Par l'entremise d'un appareillage plutôt simple, une amibe géante commande les mouvements d'un robot à six pattes. Perspective : tirer quelques secrets de fabrication qui seront un jour utiles à des robots.
Quand le robot à six pattes s'éloigne de lui-même d'une source de lumière placée à proximité, il n'obéit à aucun logiciel ni même un réseau de neurones informatique. Le pilote est... une moisissure ! Plus précisément Physarum polycephalum, un curieux organisme vivant dans les forêts, sous les feuillages.
Cette sorte d'amibe géante jaunâtre, qui mesure en général quelques millimètres mais peut atteindre trente centimètres, se nourrit de bactéries et de petits champignons. Elle n'a pas de pattes ni aucun organe. Toutes ses cellules ont fusionné en un seul plasmode. Les biologistes la rangent parmi les myxomycètes, aux côtés de quelques curiosités zoologiques difficilement classables, ni végétaux ni animaux.
Bref, ce modeste être vivant n'a rien qui puisse en faire le pilote idéal pour un robot hexapode. C'est pourtant le rôle que lui a fait jouer Klaus-Peter Zauner, du département Electronics and Computer Science, de l'université de Southampton (Royaume-Uni), en collaboration avec une équipe de l'université de Kobe, au Japon.
Pilotage à distance
Chacune des pattes du robot est flanquée d'une cellule photoélectrique. Ces six yeux sont reliés à un ordinateur distant. Quand l'un de ces capteurs reçoit de la lumière, l'ordinateur allume l'une des six lampes installées en cercle autour du myxomycète. Le petit organisme vit sur un circuit électronique, qui détecte ses moindres mouvements, transmis à l'ordinateur. Quand il s'éloigne de la source lumineuse, une commande de mouvement est envoyée à la patte correspondante du robot, lequel se met à bouger exactement comme la moisissure...
Il suffirait d'installer le physarum sur le robot pour que le tout, complètement autonome, devienne la première moisissure à pattes.
Spécialistes de la miniaturisation
Saugrenu ? Pas tant que cela. L'idée des chercheurs est d'imiter voire d'utiliser les techniques utilisées dans la nature, et notamment pour des systèmes de très petites dimensions. « À l'échelle nanométrique, explique Klaus-Peter Zauner au New Scientist, nous devrons apprendre à travailler avec des composants autonomes, et laisser des molécules agir comme elles le font naturellement. » Les capteurs sensoriels du physarum, répartis sur les diverticules de cytoplasme qui fouillent sans cesse l'environnement, pulvérisent nos records de miniaturisation. Des secrets utilisables s'y cachent sans doute...