Un spaghetti cru placé dans une casserole d’eau bouillante commence par s’affaisser, avant de couler lentement au fond de l’eau où il se recroqueville sur lui-même en formant un U. Deux physiciens ont modélisé le processus de cuisson afin que vous puissiez enfin manger vos pâtes al dente.


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    Si, pour vous, le spaghetti n'est qu'un banal fil de pâte destiné à finir dans une sauce bolognaise, il semble fasciner au plus haut point les scientifiques. Un nombre impressionnant d'études se sont ainsi penchées sur la déformation du spaghetti dans l'eau, l'aspiration de la nouille cuite à travers la bouche, ou même son « recrachement » (connu sous le nom du problème inversé du spaghetti). Mais c'est surtout la manière dont se casse un spaghetti cru qui a retenu l'attention des chercheurs, dont Basile Audoly et Sébastien Neukirch qui ont pour cela obtenu le prix IgNobel en 2006. Plus récemment, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont décrit une astuce pour couper le spaghetti en deux sans qu'il se brise en plusieurs morceaux.

    Nathaniel Goldberg et Oliver O'Reilly, deux physiciensphysiciens de l'université de Californie, à Berkeley, se sont intéressés à une autre question intrigante : pourquoi le spaghetti s'enroule-t-il au fond de la casserole au fur et à mesure qu'il se ramollit, décrivant une forme en U ? Ils se sont donc attelés à décrire un modèle mathématique détaillant le processus de cuisson d'une pâte selon la longueur, le diamètre, la densité et le module d'élasticité.

    Les trois étapes de l’enroulement du spaghetti

    Dans leur article publié le 2 janvier 2020 dans la revue Physical Review E, les deux chercheurs ont simulé la cuisson d'un spaghetti de 1,5 mm de diamètre et 17,5 cm de long en l'hydratant au fur et à mesure pendant deux heures à température ambiante (20 °C). Ils ont ainsi pu décortiquer la déformation du spaghetti et établir un modèle en trois étapes : l'affaissementaffaissement, la courbure et l'enroulement. « Au départ, l'affaissement du spaghetti peut s'expliquer par la gravité », explique Oliver O'Reilly. Mais cela ne suffit pas : si le spaghetti est sorti de l'eau lorsqu'il est encore al dente et placé sur une surface plane, il garde sa courbure même quand il sèche, constate-t-il.

    Au fur et à mesure de son hydratation, le spaghetti se ramollit, s’affaisse, se courbe oui s’enroule sur lui-même. © Oliver O'Reilly, Gifs.com

    Ainsi, « le spaghetti adopte une configuration géométrique de plus en plus complexe au fur et à mesure qu'il absorbe l'eau », relate l'étude. Dans un mode de cuisson normale (lorsque le spaghetti est plongé dan l'eau bouillante), la migration de l'eau vers le cœur du spaghetti n'est pas uniforme. « L'hydratation entraîne un gonflement de la zone périphérique qui augmente le diamètre et la longueur du spaghetti. [...] Avec le temps, les parties les plus extérieures de la zone hydratée, où la concentration en eau est suffisamment élevée, subissent une gélatinisation de l'amidonamidon, un processus chimique responsable des changements de texturetexture, qui entraîne à son tour un gonflement supplémentaire », détaille l'étude.

    Pourquoi il faut cuire les spaghettis à plus de 50 °C

    La gélatinisation ne se produisant qu'à 50 °C, le modèle a été grandement simplifié pour établir les équations mathématiques, admettent les chercheurs, qui ont également fait abstraction d'autres paramètres pouvant entrer en jeu, comme la friction et l'adhérence du spaghetti avec le récipient ou encore l'inertie. De plus, il est rare de cuire un spaghetti tout seul et les interactions entre les pâtes risquent grandement de perturber le modèle prévu. Oliver O'Reilly déconseille d'ailleurs fortement de cuire les spaghettis selon leur méthode, car « c'est justement le processus de gélatinisation qui donne leur saveur et leur texture aux pâtes » -- cependant, qui a envie de passer deux heures à regarder cuire ses nouilles ?

    Ce travail n'aura sans doute pas de conséquence immédiate sur votre quotidien, reconnaît Oliver O'Reilly. « Mais notre modèle pourra être utilisé par les fabricants pour quantifier le bon temps de cuisson des pâtes en tenant compte de ses dimensions et de la température de l'eau ». Le modèle pourrait aussi avoir des implications plus techniques, comme dans l'exploration pétrolière qui requiert des tubes flexibles ou pour étudier la courbure de la tige des plantes.