En utilisant des techniques d'analyse à l'échelle du nanomètre et des quantités de matériaux très faibles – trop faibles théoriquement pour provoquer une détonation - , des chercheurs viennent de réaliser des bombes miniatures expérimentales pour mieux comprendre les phénomènes explosifs.

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    La pointe du capteur du microscope AFM

    La pointe du capteur du microscope AFM

    C'est en travaillant avec un microscope à force atomique (AFM) que des physiciensphysiciens du Georgia Institute of Technology et de l'université Texas Tech, ont pu développer une nouvelle façon d'étudier les explosions de taille nanométrique (1 nm = 10-9 m). L'AFM est basé sur la mesure des forces entre un fin stylet (la pointe du capteurcapteur du microscope) et la surface étudiée. Les forces d'interaction modifient la déflection ou la torsion statique ou oscillante du stylet. Une technique d'analyse de surfaces qui, selon William King, professeur assistant à Georgia Tech, « fournit de nouvelles informations sur les phénomènes de mélanges, d'évaporation et de « décomposition » - ndlr : explosion - aux plus petites échelles ». (1)

    La science des explosifs cherche à concevoir des « matériaux énergétiques » dotés de réponses spécifiques, pour une température donnée et en produisant tel ou tel taux de combustion, afin de contrôler totalement l'explosion. Et ce autant à des fins civiles que militaires.

    400 zeptogrammes de penthrite

    Le capteur de l'AFM utilisé se trouve être la source de chaleur contrôlée la plus petite au monde, capable de provoquer des montées en température sur des zones de seulement quelques nanomètres de diamètre. Fabriqué à base de siliciumsilicium, le capteur renferme une résistancerésistance pouvant produire 1000 degrés Celsiusdegrés Celsius.

    Les chercheurs ont pu réaliser l'analyse thermique à l'échelle de la « nano-explosion » à l'aide de films minces d'un matériaumatériau énergétique polycristallin appelé PETN (pentaerythritol tetranitrate, C5H8N4O12), un explosif plus connu sous le nom de penthrite. Ultra puissant, employé notamment dans l'armement, il a été utilisé ici en très petite quantité : environ 400 zeptogrammes - sachant que 1 zg = 10-24 kgkg - soit un millième du minimum nécessaire pour provoquer une explosion au sens classique du terme.

    Echantillon d'explosif PETN

    Echantillon d'explosif PETN

    L'équipe de King a mélangé, évaporé et fait exploser le PETN sur des volumesvolumes correspondant à des dimensions allant de 100 nm à quelques μm (micronsmicrons). En faisant varier la température lorsque le stylet balaye le film, les scientifiques ont pu cartographier tous les paramètres du mélange, de l'évaporation et de la décomposition, et en observer les effets. Cela ouvre la voie à des modèles physiquesmodèles physiques du comportement de ces matériaux, alors que jusqu'ici on devait se contenter de leur appliquer empiriquement les résultats connus à plus grande échelle.

    Le contrôle de la morphologiemorphologie des matériaux énergétiques nanométriques et la mesure de leurs propriétés est une avancée. Un exemple : les vides résidant entre les cristaux qui composent un explosif sont supposés jouer un rôle majeur dans l'explosion. S'ils sont soumis à certains stimuli, ce sont ces espaces vides qui, devenant des zones très chaudes, se comportent comme autant de minuscules détonateurs montant en température, en taille et en pressionpression pour mener à la détonation de l'ensemble. Or la formation de ces vides n'est pas directement contrôlée lors de la phase de synthèse. D'où l'intérêt d'une meilleure connaissance des explosions nanométriques pour concevoir et fabriquer de meilleurs explosifs. Cela permettra aussi de trouver des applicationsapplications en dehors du champ militaire.

    L'autre intérêt est de comprendre pourquoi et comment les explosifs se dégradent dans le temps, les cristaux changeant de dimension ce qui modifie les propriétés en réduisant leur efficacité.

    (1) "Nanoscale Thermal Analysis of an Energetic Material", William P. King, Shubham Saxena, Brent A. Nelson, Brandon L. Weeks, and Rajasekar Pitchimani, Nano Lett.; 2006; 6(9) pp 2145 - 2149