Une nouvelle échelle de temps a été franchie par les physiciens qui ont réussi à observer un événement de 247 zeptosecondes, soit un trilliardième de seconde : la durée de traversée d'un photon à travers une molécule de dihydrogène.


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    Dans le domaine des supercaculateurs, la course aux gros chiffres est lancée. Après les pétaflops (1015 flops, soit 1 million de milliards d'opérations flottantes par seconde), l'objectif est désormais l'exaflop (1018) voire le zettaflop (1021). En chimie, on court à l'inverse au plus petit nombre possible.

    En 1999, le chimiste égyptien Ahmed Zewail recevait le prix Nobel pour avoir mesuré des réactions chimiques à l'aide de flashsflashs lasers extrêmement brefs (femtoseconde : 10-15 secondes) ; typiquement, la durée de formation de liaisons ou de rupture de liaisons entre des molécules chimiques.

    Un nouveau pallier vient aujourd'hui d'être franchi par les physiciensphysiciens de l'université de Goethe en Allemagne, qui ont réussi à mesurer un événement de 247 zeptosecondes, soit un triliardième de seconde (10-21 secondes). Ils ont ainsi mesuré combien de temps un photonphoton met à traverser une moléculemolécule de dihydrogène en utilisant un microscopemicroscope spécial et un laser à rayons Xrayons X.

    Lorsqu’ils sont éjectés de l’atome d’hydrogène, les électrons forment des ondes d’interférence (en violet clair). La durée que le photon (flèche jaune à gauche) met à traverser les atomes d’hydrogène (dont le noyau apparaît en rouge) peut ainsi être mesurée grâce au léger décalage vers la droite des ondes d’interférence. © Sven Grundmann, <em>Goethe University Frankfurt</em>
    Lorsqu’ils sont éjectés de l’atome d’hydrogène, les électrons forment des ondes d’interférence (en violet clair). La durée que le photon (flèche jaune à gauche) met à traverser les atomes d’hydrogène (dont le noyau apparaît en rouge) peut ainsi être mesurée grâce au léger décalage vers la droite des ondes d’interférence. © Sven Grundmann, Goethe University Frankfurt

    Mesurer les interférences des électrons

    Pour bien comprendre, revenons d'abord sur quelques notions de physiquephysique. Grâce à l’expérience des fentes de Young, on sait que les électronsélectrons se comportent à la fois comme des particules et comme des ondes. Lorsqu'on fait passer les électrons par deux fentes, leurs ondes produisent des interférencesinterférences que l'on peut observer.

    Ce sont ces interférences qu'ont utilisées les scientifiques pour mesurer le temps d'éjection des électrons de la molécule de dihydrogène. Ils ont irradié la molécule avec les rayons X du synchrotron Petra III au centre d'accélération Desy de Hambourg, de manière à ce que l'énergieénergie des rayons X soit suffisante pour éjecter les deux électrons de la molécule.

    Lorsque le premier électron est éjecté, il produit une onde qui se propage dans le premier atomeatome, puis dans le deuxième. Pareil lorsque le deuxième électron est arraché. Il se forme donc deux ondes qui s'annulent ou s'ajoutent : ce sont les fameuses interférences.

    247 zeptosecondes : le temps que met le photon à traverser une molécule

    Les chercheurs ont observé ces interférences à l'aide du microscope à réaction Coltrims, un appareil qui rend visibles les processus de réaction ultra-rapides dans les atomes et les molécules. En même temps que le modèle d'interférence, le microscope a également permis de déterminer l'orientation de la molécule de dihydrogène : lorsque que le deuxième électron est éjecté de la molécule d'hydrogènehydrogène, les noyaux d'hydrogène restant disparaissent et sont détectés.

    « Nous avons ainsi pu utiliser l'interférence des deux ondes électroniques pour calculer précisément quand le photon a atteint le premier et quand il a atteint le second atome d'hydrogène, explique Sven Grundmann, dont la thèse de doctorat constitue la base de l'article scientifique paru dans Science. Et cela peut aller jusqu'à 247 zeptosecondes, selon la distance qui sépare les deux atomes dans la molécule du point de vue de la source de lumièrelumière ».

    Ainsi, une molécule ne réagit pas à la lumière de façon instantanée partout en même temps. « On observe un léger retard dû au fait que les photons à l'intérieur de la molécule se propagent à la vitessevitesse de lumière », ajoute Reinhard Dörner, coauteur de l'article. Difficile d'imaginer un événement plus bref. Même si cette mesure doit encore être confirmée sur d'autres molécules plus complexes, la zeptoseconde sera-t-elle la limite absolue de la mesure du temps ?