Le président de la République Emmanuel Macron a dévoilé un plan d’investissement de 1,5 milliard d’euros pour soutenir le développement de l’intelligence artificielle en France. Il s’appuie sur le rapport commandé au mathématicien et député Cédric Villani.

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    Pour que la France « ne raterate pas le train de l'intelligence artificielle » (IA), Emmanuel Macron a présenté jeudi un plan ambitieux pour développer cette nouvelle technologie en passe de révolutionner l'économie et la société et qui est actuellement dominée par les États-Unis et la Chine (voir le discours du chef de l'État via YouTube). Attirer les meilleurs chercheurs, créer un centre français de niveau international, développer une politique des données, faire émerger des champions français et engager une réflexion sur l'éthique et la régulation de ces innovations qui inquiètent : voici les grands axes annoncés par le chef de l'État, accompagnés d'une enveloppe financière de 1,5 milliard d'euros d'ici la fin du quinquennat.

    Son programme s'inspire du rapport commandé en septembre au mathématicienmathématicien et député (LREM) Cédric Villani, qui a piloté plus de 300 auditions auprès d'experts du monde entier. L'objectif est de propulser la France parmi les champions de ce domaine où elle dispose d'un savoir théorique indéniable et de cerveaux recherchés, mais manque encore de groupes leaders. Coup d'envoi de cette initiative, plusieurs géants internationaux ont annoncé mercredi soir l'implantation en France de grands centres de recherche en intelligence artificielle.

    Le président de la République Emmanuel Macron lors de son allocution au Collège de France. ©AI for Humanity

    Le président de la République Emmanuel Macron lors de son allocution au Collège de France. © AI for Humanity

    Emmanuel Macron reçoit les pontes de l'IA à l'Élysée

    Le Coréen SamsungSamsung va installer à Paris son troisième plus grand centre de recherche, fort à terme de plus de 100 chercheurs, et le Japonais Fujitsu y ouvrira son premier centre de dimension européenne. IBMIBM recrutera 400 experts en intelligence artificielle en France d'ici deux ans tandis que GoogleGoogle France financera une chaire internationale dédiée à l'IA à l'École polytechnique. Des décisions liées non pas à des subventions mais à l'attractivité retrouvée de la France, qui profite aussi du Brexit et d'un « effet Trump », explique l'Élysée. L'image améliorée de la France avait déjà été illustrée par le succès du sommet de Versailles « Choose France », opération de séduction organisée cet hiverhiver par Emmanuel Macron pour convaincre les grands groupes d'investir en France, y compris ces Gafa (Google, AmazonAmazon, FacebookFacebook, AppleApple) que la France veut taxer davantage.

    Le président a aussi reçu à dîner mercredi à l'Élysée une quinzaine de sommités mondiales du secteur, dont le Français Yann Le Cun (chef de l'IA chez Facebook), la Japonaise Noriko Araï, qui a conçu un robot capable de réussir un examen d'entrée à l'université ou le Britannique Demis Hassabis, fondateur de DeepMind, père du logiciel AlphaGoAlphaGo qui a battu en 2016 le plus grand maître mondial de go. L'enjeu est aussi de faire revenir en France ces chercheurs français devenus des stars à l'étranger, comme Luc Julia, l'inventeur de SiriSiri chez Apple passé chez Samsung, qui dirigera le futur centre de recherche parisien du groupe coréen. La stratégie française veut s'inscrire dans un cadre européen, pour que l'UE devienne un grand acteur mondial du secteur, explique l'Élysée, d'où la participation au sommet de jeudi de représentants de l'Allemagne et de la Commission européenne.

    La France doit concentrer ses efforts sur 4 domaines

    L'intelligence artificielle, qui rend possibles des technologies comme la voiture autonome, les commandes vocales, la traduction automatique, la reconnaissance faciale, l'anticipation des comportements ou les robots capables de tâches encore inimaginables, suscite aussi de fortes craintes. Beaucoup craignent des atteintes à la vie privée ou une destruction massive d'emplois que des machines intelligentes pourraient occuper. Si 70 % des managers et dirigeants sont prêts à travailler avec une intelligence artificielle, seuls 44 % des salariés y sont favorables, selon un sondage paru mercredi.

    La France a en tout cas beaucoup à faire pour rattraper le peloton de tête. « Les pays les plus en avance sur l'intelligence artificielle, ce sont les États-Unis, la Chine, l'Angleterre, le Canada et Israël, et nous n'y sommes pas », a expliqué mercredi Cédric Villani sur France Inter. Le rapport préparé par le mathématicien met donc l'accent sur les efforts à faire pour garder en France les cerveaux, avec un doublement des salaires des chercheurs en début de carrière et un environnement de travail favorable.

    Il identifie quatre domaines où la France doit concentrer ses efforts : santé, transports, environnement, défense. Côté éthique, il recommande la création d'une instance indépendante, « qui puisse être saisie par le gouvernement comme par les citoyens, et qui nous dise voilà ce qui est acceptable ou non acceptable », estime Cédric VillaniCédric Villani.