Des chercheurs ont mis au point une méthode révolutionnaire pour mesurer la gravité, en utilisant des atomes de césium « suspendus » dans un état quantique. On pourrait ainsi fabriquer de petits appareils portatifs, et même tester des théories physiques comme le principe d’équivalence d’Einstein.


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    Des chercheurs de l'université de Berkeley en Californie à viennent de trouver une nouvelle façon de mesurer la gravité : détecter les différences entre deux atomes de césium flottants dans l'air. Traditionnellement, la gravité terrestre est mesurée en observant la vitesse de chute des atomes à l'intérieur de tubes. Malheureusement, ces longs tubes de plusieurs mètres de long sont difficiles à manipuler et des interférencesinterférences telles que des champs magnétiqueschamps magnétiques parasitesparasites peuvent perturber les mesures.

    Un duo d’atomes en état de superposition quantique

    La nouvelle méthode mise au point et décrite dans la revue Science s'affranchit de ces problèmes techniques en figeant les atomes dans une position stable plutôt que de les faire « tomber ». Pour commencer, les chercheurs ont « lancé » un nuagenuage d'atomes de césium et utilisé des laserslasers pour séparer et faire « flotter » chaque atome en état de superposition quantique. Dans cette configuration, chaque atome existe simultanément en deux endroits, une version « planant » quelques micromètresmicromètres au-dessus de l'autre. Cet effet quantique induit aussi que les électronsélectrons se comportent comme une onde stationnaire, à l'instar d'ondes lumineuses. Or, en raison des positions légèrement décalées dans le champ de gravitationgravitation terrestre, l'onde atomique de la version « supérieure » du duo oscille avec un léger décalage de phase par rapport à sa contrepartie inférieure. En mesurant la vitesse à laquelle l'ondulation des deux versions se désynchronise grâce à un interféromètreinterféromètre, les chercheurs peuvent mesurer la gravité terrestre à cet endroit précis.

    En état de superposition quantique, les atomes de césium sont légèrement décalés l’un par rapport à l’autre (points bleus reliés par une bande blanche). En mesurant la différence d’oscillation entre les deux, on peut mesurer la gravité. © Sarah Davis
    En état de superposition quantique, les atomes de césium sont légèrement décalés l’un par rapport à l’autre (points bleus reliés par une bande blanche). En mesurant la différence d’oscillation entre les deux, on peut mesurer la gravité. © Sarah Davis

    Mesurer la gravité en état statique, une technique beaucoup plus fiable

    Cette approche innovante permet de supprimer le « bruit » dû aux interférences environnementales parasites et d'effectuer des mesures dans un laps de temps beaucoup plus long (20 secondes). « Pour obtenir ce laps de temps avec un tube, il faudrait que ce dernier mesure 500 mètres de long », rapporte Victoria Xu, physicienne à l'université de Berkeley en Californie et principale auteure de l'étude. Cela pourrait surtout permettre de construire des appareils portatifs, utilisables pour mesurer l’attraction terrestre en divers endroits ou identifier des dépôts de minérauxminéraux. Il serait aussi possible de mesurer la gravité de très petits objets, comme par exemple une bille en train de tomber.

    Étudier la matière noire et tester la théorie d’équivalence d’Einstein

    Ce « gravimètre atomique » pourrait en outre servir à étudier la matière noirematière noire et tester le principe d’équivalence d'EinsteinEinstein, selon lequel tous les corps tombent de la même manière, c'est-à-dire avec la même accélération, dans un champ de gravité. Une théorie a priori incompatible avec celle de la mécanique quantiquemécanique quantique. « Or, de nombreuses théories candidates à l'unification [des deux cadres] prévoient l'existence de nouveaux champs, dont l'une des manifestations serait une violation du principe d'équivalence. L'observation d'une telle violation est donc l'une des façons les plus simples et les moins coûteuses de mettre ces théories à l'épreuve », atteste Gilles Métris, chercheur au laboratoire Géoazur au CNRS.