Si les circonstances de la formation de la Lune sont désormais plutôt bien définies, la façon dont notre satellite naturel a évolué thermiquement durant les premiers stades de son histoire est encore très mal contrainte. En se basant sur de nouvelles analyses d’un échantillon lunaire, une équipe suggère que la Lune se serait refroidie bien plus rapidement qu’on ne le pensait.


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    L'histoire de la Lune a été définie principalement grâce à l'analyse des échantillons rapportés par les différentes missions Apollo. Le modèle d'évolution le plus largement accepté propose que la Lune fut tout d'abord largement composée de roches en fusion et que les roches observées aujourd'hui résultent de la cristallisation de cet océan de magmamagma. Cependant, les analyses géochimiques des échantillons lunaires montraient jusqu'à présent des résultats contradictoires concernant le processus de cristallisation de ce magma originel. Plusieurs modèles d'évolution sont donc possibles pour expliquer le refroidissement de la Lune et la cristallisation des roches.

    L'océan de magma caractérisant les premiers stades de l'histoire de la Lune. © Nasa
    L'océan de magma caractérisant les premiers stades de l'histoire de la Lune. © Nasa

    Des données contradictoires pour expliquer la cristallisation des roches lunaires

    D'un côté, certains résultats suggèrent une cristallisation directe à partir d'un magma primitif, alors que d'autres suggèrent à l'inverse une modification de la composition du magma par cristallisation fractionnée. Le processus de cristallisation fractionnéecristallisation fractionnée permet en effet d'obtenir toute une série de roches magmatiquesroches magmatiques différenciées à partir d'un liquide magmatique parent. Cette différenciation est liée au fait que tous les minérauxminéraux ne cristallisent pas en même temps, dans les mêmes conditions de pression et température. Les premiers à cristalliser (aux températures les plus élevées) vont ainsi appauvrir le liquide résiduel en certains éléments, ce qui va influencer la nature des prochains minéraux à cristalliser (pour des températures plus faibles), etc.

    De nouvelles études étaient donc nécessaires pour essayer de démêler ces informations contradictoires. Une équipe de chercheurs a donc réanalysé des échantillons récoltés durant la mission Apollo 17 en 1972. Les roches rapportées sont des troctolites, composées majoritairement de plagioclases, d'olivinesolivines et d'orthopyroxènes. Jusqu'à présent, les résultats des analyses de cet échantillon présentaient un paradoxe. Les mesures radiométriques, pétrographiques et pétrologiques indiquaient plutôt un refroidissement lent sur une longue période de temps (3,9 °C par million d'années). Cependant, la méthode alors utilisée pour déterminer l'âge de la roche n'était pas adaptée pour déterminer l'histoire du refroidissement magmatique et notamment la plus haute valeur de température qu'ait connue l'échantillon. Ainsi, d'après ces résultats antérieurs, la roche aurait commencé à se cristalliser il y a 4.421 millions d'années, ce qui est problématique puisque l'âge de la Lune est estimé à « seulement » 4.383 millions d'années d'après les auteurs, ce chiffre étant également débattu.

    Des hétérogénéités chimiques qui suggèrent un refroidissement rapide

    La nouvelle étude, dont les résultats ont été publiés dans Nature Communications, tente de résoudre ce problème. Alors que l'échantillon était considéré comme chimiquement homogène par les précédentes études, les chercheurs de l'université d'Hawaï montrent la présence de subtiles hétérogénéités chimiques dans les plagioclases et les olivines qui le composent. Ces hétérogénéités ont permis, grâce à la modélisation numériquenumérique, de retracer l'histoire thermique de l'échantillon. Les simulations révèlent notamment que les minéraux n'ont pu supporter qu'un temps relativement court à de très hautes températures.

    Les nouvelles analyses des troctolites rapportées par Apollo 17 montrent que la Lune se serait refroidie plus rapidement qu'on ne le pensait (courbe rouge et courbe jaune par rapport au refroidissement lent représenté par la ligne noire). © Nelson et al. 2021, CC by 4.0
    Les nouvelles analyses des troctolites rapportées par Apollo 17 montrent que la Lune se serait refroidie plus rapidement qu'on ne le pensait (courbe rouge et courbe jaune par rapport au refroidissement lent représenté par la ligne noire). © Nelson et al. 2021, CC by 4.0

    Les résultats suggèrent donc que l'échantillon a subi un refroidissement rapide sur une période relativement courte de moins de 20 millions d'années. Un chiffre très différent des précédentes estimations qui donnaient un refroidissement sur une période de 100 millions d'années. Contrairement à ce que l'on pensait, la croûtecroûte lunaire se serait donc refroidie très rapidement après sa formation. Les auteurs proposent également un nouveau modèle de formation pour ce type de roche, qui permettrait de réconcilier les différentes données et notamment de prendre en compte l'idée d'un refroidissement rapide. Les troctolites se seraient donc formées par un processus d'infiltration réactive, lié aux interactions chimiques entre une proto-croûte solidesolide mais chaude et un manteaumanteau sous-jacent produisant le liquide magmatique. L'étude montre toute l'importance et la pertinence de revenir étudier d'anciens échantillons avec des techniques d'analyses modernes.