Au milieu d'un orage, en même temps que les éclairs, le nuage émet parfois des bouffées de rayons gamma, extrêmement brèves. Le phénomène est connu et expliqué. De façon surprenante, ces rayons gamma peuvent être aussi produits par les orages mais sans éclairs. Un groupe de scientifiques japonais vient de trouver une explication : les nuages accélèrent les particules.

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    Dans son cours de licence sur l'électromagnétisme, le célèbre physicienphysicien Richard FeynmanRichard Feynman consacre un chapitre entier à la physique de la foudre. Comme à son habitude, il s'agissait de montrer que la physique est un tout, des particules élémentaires à la formation des étoiles en passant par la physique des semi-conducteurs, et que la Nature ignore les divisions inventées par les humains à cause de la faiblesse de leur esprit.

    Depuis longtemps, les géophysiciens externes, ceux qui s'occupent de la physique de l'atmosphèreatmosphère ou de la magnétosphèremagnétosphère, avaient noté que des rayons gammarayons gamma étaient produits à l'occasion d'éclairséclairs. Le mécanisme de leur génération est assez bien compris mais des bouffées plus longues sont aussi observées lors d'orageorage, sans relation avec un éclair.

    Les théoriciens étaient un peu perplexes, même si des processus proposés par le prix Nobel CTR Wilson en 1925 pouvaient peut-être fournir une explication valable. Mais les preuves observationnelles manquaient.

    En 2007, Harafumi Tsuchiya et ses collègues du Cosmic Ray Laboratory, de l'institut de recherche Riken au Japon, avaient disposé en bord de mer, dans une centrale nucléairecentrale nucléaire, une batterie de détecteurs capables de déterminer l'énergieénergie et la répartition dans l'espace d'une bouffée de rayons gamma. Ordinairement, les plus fréquentes ne durent qu'une milliseconde et les rayons gamma émis ont des énergies comprises entre 10 et 20 MeV. Les chercheurs ont cependant détecté des bouffées pouvant durer 40 secondes qui se produisaient avant l'occurrence d'un éclair.

    L'analyse du spectrespectre en énergie et en direction des rayons gamma indiquait qu'il s'agissait d'un rayonnement de type Bremsstrahlung. Cette expression allemande désigne le rayonnement émis par des électronsélectrons se déplaçant presque à la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière et qui sont freinés par leur passage à proximité des noyaux des atomesatomes. Les observations démontraient aussi que l'origine de l'émissionémission gamma ne devait se trouver qu'à un kilomètre au plus des détecteurs, sans quoi l'atmosphère aurait complètement absorbé ce rayonnement.

    Quand un rayon cosmique rencontre un cumulonimbus...

    Vraisemblablement, l'énergie libérée par un éclair doit créer une grande différence de potentiel à l'intérieur d'un nuagenuage (des millions de voltsvolts) et le champ électriquechamp électrique particulièrement intense qui en résulte accélère des électrons jusqu'à des vitesses proches de celle de la lumière.

    Vraisemblablement aussi, les électrons initialement accélérés doivent provenir des rayons cosmiquesrayons cosmiques tombant sur Terre et donc être dotés d'une vitesse importante.

    Afin de tester cette théorie, les physiciens sont partis en altitude au sommet d'une montagne japonaise culminant à 2.700 m. Il ont alors pu détecter aussi bien les photonsphotons gamma que les électrons d'origine cosmique associés à une bouffée gamma longue.

    Remarquablement, le processus théorisé par Wilson en 1925 semble bel et bien opérer. Des électrons issus du cosmoscosmos entrent en collision avec des atomes de l'atmosphère et engendrent des électrons secondaires qui sont accélérés par des champs électriques intenses à l'intérieur de nuages orageux. Ces électrons à leur tour produisent d'autres électrons et un processus d'avalancheavalanche se déclenche, jusqu'à la production d'un paquetpaquet d'électrons relativistes subissant le processus de Bremsstrahlung.

    La compréhension du mécanisme d'émission des bouffées gamma devrait apporter des lumières supplémentaires sur l'origine des éclairs et des orages dont bien des aspects sont encore mal compris.