Alors que l'on ne pensait pas cela possible, le microphone de l'ISAE-Supaéro installé dans SuperCam a enregistré les sons de l'hélicoptère Ingenuity volant dans le ciel de Mars. Les explications de Naomi Murdoch, chercheuse à l’ISAE-Supaéro et de David Mimoun, responsable scientifique du microphone. 

 


au sommaire


    Le microphone de l’ISAE-Supaéro, intégré dans l'instrument français Supercam, a enregistré le son du 4e vol d'IngenuityIngenuity ! Une performance remarquable qui n'était pas du tout acquise. En effet, comme l'hélicoptère se situe à une distance de sécurité de plusieurs dizaines de mètres de PerseverancePerseverance, il n'était pas certain que le microphone entende quoi que ce soit.

     

    Le microphone intégré dans l’instrument français Supercam a enregistré le son du vol d'Ingenuity lors de son quatrième vol. L'hélicoptère martien était alors situé à 80 mètres du rover (il est préférable d'écouter avec un casque de bonne qualité car Mars ne transmet pas bien les sons aigus). © Nasa/JPL/LANL/Cnes/CNRS/ISAE-Supaero

    Les sons du quatrième vol de l'hélicoptère capturés

    Lors de ce quatrième vol, Ingenuity, dont la mission a été prolongée de 30 jours, était situé à 80 mètres du rover. Le petit hélicoptère s'est élevé à cinq mètres au-dessus du sol avant de parcourir une distance de 133 mètres pour ensuite revenir atterrir à l'endroit d'où il a décollé. Lors de ce vol, le microphone scientifique de SuperCam, développé par l'ISAE-Supaéro, a enregistré le son émis par la rotation des pales d'Ingenuity. Comme le précise l'équipe du microphone, ce son « possède une fréquence caractéristique de 84 HzHz ; elle équivaut au « mi » grave d'un piano ou à la voix de basse d'un être humain ».

    Voir aussi

    À l'écoute des vents martiens, avec Naomi Murdoch

    « C'est une grande surprise pour toute l'équipe scientifique ! », affirme Naomi Murdoch, chercheuse à l'ISAE-Supaéro en charge des données micro. Les tests « effectués dans une chambre martienne pour concevoir cet instrument, ainsi que nos théories de la propagation du son nous indiquaient que le micro capterait très difficilement les sons de l'hélicoptère ».

    Cet enregistrement se révèle une mine d’or pour notre compréhension de l’atmosphère martienne

    En effet, l'atmosphèreatmosphère de Mars, très peu dense« atténue fortement la transmission des sons, de sorte qu'il nous fallait un peu de chance pour enregistrer l'hélicoptère à une telle distance. Nous sommes donc très satisfaits d'avoir réussi à obtenir cet enregistrement qui se révèle une mine d'or pour notre compréhension de l'atmosphère martienne ».

    Interprétation graphique de l’enregistrement du son lors du quatrième vol d'Ingenuity (30 avril 2021). © Cnes, ISAE-Supaéro
    Interprétation graphique de l’enregistrement du son lors du quatrième vol d'Ingenuity (30 avril 2021). © Cnes, ISAE-Supaéro

    La parole à David Mimoun, responsable scientifique du microphone de SuperCam et également professeur à l'ISAE-Supaéro :

    Futura : Techniquement, la performance d’enregistrer les sons d’Ingenuity volant est-elle incroyable ?

    David Mimoun : Oui, c'est une performance incroyable. On pensait être en limite de sensibilité, avec une grosse atténuation par l'atmosphère, mais nous avons été chanceux, ou bien nos modèles étaient pessimistes... Il faut dire que les modèles de propagation du son sur Mars sont préliminaires.

    Futura : Enlever les bruits parasites a-t-il été compliqué ?

    David Mimoun : On a un peu amplifié la bande fréquence d'Ingenuity (monté les basses), surtout pour les distinguer des rafales de ventvent. Il n'y a toutefois pas de traitement du signal compliqué.

    Futura : Il est, par exemple, prévu notamment d’écouter les opérations du bras robotique et du mât, le roulage sur sol normal ou accidenté, ou encore le suivi du fonctionnement des pompes de l'instrument Moxie. Mais, d’autres tentatives d'enregistrer des sons qui n’étaient pas prévues sont-elles envisagées ?

    David Mimoun : On a pas mal travaillé pour convaincre nos collègues du JPLJPL de tenter l'enregistrement du vol d'Ingenuity. Je pense que nous pourrons utiliser plus souvent le microphone maintenant que nous avons montré ses capacités. Les opérations avec Moxie sont déjà prévues, mais cela va renforcer l'intérêt du micro auprès des collègues. Mais, à l'ISAE-Supaéro, nous nous focalisons surtout sur la science atmosphérique martienne, sur laquelle nous avons une expertise forte depuis Insight.

    Le saviez-vous ?

    Développé conjointement par l’ISAE-Supaéro et l’Irap et soutenu par le Cnes, le microphone scientifique de SuperCam est dérivé d’un modèle grand public adapté pour résister à l’environnement martien. Il poursuit trois objectifs scientifiques et techniques substantiels de la mission Mars 2020 :

    • l’étude du son associé aux impacts laser sur les roches martiennes pour mieux connaître leurs propriétés mécaniques ;
    • l’amélioration de la connaissance des phénomènes atmosphériques (turbulence du vent, tourbillons de poussière, interactions du vent avec le rover et désormais, avec l’hélicoptère) ;
    • la compréhension de la signature sonore des différents mouvements du rover (opérations du bras robotique et du mât, roulage sur sol normal ou accidenté).