Un smartphone qui plante. Un écran d’ordinateur qui vire au bleu. C’est très agaçant. Mais le fabricant n’est pas toujours à blâmer. C’est en tout cas ce que suggère une étude consacrée aux effets des rayons cosmiques sur nos appareils électroniques. Elle conclut que la miniaturisation et surtout, la multiplication des transistors nécessaires à leur bon fonctionnement, les rendent plus vulnérables aux particules subatomiques venues de l’espace.

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    Lorsqu'un bugbug survient, ce n'est jamais le bon moment. Le reboot ou le reset prennent alors toujours un temps que nous n'avions pas. Sans parler des données éventuellement perdues durant l'opération. Il est alors tellement facile d'accuser le fabricant, qu'il s'agisse de MicrosoftMicrosoft, d'AppleApple ou de SamsungSamsung. Mais, selon une étude menée par des spécialistes américains des effets des radiations sur les systèmes électroniques de l'université de Vanderbilt, un certain nombre de ces défaillances intempestives pourraient en réalité résulter d'impact de particules électriquement chargées générées par des rayons cosmiques.

    Rappelons que la Terre est constamment bombardée de particules en provenance de l'espace. Des rayons dits cosmiques aux origines et aux énergies très diverses. Lorsqu'ils frappent l'atmosphère terrestre, ils génèrent une cascade de particules secondaires : neutrons énergétiques, muons, pions ou encore particules alpha. Chaque seconde, ces particules subatomiques sont des millions à frapper notre corps. Heureusement sans conséquence fâcheuse pour notre santé, dans l'état actuel des connaissances.

    En revanche, nos smartphones, et plus généralement tous les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement, semblent plus sensibles à ces bombardements. Car certaines de ces particules subatomiques transportent suffisamment d'énergie pour interférer avec le fonctionnement de leurs circuits microélectroniques. En modifiant, par exemple, les bits individuels de données stockés dans les mémoires. On parle alors de basculement intempestif non récurrent (single-event upset, ou SEU, en anglais).

    Sur ce graphique, la tendance générale des taux d’échec (failure rates) dus à des SEU en fonction des générations de transistors (28 nm, 20 nm et 16 nm), en rouge, à celle du circuit (en bleu) et à celle du système électronique (en noir). © Bharat Bhuva, Vanderbilt University

    Sur ce graphique, la tendance générale des taux d’échec (failure rates) dus à des SEU en fonction des générations de transistors (28 nm, 20 nm et 16 nm), en rouge, à celle du circuit (en bleu) et à celle du système électronique (en noir). © Bharat Bhuva, Vanderbilt University

    Les rayons cosmiques pointés du doigt

    La difficulté d'analyse vient ce que les rayons cosmiques ne causent aucun dommage physique aux appareils électroniques. De fait, il est difficile de déterminer la prévalenceprévalence des SEU. La modification d'un bit individuel peut, en effet, également résulter d'un bug logiciel ou d'un défaut matériel. Cependant, la littérature rapporte quelques exemples inquiétants. Ainsi, en 2008, un SEU a provoqué le désengagement du pilotage automatique d'un avion de ligne volant de Singapour à Perth (Australie). Résultat, l'avion a plongé de 690 pieds en seulement 23 secondes, blessant environ un tiers des passagers assez sérieusement.

    Dans une étude menée en 2004 par un fabricant de semi-conducteurssemi-conducteurs américain, Cypress Semiconductor, un téléphone portable de l'époque, jouissant de 500 Ko de mémoire, ne devrait potentiellement pas subir plus d'un SEU tous les 28 ans. Pas de quoi s'affoler ! Mais avec la miniaturisation des transistors et la montée en puissance de leurs capacités, le problème pourrait être en passe de franchir un palier. D'autant que notre dépendance à l'électronique se fait de plus en plus prégnante.

    Les appareils électroniques grand public resteront longtemps vulnérables

    Pour en avoir le cœur net, des chercheurs de l'université de Vanderbilt aux États-Unis ont mené une étude sur des composants plus récents. Ils ont exposé des transistors de 28 nanomètresnanomètres, 20 nanomètres et des transistors 3D de 16 nanomètres (technologie FinFET) à un faisceau de neutrons pour ensuite mesurer le nombre de SEU qu'ils ont subis. Résultat : plus ils sont petits, moins le nombre de charges électriques nécessaires à la constitution d'un bit est important et plus la probabilité de basculement augmente. Cependant, les transistors les plus petits offrent moins de surface d'impact et sont donc moins sujets à subir des SEU. Un phénomène encore amplifié par l'architecture 3D de la technologie FinFET.

    Bonne nouvelle, donc ? Pas tant que cela. Car dans le même temps, le nombre de transistors dans une puce a explosé. Ainsi, si l'on considère une puce électronique, le taux d'échec n'a que très peu diminué avec l'évolution des technologies. Pire encore, à l'échelle du système électronique dans sa globalité, le taux d'échec augmente bel et bien.

    Pour protéger nos circuits électroniques des impacts des rayons cosmiques, il faudrait les enfermer derrière d'épais mursmurs de bétonbéton. Inenvisageable ! Heureusement, si l'électronique grand public devait encore rester vulnérable pour quelques années, au moins, les systèmes les plus sensibles peuvent déjà bénéficier de quelques parades. Ainsi les processeurs peuvent être doublés -- voire triplés -- pour assurer une meilleure fiabilité. En effet, la probabilité d'occurrence d'un SEU simultané dans deux circuits distincts est infiniment faible. Alors si deux circuits produisent un résultat identique, on peut le supposer correct.