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- Découvrez notre dossier sur l'ordinateur quantique
Lorsque qu'Albert EinsteinEinstein, Nathan Rosen et Boris Podolski ont publié en 1935 un article sur le phénomène de l'intrication quantique, dont ils furent parmi les premiers à comprendre le caractère paradoxal, ils ne pouvaient se douter que ce travail finirait par lancer l'humanité dans la course aux ordinateurs quantiques. Les ordinateurs classiques étaient encore dans l'enfance car l'un de leurs pères, Alan Turing, venait tout juste de devenir chercheur en poste à Cambridge cette année-là.
Il faudra attendre le début des années 1980 pour qu'Alain Aspect et ses collègues réalisent leur célèbre expérience sur l'effet EPR montrant que l'intrication quantique était bien réelle car violant une célèbre inégalité pour des résultats de mesure, obtenue en 1964 par John BellJohn Bell. C'est aussi au début des années 1980 que des pionniers comme Richard Feynman vont commencer à proposer le concept d'ordinateur quantique et le développer.
Des qubits sur des noyaux de carbone
Au lieu de manipuler des bits d'information, ces ordinateurs mettent à profit le principe de superposition des états de la théorie quantique. À notre échelle ce principe autoriserait une personne ou un objet à être simultanément présent à deux endroits à la fois. Dans le monde des atomes et des particules élémentaires, il permet l'existence de qubits d'information. Plusieurs de ces qubits intriqués permettraient alors de faire des sortes de calculs en parallèle, parfois bien plus rapidement que des ordinateurs classiques, ou bien de simuler directement des systèmes quantiques comme des moléculesmolécules organiques compliquées.
Malheureusement, pour surpasser les ordinateurs classiques, il faut disposer d'un grand nombre de qubits demeurant intriqués. Ceci n'est possible que si l'on sait contourner l'obstacle de la décohérence quantique dont l'existence a été bien mise en évidence expérimentalement par les travaux du prix Nobel de physiquephysique Serge Haroche.
Sur cette image d'artiste sont représentés deux spins de noyaux de carbone (flèches jaunes) dans un diamant artificiel. Les états de spin de ces noyaux sont intriqués, ce que l'on indique par le ruban bleu les enlaçant symboliquement. © 2012 TU Delft
On sait produire des qubits de différentes façons. Souvent, il s'agit d'état de spinspin de photonsphotons ou d'électronsélectrons mais il est aussi possible d'en fabriquer avec le spin de noyaux d'atomes ou des jonctions Josephson. Pour réaliser des ordinateurs quantiques puissants, il faudrait construire des systèmes physiques portant un grand nombre de qubits dans un état d'intrication aussi facilement que des puces au siliciumsilicium. Ces systèmes doivent protéger les fragiles qubits intriqués du bruit de l'environnement et de ses perturbations. Souvent, cela implique de refroidir les systèmes à très basses températures.
Il se trouve que les qubits portés par les moments cinétiquesmoments cinétiques des noyaux de carbonecarbone dans du diamantdiamant ont la propriété de plutôt bien résister à la décohérence. On cherche donc depuis des années à manipuler et intriquer des qubits dans des diamants.
Un test de la mécanique quantique avec du diamant
Un groupe de chercheurs de la Delft University of Technology et de la Fom Foundation vient de publier à ce sujet dans Nature un article intéressant. Les chercheurs y annoncent avoir réussi à intriquer 2 qubits dans un diamant produit artificiellement. Ce diamant très pur a été obtenu par la méthode de dépôt chimique en phase vapeur (ou CVD pour l'anglais chemical vapor deposition)), une technique de dépôt sous vide de films minces à partir de précurseurs gazeux. Cette grande pureté a permis de particulièrement bien protéger de la décohérence ces 2 qubits intriqués.
D'ordinaire, du fait des faibles interactions entre les atomes de carbone du diamant lors des expériences avec des qubits individuels (ce qui est un atout pour lutter contre la décohérence), l'intrication est difficile à mettre en œuvre. Mais en mesurant une grandeur physique commune à deux noyaux plutôt que possédée individuellement par ceux-ci, les chercheurs ont produit leur intrication.
Cela leur a permis de réaliser une première : tester la mécanique quantique à l'aide d'une inégalité de Bell dans un solidesolide à l'aide de spins de noyaux. En 1982, Alain AspectAlain Aspect et ses collègues l'avaient fait avec les spins de paires de photons polarisés. Avec cette nouvelle technique d'intrication dans un solide, les chercheurs travaillent maintenant à la réalisation de diverses manipulations du domaine de l'information quantique, comme la téléportation.