À partir des données recueillies par la mission Soho, une équipe franco-russe a calculé que l'atmosphère s'étendait jusqu'à 630.000 kilomètres au-delà de la Terre ! Elle engloberait donc la Lune. Jean-Loup Bertaux, directeur de recherche émérite au CNRS et ancien responsable du photomètre qui a acquis les données en question, nous explique cette découverte plutôt surprenante.


au sommaire


    Alors que la frontière de l'espace a été arbitrairement fixée à 80 et 100 kilomètres d'altitude, une équipe internationale comprenant deux chercheurs du CNRS, vient de découvrir que notre atmosphèreatmosphère s'étend ainsi jusqu'à 630.000 kilomètres, presque deux fois plus loin que la Lune, soit six mille fois plus loin que la limite supposée jusqu'ici ! Les données enregistrées par le photomètre Swan, à bord de l'observatoire spatial Soho du Soleil, il y a près de vingt ans (entre 1996 et 1998) ont permis à l'équipe franco-russe dirigée par Jean-Loup Bertaux, directeur de recherche émérite au CNRS, de calculer que la géocouronne s'étendait jusqu'à deux fois la distance Terre-Lune. L'étude vient d'être publiée dans la revue Journal of Geophysical Research.

    Le saviez-vous ?

    Fixée à 100 kilomètres d'altitude, la ligne de Kármán est reconnue par la Fédération aéronautique internationale (FAI). La deuxième frontière arbitraire est située 20 kilomètres plus bas (80 km d'altitude). Elle est reconnue par la Nasa et l'U.S. Air Force.

    Une découverte plutôt surprenante qui signifie aussi que l'atmosphère de « la Terre est bien plus large que le mince anneau bleu qui entoure notre planète vue de l'espace » tient à souligner Jean-Loup Bertaux, ancien responsable du photomètre Swan. Au-delà de ce cercle, elle se « poursuit jusqu'à se "fondre" dans l'espace, se finissant en un vaste nuagenuage d'atomes d'hydrogène que l'on nomme géocouronne », nous explique le scientifique également chercheur émérite du Laboratoire atmosphère, milieux, observations spatiales (Latmos). 

    La Terre et sa géocouronne d'hydrogène observées dans l'ultraviolet. Le cliché a été pris depuis la Lune par les astronautes d'Apollo 16, en 1972. © Nasa
    La Terre et sa géocouronne d'hydrogène observées dans l'ultraviolet. Le cliché a été pris depuis la Lune par les astronautes d'Apollo 16, en 1972. © Nasa

    Cela dit, à cette distance, l'atmosphère n'a plus rien à voir avec celle qui nous permet de vivre sur Terre. En réalité, l'atmosphère terrestre devient très vite extrêmement ténue : « À 60.000km, elle n'est déjà plus composée que de 70 atomes par centimètre cube... et à mi-chemin, au niveau de la Lune, seulement 0,2 atome par centimètre cube ». Autant dire le vide... ou presque. N'imaginez donc pas pouvoir respirer de l'airair à la surface de la Lune !

    Une géocouronne qui n'empêchera pas le bon déroulement des activités humaines à proximité et sur la Lune

    Mais, il faut savoir que ces particules, essentiellement des atomes d'hydrogène, ne représente aucune menace pour les vols habitésvols habités à destination de la Lune, ni pour les astronautesastronautes à bord de l'avant-poste lunaire qui sera construit à proximité de la Lune à l'horizon 2025. Quant à ceux qui seront en activité sur le sol lunaire, le risque est également marginal. Ils auront surtout à se soucier du Soleil, la principale source de rayonnement qui pourrait les affecter.

    La géocouronne de la Terre observée par Soho et l'instrument Swan (l'illustration n'est pas à l'échelle). © ESA
    La géocouronne de la Terre observée par Soho et l'instrument Swan (l'illustration n'est pas à l'échelle). © ESA

    En revanche, cette découverte est «  un pas de plus vers un affinage des mesures » et pourrait servir à « corriger les erreurs d'observation du ciel dans l'ultravioletultraviolet ». En effet, les atomes d'hydrogène émettent un rayonnement ultraviolet qui pourrait parasiter les futures observations astronomiques conduites dans la géocouronne.  Que ce soit sur la Lune ou dans son voisinage, « les télescopestélescopes spatiaux étudiant la composition chimique des étoilesétoiles et des galaxiesgalaxies devraient tenir compte de ces interférencesinterférences ». 

    Enfin, cette découverte a aussi un côté ludique. En plus de savoir aujourd'hui que la Lune évolue dans la géocouronne, il est amusant de penser que les « astronautes d'ApolloApollo à la surface de la Lune ne savaient pas qu'ils baignaient dans l'atmosphère de la Terre ! »