C’est toute l’importance du CNRS et celle des travaux d’un collaborateur de longue date des prix Nobel de physique français que vient d’illustrer la médaille d’or 2009 CNRS attribuée au grand spécialiste de l’optique quantique qu’est Serge Haroche.

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    Serge Haroche. © CNRS Photothèque/Christophe Lebedinsky

    Serge Haroche. © CNRS Photothèque/Christophe Lebedinsky

    A quelques rares exceptions près, comme Henri PoincaréHenri Poincaré, Maurice de Broglie et surtout Louis de BroglieLouis de Broglie et Léon Brillouin, la physique française est restée pendant des décennies étrangement aveugle et sourde à la découverte et aux développements de la physique quantique. Ce retard n'a été comblé qu'après la Seconde guerre mondiale avec des physiciensphysiciens comme Albert Messiah et les travaux sur le pompage optique d'Alfred Kastler et Jean Brossel.

    Le prix Nobel de physique viendra récompenser en 1966 l'œuvre de Kastler qui fut d'une importance cruciale pour la réalisation des lasers. La même année, la médaille d'or du CNRS, dont il est était membre, lui sera aussi attribuée.

    Alfred Kastler. Crédit : nobelprize.org

    Alfred Kastler. Crédit : nobelprize.org

    L'école française s'était distinguée de longue date dans le domaine de l'optique. Il suffit, pour s'en convaincre, de citer les noms de Descartes, Fermat et surtout Fresnel. Grâce à Kastler, elle va continuer à le faire dans les domaines de l'optique quantique et des interactions entre photons et atomes. L'un des élèves de Kastler n'est autre que Claude Cohen-Tannoudji. Membre du laboratoire Kastler Brossel de l'École normale supérieure à Paris, où il avait été étudiant auprès d'Alfred KastlerAlfred Kastler et Jean Brossel, et professeur au Collège de France depuis 1973, il est l'auteur d'un cours de mécanique quantiquemécanique quantique, co-écrit avec Bernard Diu et Franck Laloë, devenu mondialement célèbre, autant que celui de Messiah.

    Claude Cohen-Tannoudji recevra lui aussi la médaille d'or du CNRS en 1996 et deviendra l'année suivante lauréat du prix Nobel de physique 1997 avec Steven Chu et William Daniel Phillips pour ses travaux sur le piégeage et le refroidissement des atomes à l'aide de lasers.

    Claude Cohen-Tannoudji. Crédit : ENS

    Claude Cohen-Tannoudji. Crédit : ENS

    Le flambeau de l'optique quantique est ensuite passé dans les mains de Serge Haroche. Né comme Claude Cohen-Tannoudji en Afrique du nord, il passera une thèse sous sa direction en 1967-1971 (une biographie complète peut être trouvée sur le site du CNRS).

    Et pourquoi pas un prix Nobel ?

    Les travaux de Serge Haroche portent sur l'électrodynamique quantiqueélectrodynamique quantique en cavité, un domaine de l'optique quantique dont il est tout à la fois l'un des créateurs et l'un des grands maîtres. Il est devenu mondialement célèbre en 1996 à la suite de la publication d'un article portant sur les expériences effectuées avec ses collègues sur le mécanisme de la décohérence.

    Ce mécanisme avait été proposé il y a des années par le physicien Wojciech Zurek pour résoudre le célèbre paradoxe du chat de Schrödinger.

    Wojciech Zurek. Crédit : LANL
     
    Wojciech Zurek. Crédit : LANL

    Il s'agit d'un problème fondamental de l'interprétation de la mécanique quantique et avec le grand physicien John Wheeler, Zurek y a beaucoup réfléchi.

    De manière générale, les travaux de Serge Haroche sur les interactions photons-atomes dans le cadre de l'électrodynamique quantique en cavité lui ont permis de réaliser plusieurs expériences de pensées proposées par les fondateurs de la mécanique quantique comme Bohr, EinsteinEinstein et Schrödinger. C'est le cas par exemple avec les atomes de Rydbergatomes de Rydberg et la fameuse boîte d’Einstein.

    Comme Claude Cohen-Tannoudji, Serge Haroche s'est illustré par des cours au Collège de France. En plus des questions portant sur la décohérence et la transition entre mécaniques quantique et classique spectaculairement illustrées par le paradoxe du chat de Schrödingerchat de Schrödinger, les cours de Serge Haroche, d'une grande clarté comme on peut s'en rendre compte en suivant son exposé sur la physique quantique sur Canal U, abordent les questions liées à l’information quantique.

    Serge Haroche devant des calculs portant sur la décohérence et le chat de Schrödinger. © CNRS Photothèque/Christophe Lebedinsky

    Serge Haroche devant des calculs portant sur la décohérence et le chat de Schrödinger. © CNRS Photothèque/Christophe Lebedinsky

    Il s'agit d'un domaine récent et très prometteur de la physique quantique résultant des réflexions de Richard FeynmanRichard Feynman et David Deutsch sur les ordinateurs quantiques. Ces derniers, actuellement limités à des prototypes facilement battus par des calculatrices, ne manipulent plus des bits d'informations mais des qubitsqubits. Si l'on parvenait à construire des exemplaires de grande taille, malgré le problème de la décohérence, ces ordinateursordinateurs seraient bien plus puissants que les modèles classiques dont nous disposons.

    Kastler et Cohen Tannoudji ont décroché le prix Nobel de physique presque simultanément avec la médaille d'or du CNRS. A quand un prix Nobel pour Serge Haroche, par exemple avec Alain Aspect, autre médaille d'or du CNRS, bien connu pour ses expériences d'optique quantique sur l'effet EPR ?