la qualité, comparée à celle d'un capteur classique, se situe à mi-chemin entre les 4,69 millions de pixels réels et les 14 millions annoncés, l'amélioration résultant probablement de l'absence de filtre passe-bas.

    © Foveon

    © Foveon

    Les images obtenues ont une bonne qualité de couleur, mais ce type de capteur reste pour l'instant très minoritaire malgré certains avantages techniques. Il n'a pas encore été possible de réduire suffisamment la surface des photosites (ou d'augmenter assez la taille du capteur) pour obtenir un nombre de pixels réellement comparable à celui des autres capteurs sans introduire d'autres défauts (en particulier le bruit, dont il va être question bientôt). D'autre part, la sensibilité maximum utilisable est pour le moment très inférieure à celle obtenue avec les capteurs classiques. L'utilisateur le plus cité est Sigma qui a acquis la licence Foveon, plus connu pour ses objectifs que pour ses boîtiers.

    En résumé, à l'heure actuelle, le système le plus répandu auprès du grand public est la matrice de Bayer (avec parfois quelques variantes), couplée avec des capteurs CMOS, tandis que les capteurs CCD sont de moins en moins utilisés pour les appareils du commerce.

    4. Voir plus loin pour le bruit qui tend à dégrader les images.