Les diamants naturels se forment à 200 kilomètres sous terre à des pressions et températures extrêmes. Des chercheurs australiens sont parvenus à synthétiser deux formes de diamant sans chauffage, grâce à des forces de cisaillement semblables à celles qui s’observent lors des impacts de météorites. Une voie vers la production industrielle de diamants industriels à bas coût.


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    « Notre expérience ressemble un peu à celle de Superman qui écrase le charbon dans sa main pour le transformer en diamant », sourit Jodie Bradby, professeur de physique et d'ingénierie à  l'Université nationale australienne (ANU). Son équipe a réussi l'exploit de créer des diamants plus vrais que nature en quelques minutes et à température ambiante.

    À l'état naturel, le diamant est un minéralminéral formé à 200 kilomètres sous terre dans des conditions extrêmes, à des températures de l'ordre de 1.300 °C à 1.400 °C et des pressions de l'ordre de 75 tonnes par cm2. Les diamants de synthèse tentent depuis les années 1950 de reproduire ce processus en laboratoire. Une première méthode consiste à appliquer de très hautes températures et pressions (jusqu'à 50.000 fois la pression atmosphériquepression atmosphérique et 1.500 °C) à un mélange de carbone. La deuxième voie de synthèse est le dépôt chimique en phase vapeur (CVD), où la croissance s'opère couche après couche à partir d'un substrat en silicesilice ou en diamant. Dans les deux cas, les températures requises sont de plusieurs centaines de degrés et le processus est long et laborieux : il faut plusieurs semaines pour fabriquer un petit lot de diamants de synthèse.

    Les chercheurs ont obtenu une « rivière de diamant » au milieu de la lonsdaléite. © RMIT
    Les chercheurs ont obtenu une « rivière de diamant » au milieu de la lonsdaléite. © RMIT

    La lonsdaléite, 58 % plus dure que le diamant

    Les chercheurs de l'ANU sont parvenus à créer deux types de diamants : des pierres de joaillerie classique, où les atomesatomes de carbone sont disposés en structure cristalline cubique, et des diamants appelés lonsdaléite, où les atomes sont disposés en réseau hexagonal, ce qui les rend 58 % plus durs que les diamants traditionnels. Cette forme extrêmement rare de diamant a été découverte en 1967 dans un cratère de météoritemétéorite. L'équipe de Jodie Bradby était déjà parvenue en 2016 à créer de la lonsdaléite en laboratoire en utilisant une enclume à diamant pour compresser du carbone amorpheamorphe à 400 °C, soit la moitié de la température précédemment requise. C'est donc une nouvelle étape qui a été franchie aujourd'hui, décrite dans la revue Small, où les diamants on pu être obtenus à température ambiante.

    Le saviez-vous ?

    Des nanodiamants peuvent aussi être obtenus à partir de carbone trempé ou carbone Q, une forme cristalline du carbone découverte en 2015. Le carbone Q s’obtient en chauffant et refroidissant rapidement une mince couche de carbone amorphe déposée sur un substrat (saphir, polymère, etc.). Un laser chauffe l’échantillon à 4.000 K en quelques centaines de nanosecondes, ce qui fait entrer la couche superficielle du substrat en surfusion. En refroidissant, les atomes s’arrangent de manière uniforme dans l’espace. On peut alors obtenir une cristallisation sous forme cubique et fabriquer des nanodiamants.

    Forces de cisaillement

    Pour mettre au point leur technique, les chercheurs se sont inspirés de la façon dont les diamants se forment lors d'impacts de météorite. En plus d'être exposé à de fortes températures et pression, le graphitegraphite y est soumis à des forces de cisaillement. « On peut prendre l'image d'un jeu de cartes, où le dessus serait tiré vers la droite tandis que le dessous serait tiré vers la gauche. Cela oblige le tas de cartes à glisser et les cartes à s'étaler. C'est pourquoi les forces de cisaillement sont également appelées forces de glissement, explique Jodie Bradby. Nous avons reproduit ce phénomène en soumettant un petit morceau de graphite à la fois à une pression et à des forces de cisaillement extrêmes. Nous avons obtenu une disposition encore jamais observée auparavant, avec une "rivière" de diamant deux fois plus fine qu'un cheveu humain entourée d'une "mer" de lonsdaléite ».

    L’équivalent de 640 éléphants d’Afrique sur la pointe d’une chaussure de danse

    Pour le moment, la pression exigée est encore colossale : environ 80 gigapascals, l'équivalent de « 640 éléphants d'Afrique sur la pointe d'une chaussure de danse » ! Mais les chercheurs ont bon espoir de réduire cette pression, ce qui donnerait de très bonnes applicationsapplications dans le domaine industriel. En raison de sa duretédureté, la lonsdaléite pourrait par exemple être utilisée pour revêtir les forets et les lames d'outils de découpe, ou pour améliorer la résistante de certains matériaux. Le prix des diamants de synthèse est déjà inférieur de 10 à 50 % par rapport aux diamants naturels. Mais le défi reste de les fabriquer vite et en grande quantité. Le cap est peut-être en train d'être franchi.