Il y a quelques semaines, la Nasa et le Cnes ont rendu publics les sons enregistrés par le microphone français installé sur SuperCam. Et la qualité sonore offerte est remarquable, inédite depuis la surface de Mars. Mieux encore, ce microphone ouvre une nouvelle fenêtre scientifique qui va permettre d’étudier l’atmosphère martienne sous un angle prometteur. Les explications de Naomi Murdoch, chercheur à l’Isae-Supaéro en charge de l’analyse des sons martiens.


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    Avec le microphone français installé sur SuperCam, réalisé par l'Isae-Supaéro, il est aujourd'hui possible d'entendre les vrais sons de la surface martienne. Mais si écouter le rover rouler sur Mars, le laser du SuperCam contre les roches martiennes ou le ventvent soufflant peut apparaître ludique, pour les scientifiques il n'en est rien. « Bien au contraire », comme nous explique Naomi Murdoch, chercheur à l'Isae-Supaéro en charge des données du microphone.

    Il y a de « réels intérêts techniques et scientifiques à entendre les sons sur Mars », tient-elle à préciser. Intérêts techniques, parce que les enregistrements des sons du rover permettront de mieux comprendre la signature sonore de ses différents mouvements, et donc nous renseigner sur son état de santé mécanique, comme les opérations du bras robotiquerobotique et du mât, le roulage sur sol normal ou accidenté, ou encore le suivi du fonctionnement des pompes de l'instrument Moxie, qui est une expérience de production d'oxygène in situ.

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    Mais aussi d'un point de vue scientifique. Cette nouvelle science, l'étude des sons ne va certes pas révolutionner la connaissance de la planète mais « l'améliorer dans de nombreux domaines, en particulier pour l'atmosphère martienne ». Son équipe s'attend donc à des avancées dans la connaissance des phénomènes atmosphériques de surface. Ainsi, à partir des sons du vent il est possible de déduire de nombreux paramètres dont la « vitesse du vent et sa direction mais aussi obtenir des informations sur sa turbulenceturbulence et éventuellement les tourbillonstourbillons de poussière (les fameux dust-devils) ou les interactions du vent avec le rover par exemple ».

    Pour l'heure, l'équipe du microphone calibre l'instrument utilisant les données du MEDA, la station météorologique du rover, une nécessité pour obtenir des « mesures absolues et non pas relatives comme c'est le cas aujourd'hui ». Pour cela, l'équipe, qui ne peut « évidemment pas se baser sur une quelconque expérience martienne précédente », s'appuie sur des essais réalisés dans une soufflerie « martienne » au Danemark, située à Aarhus, qui a « permis de tester le micro dans des conditions aussi proches que possible de l'environnement martien avec une pressionpression à 6 millibars ».

    Le saviez-vous ?

    L'ambiance sonore de Mars est différente de celle de la Terre. Les sons s'atténuent très rapidement. Les conditions atmosphériques (pression, température, composition), similaires à celles régnant à une altitude de 50 kilomètres sur Terre, sont défavorables à la propagation acoustique. De plus, le dioxyde de carbone, qui constitue l'essentiel de l'atmosphère martienne, absorbe bien plus les fréquences acoustiques que les infrasons, par exemple. Les sons enregistrés ressembleront à des sons terrestres mais assourdis car les hautes fréquences se propagent moins bien. Dans ce contexte, un son de 50 décibels sera complètement atténué dès 20 à 30 mètres de distance, et un signal aigu, de 20 kilohertz, en seulement un mètre ou deux.

    Ces essais au sol ont démontré que les sons enregistrés dans « les basses fréquencesfréquences (100-500 HzHz) permettraient d'estimer la vitesse du vent en écoutant ses fluctuations, et que dans les fréquences les plus hautes (> 500 Hz) nous serons en mesure de déterminer aussi sa direction ».

    Le microphone de l’Isae-Supaéro installé sur SuperCam. © Nasa, JPL-Caltech
    Le microphone de l’Isae-Supaéro installé sur SuperCam. © Nasa, JPL-Caltech

    Pas de mesures précises pendant la calibration du microphone

    Concernant les premiers sons du vent, sans la calibration in situ, il « n'est pas possible d'estimer une vitesse absolue ». Cependant, « nous avons déterminé que la vitesse des rafales était jusqu'à 10 fois plus élevée par rapport au vent de fond et qu'elles duraient quelques secondes, jusqu'à cinq ou six secondes pour les rafales les plus longues ».

    Les sons martiens sont aussi utiles pour comprendre ce qu'il se passe au niveau « des turbulences dans l'atmosphèreatmosphère qui se manifestent par les vortexvortex convectifs, les rafales de vent et les fluctuations de pression ».

    L'étude de ces turbulences donne des informations sur la partie basse de l'atmosphère, la couche limite, qui influe sur le climatclimat de la planète. Parce que les mesures du microphone SuperCam sont à une fréquence plus élevée que tout autre instrument météorologique, l'équipe du micro s'attend à ce que « ces données ouvrent une fenêtrefenêtre sur des régimes de la science atmosphérique martienne inexplorés jusqu'à présent ».